mardi 15 juillet 2008

Partie 2: les liens entre les acteurs civils, militaires et politiques du maintien de l'ordre.

Instrument inscrit dans une continuité, au service d'un gouvernement, qui lui change de façon chronique, vivant dans un ensemble de mentalités et d'opinions, issu d'une population donnée, les armées sont au milieu d'un ensemble de relations. Et l'armée même si elle ne communique que peu, n'est que rarement la Grande Muette, et elle émet toujours des idées au moins sur son emploi.

Cette mission est ainsi ressentie de façon particulière par les militaires. Avec une voix quasi unanime, les considérations de la base rejoignant bien souvent celle des hautes sphères des officiers généraux, les militaires dénoncent leur emploi à ces missions jugées souvent assez péjorativement comme le montre l'expression: « la petite guerre » lorsqu'ils montent à l'assaut des barricades. Ces missions sont vues comme peu glorieuses et en désaccord avec les vertus traditionnelles militaires. Il est hors de question de reculer devant une foule menaçante donc l' usage de son arme est préféré entraînant des morts. Ce sont ces « états d'âme » qui ont mené la création des Gendarmes Mobiles. Cette mission de plus pose un problème de conscience personnelle aux militaires. La dimension politique de la mission au service d'un régime qui change à la recherche de sa légitimité, en espérant être du côté du vainqueur, ou encore lorsque malgré ses croyances on doit forcer les serrures des église lors de l'application de la loi des inventaires en 1906, ne sont pas sans poser des problèmes. Même si la majorité obéit, la discipline prenant le dessus, une partie de prétoriens surs de leur métier remplit avec assurance leur mission, mais certains militaires en désaccord, la sphère du privé rejoignant celle du professionnel, prennent la cause des révoltés, démissionnent ou partent par anticipation à la retraite. Cette mission met à l'épreuve le loyalisme et l'unité de l'armée. La soumission à un commandement civil (préfets ou commissaires) inscrite par une instruction de 1907 n'est pas non plus appréciée, les militaires préférant une autonomie d'action et de direction.
Mais l'on ne peut leur donner car chargés de la défense de l'intégrité du gouvernement, entre confiance en eux pour se préserver et peur du césarisme, les gouvernements qui se succèdent doivent s'assurer du loyalisme de cette dernière et du fait que « l'armée ne fait pas de politique ». L'armée devient alors le rempart dans les cas les plus graves de l'ordre social garanti par l'Etat comme lors des insurrections des « rouges » au cours du 19ème siècle avec le rôle particulier et prépondérant de Paris. C'est alors un déchirement entre un patriotisme et une envie de maintenir l'ordre comme la traque des résistants des maquis lors du Gouvernement de Vichy par l'armée. Cette défense de l'ordre en place peut expliquer les aspirations conservatrices, majoritaires au sein des forces armées. Mais les militaires restent suspicieux des politiques surtout quand un mauvais emploi par incompréhension, des armées imposent aux militaires ces missions qui ne les enchantent guère. Ne voulant pas se couper de la confiance des gouvernements, les militaires doivent aussi s'assurer d'une bonne image auprès de la Nation qu'ils doivent représenter.


Cette mission de maintien de l'ordre est un cas particulier car les armées sont amenées de façon inédite à intervenir contre des concitoyens (la Gendarmerie y étant préparée car cela est sa tâche quotidienne). Surtout quand dans le cadre d'une armée de conscription depuis la réforme de 1872 complétée par la Loi Jourdan de 1905, avec des dispositions de recrutement spécifiques, les grèves mettent face à face des soldats de la région, fils d'ouvriers et de paysans en phase avec les problèmes sociaux décriés lors des agitations, et des manifestants qu'ils peuvent connaître. Cela peut mener à des cas de fraternisation ou de sédition comme en 1907, quand le 17ième Régiment d'Infanterie se mutine au cours du soulèvement du Midi. Des mesures de déplacements géographiques sont prises pour briser ces liens. L'image des armées va beaucoup souffrir de cette mission jusqu'en 1921. Un antimilitarisme venant s'agréger à ces pratiques même si l'on peut trouver des cas où délaissant une brutalité dans la répression, l'armée tente de jouer le rôle de médiateur avec les grévistes. Mieux considérer ensuite, les armées ne veulent retourner à des missions qui ruineraient leur crédibilité si chèrement acquise. De plus avec le poids croissant des images, du journal La France Militaire aux médias de masse, l'image que l'on donne est très importante. Les missions de maintien de l'ordre ayant mauvaise presse et la présence de militaires dans les rues ayant un impact psychologique fort sur les populations, l'outil militaire ne peut qu'être utilisé avec modération dans ce genre de mission pour ne pas monter la population contre l'armée et contre ce qu'elle doit représenter, hantise des gouvernements.


Cette mission complexe a donc nécessité qu'elle soit déléguée à des corps spécialisés. C'est ainsi que les armées interviennent moins mais comme le montre le cas de la Nouvelle-Calédonie en 1989 avec le rétablissement de l'ordre par la répression des indépendantistes Kanak lors de la prise de la grotte d' Ouvèa avec une coopération des Gendarmes Mobiles et des militaires, l'armée est toujours prête à y faire face.

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