Le MinDéf israélien a annoncé que plus aucun soldat israélien n’était dans la bande de Gaza. C’était assez prévisible que les unités terrestres se retireraient, ne restant pas sur place en défensive comme lors de la Seconde Intifada (2000-2005). Dans un champ de ruines au sein d’une population revenue sur zone, sans aucune protection en dure (bastion walls, endossements, etc.) et faisant face au harcèlement de quelques combattants assez fanatisés pour agir, les bénéfices possibles étaient trop maigres par rapport aux nombres de menaces. L’après-conflit commence et rien n’est gagné: tout reste à faire. François Duran dresse un panorama qui n’est pas loin d’être exhaustif, le blog Géopolitique du Figaro publie quelques notes pertinentes et sur le blog de JD Merchet, Pierre Razoux se montre optimiste sur le bilan tactico-opératif israélien.
En se basant sur les communiqués officiels du service de com’ israélien, on peut dresser un bilan des pertes (désolé je n’arrive pas à insérer un tableau) : 10 tués (ou 14 ?) dont 5 officiers, au moins 208 blessés dont 3 dans un état critique et 18 dans un état sévère. C’est évidemment à prendre avec « des pincettes » : en phase 3 par exemple, lors des courts et rapides raids dans Gaza-ville, plusieurs comptes-rendus quotidiens successifs ne rapportent aucune perte…
Deux constats peuvent être tirés de ces chiffres. Tout d’abord, ils sont éloignés des 120 militaires tués lors de la « guerre de Juillet » en 2006. Certes les combats terrestres au sud-Liban ont duré plus longtemps (du 23 juillet au 14 août) et les assauts étaient plus meurtriers comme contre les positions enterrées de Bint Jbeil où 10 paras israéliens sont tués rien que le 28 juillet. Il apparait clairement que l’intensité des combats a été moindre. Les IDF ne sont pas venus s’empaler sur les possibles défenses urbaines du Hamas et c’est là un de leurs succès tactique qui a permis la constante adhésion de la population israélienne. Ensuite au niveau micro-tactique, le corps des officiers a été particulièrement touché. Le hasard de la guerre n’y est sans doute pas pour rien mais cela donne des indices sur le commandement des IDF. La majorité des officiers tués ou blessés appartient aux brigades Kfir et Golani. Ils ont été atteints lors d’échanges de tirs. Ces officiers ne sont pas reconnaissables par leur tenue (vert Tsahal comme les autres), ni par leur armement (Tavor ou M16), ni par la forme standard de leur casque. Le seul indice qui peut en faire des cibles de choix est le radio qui les suit. Ainsi cela montre clairement que les officiers de ces unités d’assaut sont au sein des éléments de tête pour diriger la manœuvre, s’exposant autant que leurs hommes.
Jusqu’à quel point les capacités militaires palestiniennes, autres que le tir de roquettes, sont-elles du bluff ? La résistance armée « héroïque et victorieuse » face aux colonnes israéliennes a été sporadique. L’effet de surprise des premières frappes a sans doute atteint la volonté des palestiniens, et les IDF ont gagné des points dès le début « dans l’affrontement de volontés ». La résistance a sans doute été l’œuvre de quelques combattants volontaires et expérimentés et non d’une opposition massive. Car à force de préserver ses capacités (pour plus tard avec la volonté de survivre dans la durée ?) et de trop vouloir attendre les forces israéliennes au cœur des villes, les uns et les autres ne se sont que peu croisés. Alors défaite du Hamas trop faible en culture tactique ou victoire des IDF ? Un peu des deux, le Hamas en fera sans doute un RETEX. Mais c’est sans doute toute surtout le fait de la sagesse et de la prudence des commandants israéliens pour ne pas offrir des cibles faciles. Le point fort palestinien d’action en zone urbaine a ainsi été contourné ou au moins évité. Le Gal Desportes ne dit-il pas que : « la règle éternelle et fondamentale de la guerre est celle du contournement ». L’adaptation peut mettre partiellement fin à la victoire que l’on automatise pour les acteurs asymétriques. On peut voir cela comme la réalisation du principe d’évitement, très présent dans la culture stratégique asiatique. Mais cela sera-t-il suffisant finalement ? Les Israéliens engagent une phase d’exploitation de quelques acquis qui peuvent être remis en cause pas tant sur le terrain mais par tous les éléments stratégiques extérieurs.
Traditionnellement, les officiers israéliens ont toujours payé un lourd tribut pendant les combats qui ont émaillé la brève, mais violente histoire de ce pays : en hébreu, le cri de guerre du chef à ses troupes, avant de monter à l’assaut, est « Suivez-moi ! », et non « En avant ! »… Cette singularité, l’officier montrant l’exemple en se précipitant le premier face au danger, fait véritablement partie de la « mystique » de Tsahal, au même titre que le citoyen-soldat, etc.
RépondreSupprimerDans le cas présent, et tout en restant prudent sur les chiffres publiés, ce taux d’attrition élevée semble effectivement indiquer que les troupes terrestres ont fait preuve d’une forte agressivité, en sortant de l’abri des blindages pour aller « au contact ».
Mais ce ne sont encore que des suppositions. Attendons les RETEX israéliens pour en apprendre un peu plus sur les tactiques employées par Tsahal lors de ses incursions terrestres…
Je ne suis sans doute pas encore arrivé à ce passage dans le livre de Pierre Razoux que j'ai enfin commencé à lire... Donc bien enregistré pour l'anecdote à forte valeur!
RépondreSupprimerPour le RETEX, en effet wait and see! Mais cela commence déjà à tomber. Les quotidiens israéliens possèdent souvent des spécialistes militaires très bien informés et très compétentes dans la graine de leur historien Van Creveld. Les premiers témoignages de plus paraissent. Donc avec assez de recul de la part du lecteur, il va falloir décortiquer l'ensemble...
Comme le dit François Durant, les officiers israëliens ont souvent payé un lourd tribut car la doctrine de combat de Tsahal leur confère un rôle décisif dans l'entraînement (au sens littéral) des troupes : souvent exposés en première ligne, ils payent donc de leur personne et tombent en moyenne fréquemment, et ce dans toutes les armes (cf les pertes en officiers pendant la Guerre des Six Jours ou la guerre du Kippour dans les unités blindées).
RépondreSupprimerCela est dû aussi, si je me souviens bien de la lecture de Razoux, au modèle britannique qui a beaucoup influencé les Israëliens à leurs débuts.
A+
Conclusion de toutes ces remarques: trouver le temps d'avancer dans le livre de Razoux... J'en suis qu'au deuxième chapitre...
RépondreSupprimer"J'ai (presque) rien à faire mais cela me prend beaucoup, beaucoup trop de temps!"
Tout à fait d'accord avec toi : quand je vois les piles de bouquins qui m'attendent, je me dis qu'il faudrait trois vies pour en venir à bout !
RépondreSupprimerJe viens de réaliser que j'ai écorché le nom de François : Duran sans t...
A bientôt !
Stéphane.
Avez vous eu le temps de ressortir l'OdB de Tsahal pour cette opération ?
RépondreSupprimerVous aviez identifié 6 brigades sur le terrain sur un vos posts précédent.
En commentaire d'un de mes articles celui-là: http://mars-attaque.blogspot.com/2009/01/chroniques-gazouites-n2.html#comments
RépondreSupprimerJ'ai tenté de répondre au mieux à une de vos questions, mais je n'ai pas réellement plus d'infos. La "censure" militaire israélienne fait tout pour ne pas communiquer sur les unités présentes. Le seul moyen es de repérer les sigles des véhicules (nombre plus lettre hébraïque) mais là encore les manœuvres de déception sont possibles.
Merci pour la réponse, je vais donc indiqué l'OdB précédent sur l'article du wiki avec votre référence.
RépondreSupprimerBon, il semble qu'il est un ''regain de tension'' dans le secteur. Espérons que les acteurs vont se calmer un peu...