mardi 1 juin 2010

Ça a planté !

Quelques commentaires à chaud sur l’opération d’arraisonnement de « la flottille de la liberté » menée par les commandos israéliens. Des plus compétents se sont déjà exprimés avant moi (ici, ici ou et encore là).

Pour résumer, l’échec est complet pour Israël : manifestations, condamnations, éloignement de l'ancien allié turc, etc. Il faut encore attendre pour savoir si ces réponses sont seulement conjoncturelles ou plus structurelles des relations Israël/autres états. Seul point positif minime pour Israël, le blocus au large de la bande de Gaza demeure inviolé (mais à quel prix!).

Ce blocus, qui s’affirme encore plus comme un objet politique en lui-même dans les relations internationales et dans les reliquats de pourparlers, est à la fois une assurance vie pour Israël (minimiser le réarmement des groupes hostiles de la bande de Gaza) mais aussi ce qui l’entraîne à sa perte par une obsession à le maintenir inviolé.

En effet, il contraint Israël à agir, et parfois à se planter. Dans le rapport de force Hamas/Israël, les forces de défense israéliennes répliquent par des opérations (généralement des bombardements d’infrastructures ou de tunnels frontaliers avec l’Égypte) à chaque roquette tirée, à chaque intrusion terrestre, à chaque tentative de forcer le blocus. Face à cette flottille, Israël se devait agir pour ne pas créer un précédent. Il ne fallait pas montrer de signe de faiblesse dans la dissuasion mise en place.

Sur l’opération, le bilan est extrêmement lourd (neuf morts chez les militants) alors que la situation a dégénéré sur un seul navire. Des manifestations hostiles multiples auraient été encore moins gérables. Il n’y a pas eu d’assauts multi-directionnels à la fois par hélicoptère et par la mer, permettant de mettre à bord simultanément un nombre respectable de commandos. Ils sont arrivés un par un, peu armés et ont été submergés conduisant à une escalade de la violence jusqu’à l’emploi de la force létale.

La Marine israélienne est le parent pauvre de la Défense israélienne. Les composantes terrestre et aérienne sont plus souvent sur le devant de la scène. La Marine doit donc prouver son utilité (autrement qu’avec ses sous-marins face à l’Iran) et faire oublier des échecs. On se rappelle de la corvette type Saar 5 touchée par un missile antinavire tiré par le Hezbollah alors que le système de protection n’était même pas enclenché. Ainsi, elle arraisonne fréquemment des navires suspects, comme le Karine-A en janvier 2002 ou le Francop en novembre 2009.

Dans le processus de prise de décision, l’habitude d’agir, généralement sans violence, ainsi que le forcing corporatiste de la Marine ont sans doute joué pour faire admettre au politique le plan d’action proposé. Mais, le renseignement a sans doute failli à déterminer les motivations exactes de ces « pacifistes violents », entraînant l’apparition d’un cas non-conforme, non-prévu.

L’emballement médiatique est parti. Que la force soit employée en légitime défense ou non, importe aujourd'hui peu. Les vidéos fournies par la défense israélienne montrant l'accueil réservé aux commandos ne convaincront plus grand monde. « La flottille de la liberté » a plus qu’attiré l’attention sur Gaza : mission réussie, mais là aussi à quel prix.

2 commentaires:

  1. Bonjour,

    Ce que je retiens en premier lieu de cet évènement c'est la consécration d'une délitement du lien privilégié entre la Turquie et Israël.
    Il semblerait en effet que les ressortissants Turcs aient été particulièrement nombreux au sein des militants de la flottille.
    Erdogan quant à lui ne s'est pas piqué de mots pour exprimer sa très vive réprobation en direction de l'Etat Israëlien avec d'autant plus de pression intérieure que quatre ressortissants de son pays figurent parmi les victimes.

    Et j'ajouterais un deuxième élément d'analyse : la guerre des images et des médias. Il ne suffit plus de mener une opération à bien, encore faut-il savoir la vendre pour en retirer tous les dividendes...

    Cordialement

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  2. @ Yannick :

    En effet, la Turquie a ajouté sa voix au "concert des nations" protestataires. Déjà, que les liens entre les deux états étaient plus que distendus... L'armée de l'Air israélienne ne pouvait plus utiliser l'espace aérien de la Turquie pour s'entraîner depuis quelques mois par exemple.

    Erdogan parlant textuellement de "terrorisme d'état" m'interpelle! Lui qui a tant de mal à regarder officiellement en face le sort réservé aux Arméniens dans les années 1915-1916... Je ne ferais pas le donneur de leçons ni aux uns ni aux autres.

    Quant aux médias, la communication stratégique israélienne quoique performante a du mal à surnager dans le torrent médiatique international.

    Cf. l'excellent ouvrage "War 2.0 Irregular Warfare in the Information Age" de Marc Hecker et Thomas Rid.

    J'ai un petit billet en préparation pour la fin de la semaine sur ce point là.

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