Que cela soit la guérilla en milieu urbain de Grozny en 1999, le théâtre de la Doubrovska en 2002 et l’école de Beslan en 2004 marquant l’apparition des prises d’otages à très grande échelle ou l’emploi récurrent de l’expression « des filières tchétchènes » pour définir la provenance d’individus de la mouvance terroriste internationale, tout ceci avait mis sous le feu des projecteurs cette république qu’est la Tchétchénie. Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Sans dresser un portrait complet de la situation plusieurs points d’importance peuvent être mentionnés.
Tout d’abord, ce qui marque les dépêches de Presse est la fréquence des blessés et des tués lors d’attaques et d’accrochages entre des forces de sécurité et des éléments dits terroristes. Il ne se passe pas une semaine depuis 2000 (malgré les affirmations officielles du Ministre de l’Intérieur tchétchène pour l'année en cours) sans qu’un de ces événements ne se produisent. L’envoi de troupes (un gros bataillon au maximum) de la 42ème division de fusiliers motorisés qui a pour garnison permanente la Tchétchénie lors de la campagne estivale en Ossétie du Sud, est le signe pourtant d’une amélioration des conditions de sécurité avec le dégarnissage d’un théâtre auparavant prioritaire. Malgré les efforts fournis par des effectifs nombreux (de la régulière, des forces du FSB ou par les Spetnaz) et les méthodes que l’on qualifiera de musclées pour la lutte anti-terroriste qui conduira à la mort d’une des figures charismatiques Shamyl Bassaïev en juin 2006, ses anciens camarades toujours traqués dans les montagnes tchétchènes, réussissent pourtant avec des effectifs peu nombreux (le Ministère de l’Intérieur russe parle de 400 à 500 combattants) à faire parler d’eux.
Peu soutenus car issus d’une frange minoritaire de l’Islam, le wahhabisme, face à un Islam plus de couleur locale majoritaire, et basant leurs revendications sur l’indépendance, option encore rejetée lors d’un référendum récent en décembre 2007, le mouvement d’insurrection n’a jamais pu prendre une ampleur nationale. La présence d’éléments étrangers comme des hauts responsables jordaniens (Haled Youssef tué il y a peu en Ingouchie) de la mouvance Al-Qaeda est attestée dans le Caucase du Nord malgré les efforts policiers de l’année passée (190 « bandits liquidés », 150 retournements, 700 arrestations et 2.000 tonnes d’explosifs !!!!). Le plan de Bassaïev, pour donner de l’ampleur à son mouvement, était de joindre aux forces regroupées au sein du "bataillon des martyrs tchétchènes", toutes les volontés du Daghestan et de l’Ingouchie voisines. Sur le mode d’action, rien de bien nouveau que cela soit par le harcèlement lors d’attaques brèves à la mitrailleuse et aux lances grenades des postes de sécurité, des attentats à la bombe mais aussi à grande échelle, une guerre de mines pour saturer des zones. Les mouvements indépendantistes peu structurés participent eux aussi, indépendamment, à ces tensions. Malgré certaines apparences (surveillance de la tenue des femmes, des étudiants ou contrôle des débits de boisson), le président Kadyrov, musulman convaincu, se défend de vouloir instaurer la charia ou loi islamique en Tchétchénie, préférant juste appeler à une application scrupuleuse des préceptes du Coran pour une vie civique de tous plus agréable en ajoutant qu’il avait « utilisé l’Islam comme instrument de lutte anticriminelle ».
Dirigé par un fidèle de Moscou, la Tchétchénie avance petit à petit sur la voie de la normalisation post-conflit. Faisant suite au référendum de 2007, des réformes politiques et institutionnelles se déroulent avec la future composition d’une unique chambre pour le Parlement lors d’élections normalement prévues le mois prochain. La reconstruction grâce à l’argent injecté par Moscou (pour 2008-2011 plus de 120 milliards de roubles soit 5 milliards de dollars), bat son plein avec la construction d’hôpitaux et d’une université ou d’un aéroport international à Grozny même si la corruption à tous les étages de l’Etat ne facilite pas la réalisation des projets. Souvent critiquée par les organisations de défense des Droits de l’Homme mais peu attaquée pour ne pas froisser le Kremlin par les Etats eux-mêmes, la présidence tchétchène tente, tout en ne niant pas les disparitions (5.000 environ selon les autorités depuis 1994 et la première campagne de Tchétchénie), les charniers (une cinquantaine de recensés) et les méthodes de la lutte de contre-terrorisme, mettre en avant les efforts. Il y a quelques jours le délégué tchétchène aux Droits de l’Homme annonçait fièrement l’absence d’enlèvements depuis le début de l’année. En avril 2008, la république tchétchène avait reçu la visite du commissaire européen aux Droits de l’Homme, Thomas Hammarberg, qui se montrait confiant. Il avait mis en avant l’activité trouble d’un bataillon nommé Vostok (envoyé en Ossétie), formé de tchétchènes s’étant montrés des aides de qualité pour traquer leurs anciens camarades avec une préférence pour les tactiques de la terre brulée. Il est dirigé par Soulim Iamadaïev dont les services ne sont plus autant appréciés par les hautes autorités militaires car il est soupçonné avec son frère d’être une des plaques tournantes du trafic de drogue et d’armes qui transitent dans la région. Ces trafics soutenus par des oligarques du crime qui corrompent des fonctionnaires jusqu’au sommet de l’Etat sont alors le nouveau défis des services de sécurité. Encore faut il une réelle volonté de le faire, tant les intérêts de tous sont troubles.
Pour conclure et pour éviter toute confusion, au moment de l’indépendance du Kosovo en février 2008, les autorités répétaient sans relâche qu’une analogie de processus menant à l’indépendance n’était pas envisageable tant l’attachement à la Fédération de Russie avait été affirmé à plusieurs reprises comme en 2003 lors d’un premier référendum. Et cela surtout lorsque l’on connait la position russe vis à vis de cette indépendance kosovarde, jugée « illégitime et sans fondement ».
Le Tchéchénie démontre encore une fois que la guérilla, s'il n'est pas soutenu par la population n'est pas ''l'arme absolue'' contre les ''impérialismes'' proné par certains radicaux.
RépondreSupprimerTout à fait, et dit autrement: que le mot d'ordre politique est aussi important que les capacités militaires.
RépondreSupprimerLe frère de Samadaïev a été assassiné en pleine rue à Moscou ce week-end... le président tchétchène s'assure, comme tu le disais dans ton article, le contrôle du pays. La Tchétchénie deviendrait-elle finalement un cas d'école et un modèle de contre-insurrection ? Qu'en penses-tu ?
RépondreSupprimerA+
Stéphane.
Le problème avec le cas de la Tchétchénie (d'où mon titre un peu humoristique: laissez nous on gère le problème à notre façon...!) c'est qu'il est clairement amoral don peu transportable. Le président Kadyrov est le modèle du président en uniforme. Les liens qu’il a conservés après son passage dans les services de sécurité tchétchène lui permettent sans problème d’avoir ce qu’il faut comme relations troubles pour calmer définitivement certains éléments comme le clan Iamadaïev qui échappe à tout contrôle des autorités centrales. Les méthodes employées pour la résolution d’un problème qui géopolitiquement aurait pu enflammer la région sensible du Causasse Nord, ne sont jamais dénoncées par les puissances occidentales trop contentes à mon sens que ce foyer de tensions et de terroristes en cours de résorption, ne puissent devenir une source d’inquiétudes supplémentaires.
RépondreSupprimerDe plus la position du président coupe l’herbe sous le pied des terroristes avec un retour certain vers une frange d’inspiration islamique modérée. La population est, semble t’il, plus décidé à suivre une voie médiane proposée par le gouvernement que de plonger dans l’extrémisme prônée par Bassaiev et ces descendants. La lassitude des conflits aidant.
Sur le plan militaire et à ce que j’en sais en plus du RETEX fait sur les combats de rue à Grozny : le Kremlin a mis le paquet au niveau des effectifs pour tenir la région. Les unités des forces spéciales ou des unités commandos ultralégères ont ratissés et se sont implantées au cœur de la république pour chasser des terroristes qui connaissaient particulièrement bien le coin. Et toujours l’emploi d’éléments locaux ou retournés comme des alliés utiles pour la traque des terroristes. Est-ce que le mouvement insurrectionnel s’est essoufflé de lui-même ou les méthodes de fermeté purement militaires dans un premier temps, la reconstruction arrivant tardivement, ont dissuadé de nouveaux volontaires ? Comme toujours la réponse doit se situer dans une voie médiane.
Merci pour ta réponse. La voie doit effectivement se trouvait entre les deux.
RépondreSupprimerA+
Stéphane.