mercredi 11 février 2009

Une solution à deux ou à trois.

Depuis quelques jours les tirs de roquettes en provenance de Gaza sont plus sporadiques et l’attention médiatique est focalisée sur le résultat des élections israéliennes. On attend la fin du dépouillement du vote de quelques 200.000 militaires pour avoir un peu plus de précision sur le futur Knesset. Avec le jeu des alliances et l’écart minime (une place) qui sépare le Likoud de Kadima, la situation n’est pas clarifiée. Prévue par les sondages, la droite nationaliste a bien réalisée une percée importante. Pour eux mais aussi pour les autres formations politiques d’ailleurs, la sécurité et l’intégrité d’Israël sont non-négociables. Ainsi sur le fond, pas de changement radical juste peut être sur la forme. Les mouvements pacifistes n’ont pas encore le poids qui permettrait d’espérer un virage radical. Sans parler de faucons, et comme le prouve la multiplication des photos montrant des soldats de Tsahal se recueillant kippa sur la tête, les militaires ne sont pas tous devenus des « refuzniks » ou des colombes.

Les prochaines élections palestiniennes (s’y elles se déroulent en temps voulu) seront utiles pour connaitre le ressentiment des habitants par rapport aux deux grands partis qui les dirigent. Plusieurs scénarios sont possibles :
  • une baisse électorale du Hamas dans son fief de Gaza par lassitude des gazaouites, qui profiterait au Fatah jugé plus modéré
  • une hausse du Hamas en Cisjordanie face à un Fatah jugé trop attentiste et ne représentant pas une résistance crédible
  • ou un statuquo avec un maintien des deux formations à leur niveau actuel dans les deux territoires ce qui entérine encore plus la fracture.

Aujourd’hui, sans bénéficier de sondages précis, il est possible d’émettre quelques éléments de réponse. Le Hamas (sur le modèle du Hezbollah) s’est approprié les actions de charité, en s’attaquant même aux humanitaires. Elles visent les populations démunies ou ayant subies des pertes durant « Plomb durci ». Ainsi son capital de sympathie peut grimper encore plus dans la bande de Gaza. Entre règlements de comptes, répressions de manifestations et refus de s’engager, le Fatah et le Hamas paraissent de plus en plus irréconciliables.

Alors même qu’en coulisses les pourparlers menés par différents intermédiaires se déroulent, la solution ne serait-elle pas à rechercher non pas avec deux mais trois entités étatiques ? Bien cantonnés dans deux territoires distincts, qui ne bénéficient d’aucun lien direct de l’un à l’autre, la fracture entre Gaza et la Cisjordanie est nette. La réunification au moins géographique est improbable : Israël ne se laissera pas à son tour couper en deux. La disparition d’un des trois protagonistes n’est guère plausible à court terme. Et à moins d’espérer cette solution, c’est peut-être bien avec trois acteurs qu’il faudra traiter. L’histoire, souvent bonne conseillère, nous a prouvé qu’un état coupé en deux a rarement survécu bien longtemps. Je n’ai pas une liste exhaustive mais nous pouvons nous rappeler de Berlin ouest enclavé en Allemagne de l’est avant la réunification complète. Lors de son indépendance en 1947, le Pakistan est coupé en deux par l’Inde avec une partie orientale et une partie occidentale. Aujourd’hui, la partie orientale est devenue indépendante, le Bangladesh. Des exceptions existent comme l’état de l’Alaska pour les Etats-Unis. Mais les transferts au moins par la mer rendent possibles une liaison directe sans avoir à passer par le Canada. L’enclave russe de Kaliningrad (un des rares ports russes non prisonniers des glaces en hiver) voit aujourd’hui sa flotte décliner.

Alors bien sur, la reconnaissance mutuelle des acteurs comme partenaires crédibles par les différents partis est un préalable. Il en est de même des intentions assez apaisées pour espérer une coexistence pacifique. Mais finalement cette solution (qui n’est pas une solution miracle) à deux états anciennement palestiniens, est-elle si utopique ? Elle ne peut pas être aussi brute que cela. Mais, l’entendant régulièrement ces derniers jours, elle devrait peut être un peu mieux étudiée. La conférence de demain à l’IFRI sur « L’après Gaza » me fera peut être revenir sur cette piste de réflexion !

P.S: Thomas Friedman (éditorialiste au New York Times) propose une solution à cinq états (ou participants).

4 commentaires:

  1. Bonjour,
    La proposition de créer deux Etats palestiniens (Gaza islamiste/HAMAS et Cisjordanie Laïque/Fatah) est séduisante et rationnelle mais me semble peu viable pour les raisons suivantes :
    - Gaza n'est pas viable économiquement sans l'aide des pays limitrophes (Israël/Egypte) ou sans parrains (Iran ? Syrie?)ce qui compromet la souveraineté de cet Etat ;
    - Les familles palestiniennes sont souvent réparties sur plusieurs territoires (Gaza, Cisjordanie, Camps à l'étranger). Plusieurs Etats = plusieurs nationalités (pourquoi pas ?)
    - Le droit au retour et pour les islamistes, la destruction de l'Etat d'Isräël, semblent peu propices à l'établissement d'un Etat palestinien stable à Gaza
    - Israël ne me semble pas prête à accepter un "Hamastan" à ses portes (cf. élections de la Knesset d'hier).
    - Le Hamas et le Fatah, selon leur doctrine et leur politique, ont vocation à diriger l'ensemble de l'Autorité palestinienne. Par ailleurs, ils existe de nombreux différends sanglants qui les séparent.
    http://pourconvaincre.blogspot.com/2009/02/reglements-de-compte-entre-hamas-et.html

    Il me semble qu’aucune solution rationnelle ne soit possible à court terme car la passion et le sang ont pris le pas depuis longtemps sur la raison.
    J'espère tout de même qu'une solution à deux voire à trois, comme vous l'appelez de vos voeux, puisse régler un jour ce problème.

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  2. @ SD: je ne peux qu'être d'accord avec vous sur vos remarques faisant de la bande de Gaza (et dans une moindre mesure aussi de la Cisjordanie) des possibles entités indépendantes bancales.

    Les "lois d'action réciproque" entre les volontés et les attentes palestiniennes et israéliennes (vos deux derniers points) sont aujourd'hui ce qui bloquent une réponse à la crise. Il est vrai que si la question de la viabilité économique était la dernière chose à régler, cela voudrait dire que déjà beaucoup a été fait. Avec les demandes actuelles des différents partis, le blocage est la seule issue. Pour modifier la situation, tous doivent revoir "à la baisse" leurs demandes pour espérer aboutir.

    P.S.: je voulais citer votre billet (tensions Hamas vs. Fatah) dans mon propos mais j'ai malheureusement oublié... Il en est de même pour un article que je n'arrive plus à retrouver sur les attaques du Hamas contre le programme d'aide alimentaire de l'ONU (de mémoire) pour garder l'exclusivité de la distribution de denrées rares.

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  3. Les réferences de l'UNRWA concernant le vol (c'est un peu politiquement correct) :
    http://www.un.org/unrwa/news/releases/pr-2009/jer_6feb09.html

    Concernant l'exclusivité des denrées, je n'ai pas retourvé les références dont vous parlez

    Bonne conférence.

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  4. En effet, cela provient du site officiel. Une analyse de "je ne sais plus qui" faisait état de la multiplication des attaques du Hamas pour s'approprier le contenu de l'aide humanitaire.

    Il poursuivait en analysant ces attaques comme une volonté du Hamas de paraitre aux yeux de la population gazaouite comme l'unique alternative à la distribution de biens de première nécessité.

    La comparaison avec le Hezbollah, qui par ses services sociaux distribuaient des biens et des fonds aux familles touchés ou dont un membre avait été tué ou blessé par les combats, était saisissante.

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