Le dernier numéro (2:2011) de Politique Étrangère (la revue « haut-de-gamme » de l’IFRI dotée de son blog) contient quelques très bonnes pages de saine lecture : un solide dossier sur Al-Qaida et la guerre contre le terrorisme, et des varias qui pour certains se révèlent particulièrement intéressants.
Revenant sur le bilan de 10 années de guerre contre Al-Qaida, Marc Hecker, qui a dirigé le dossier central, annonce d’emblée un score paradoxal de parité : un échec des deux parties à parvenir à leurs objectifs (sans doute trop inatteignables) mais une défaite totale pour aucun des deux car des succès certains ont été obtenus et des questions sur l’avenir de cette opposition restent en suspens.
Le premier article écrit par Gilles Andréani tente de présenter un bilan complet en s’intéressant aux différents pans de cette opposition voulue, au moins à l’origine, comme une lutte à mort. Si grâce aux efforts démesurés, il est possible de s’enorgueillir de la défaite d’Al-Qaida « central » (l’article suivant sera plus mesuré), il ne faut pas sous-estimer les coûts économiques, politiques, moraux, etc. à long terme dont on ne devine qu’à peine l’étendue.
L’article de Guido Steinberg dresse un passionnant tableau d’Al-Qaida en 2011 : de sa défaite politique face aux révolutions arabes (personnellement, j’attendrais avant d’être aussi affirmatif…) à ses capacités de résurrection régionale (Irak, Maghreb, péninsule arabique). Un article particulièrement clair pour découvrir les métastases qui aujourd’hui (comme d’autres hier) font « l’actualité » et préoccupent bien du monde.
Je passe sur le suivant, c’est du Chaliand : guérilla, terrorisme, guerre révolutionnaire, propagande par l’acte, etc. Le suivant, d’Andrew Exum, plus connu sous son nom de guerre inter-blogs Abu Muqawama, revient sur le cas afghan et les raisons qui font que l’avantage ne semble vraiment appartenir à aucun des camps. De l’aillé indocile pakistanais au gouvernement afghan, clé du succès et de l’échec, tout y passe.
L’article d’Hew Strachan, professeur d’Histoire à Oxfortd, est à lire car il tente de répondre à la question centrale : les armées européennes ne peuvent-elles mener que des guerres limitées ? Dans le contexte actuel (et pour quelques années, sauf si…), y répondre semble primordial. Appelant à la rescousse Clausewitz ou Corbett, dissèquant « guerre de choix » et « guerre de nécessité », l’auteur ouvre plus de pistes de réflexion qu’il n’en clôt.
Dans le reste de la revue, on relèvera :
- l’article sur l’opposition plus ou moins soft entre le Nigéria et l’Afrique du Sud via leur investissement respectif (et concurrent) dans la crise ivoirienne. ;
- la présentation précise de la FINUL « renforcée » post 2006 (la France y déploie tout de même plus de 1.000 hommes à une portée de cailloux de la Syrie) ;
- la dissection de la réaction allemande (et de son abstention à l’ONU) face à la crise libyenne.
Et enfin, et juste pour le plaisir, on lira les présentations des ouvrages sur les questions de déradicalisation, des échecs du renseignement à cerner la nature de différents régimes ou sur une descente dans la place d’Internet en Iran.
PS : Merci à Marc Hecker de m’avoir transmis cette revue dans laquelle beaucoup trouveront à se sustenter intellectuellement.
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