Jean-Dominique Merchet sur son blog puis Jean-Marc Tanguy sur le sien confirment et rendent public la rumeur qui traînait depuis des mois. La belle entente franco-américaine des communiqués de presse de l'ISAF aurait donc connu fin 2010 quelques fissures, avec comme point de désaccord les résultats obtenus dans la zone sous responsabilité française.
La division US dont dépend la Task Force française, la 101st Airborne Division, aurait réclamé l'ouverture de l'axe asphalté de délestage par l'Est de Kaboul, dont un tronçon passe dans la zone française, pour le printemps. Or, il s'avère que cet objectif (catalyseur de la stratégie de contre-insurrection sur zone) a pris du retard, entraînant le courroux des Américains.
Juste un coup de tonnerre dans un ciel sans nuages ?
En premier, il faut relativiser les conséquences de ce coup de sang au niveau des relations de commandement. Le 21 avril, le général Petraeus, commandant les forces de la coalition en Afghanistan, visite les Français. Comme il l'a déjà fait en septembre, et ses prédécesseurs avant lui, c'est l'occasion de délivrer le traditionnel message de communication stratégique.
Le travail des forces françaises est décrit à cette occasion comme efficace et professionnel, l'intégration des forces de sécurité afghanes dans les opérations est jugée satisfaisante et l'approche française, bien connue d'un tel spécialiste de l'histoire des opérations de contre-insurrection, encore une fois louée.
Sans sous-estimer le décalage entre ces paroles d'un habile communicant et la réalité, il ne faut pas surestimer les tensions existantes entre chef et subordonnés. Sans doute que 6 mois après, le tir est rectifié à la fois sur le plan opérationnel et sur le plan diplomatique. La vitrine française, avec ses réels avancées et ses échecs, qu'est la Kapisa et la Surobi, n'est pas bannie.
200 coups de canon, ce ne serait pas de la guerre à l'américaine ?
Il n'y a pas si longtemps, le fait que les forces françaises tirent trois obus lors d'une opération était signalé dans les communiqués de presse officiels. Récemment, ce n'est pas moins de 200 coups qui ont été tirés sans que les communiqués mentionnent ce déluge de feu lors de l'opération Eternal Blacksmith.
Un tel bilan est difficile à assimiler à l'approche douce basée sur la "french touch". Sans se formaliser sur ces chiffres, il est notable que les dernières opérations semblent être marquées par un retour de la coercition avec les moyens US (non refusés donc signes de relations apaisées) et les moyens de feu français toujours plus nombreux (Caesar, mortiers, chasseurs).
Globalement, tout l'Afghanistan semble touché par cette tendance du retour à l'attrition avec une lente mais certaine glissade d'une contre-insurrection populo-centrée (protection de la population) à des opérations en grand nombre de contre-terrorisme (viser les "bad guys", insurgés, chefs de réseaux, etc.) saupoudré de mesures envers les populations civiles.
Les "petits actionnaires" obéissent au tempo américain
Ainsi, les forces françaises ne seraient-elles pas gagner par une attirance technologique et attritionnelle made in US ? Sans doute. Mais d'un autre côté, face à une insurrection, il ne suffit pas de seulement d'ouvrir des puits et distribuer des tracteurs pour y mettre fin. S'attaquer aux réseaux insurgés est aussi nécessaire : les Français sont donc poussés à être plus agressifs.
Sous la pression de forces américaines suite au fait que le metrics d'une des tasks (tâches) "MSR ouverte" soit rouge et non vert (cf. l'article sur la gestion managériale de la guerre), les Français ne seraient-ils pas entrain de perdre leur latin ? De subir la pression des résultats à obtenir et donc d'avoir à se presser ? De perdre leur différence finalement ?
Ainsi, vive la guerre en coalition! Les Américains, actionnaire majoritaire, attendent des résultats (question de politique intérieure) et imposent le tempo. Or, la France avait l'opportunité et voulait prouver le bienfait de ses méthodes. Mais elles avaient le défaut de la patience et les Américains n'avaient pas apparemment le loisir de se hâter lentement.
MAJ1 : il est souvent fait état de l'importance des saisons entre des périodes chaudes privilégiées par les insurgés qui profitent de la végétation luxuriante pour se cacher, et des périodes neigeuses entravant les mouvements. Avec des hivers particulièrement doux ces dernières années, cette assertion sur le ralentissement d'activités est sans doute à relativiser.
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