A signaler la parution du volume Hiver - Printemps 2012 de la Revue européenne d'études militaires, Res Militaris. Publication bilingue disponible en ligne, elle est un support d'études de sciences sociales orienté vers la défense et la sécurité.
Dans ce volume (cf. le sommaire), à noter particulièrement :
Par Martine Cuttier : Bilan de la présence militaire européenne en Afrique subsaharienne, 2000-2010
Par Christophe Wasinski : Raconter la guerre techniquement, rendre la violence émotionnellement possible
J'y publie aussi une fiche de lecture sur l'ouvrage de Delphine Resteigne "Le militaire en opérations multinationales. Regards croisés en Afghanistan, en Bosnie, au Liban"
Cette livraison d'hiver-printemps s'ouvre, en lieu et place de l'éditorial, par des hommages rendus à Hervé Coutau-Bégarie, tragiquement décédé au creux de l'hiver. Hervé était, entre une multitude de titres, responsabilités et fonctions, membre du Comité éditorial de Res Militaris. Afin de perpétuer son souvenir (comme ce fut déjà le cas pour Donna Winslow), son nom continuera d'apparaître dans la liste qui détaille la composition dudit comité. Martin Motte, maître de conférences d'histoire contemporaine à l'Université de Paris-IV Sorbonne et aux Écoles militaires de Saint-Cyr Coëtquidan, qui fut l'un de ses collaborateurs proches, a consenti à tenter de combler en son sein le vide laissé par Hervé : qu'il en soit ici vivement remercié. (Le Comité de lecture s'enorgueillit également de l'arrivée de Christophe Wasinski, chercheur et maître d'enseignement aux Facultés Notre-Dame de Namur, à l'Université libre de Bruxelles et à l'Université catholique de Louvain).
Ce numéro comporte par ailleurs toutes les rubriques usuelles. Les articles sont au nombre de quatre. Le premier, en anglais, nous vient de Suède. Louise Weibull, chercheuse au Collège de Défense Nationale à Stockholm, y alimente le débat autour de la gestion des émotions suscitées chez les militaires par chacune des phases (avant, pendant, après) d'un déploiement opérationnel extérieur. La littérature s'était jusqu'ici concentrée sur les épisodes les plus dramatiques : l'article complète le tableau en abordant les traces émotionnelles laissées par des opérations extérieures sans relief particulier - qui, contre le préjugé courant, paraissent bien réelles.
Le second article (en anglais) est signé de Levent Ünsaldi et Esra Dabagci. Il nous ramène en Turquie (entrevue dans l'un de nos numéros précédents), cette fois pour y analyser les relations entre politiques et militaires, marquées dans la période récente par une érosion soudaine et forte de l'ascendant symbolique exercé par les seconds sur l'État et la société depuis près de deux siècles.
Le troisième, en français, est l'œuvre de Martine Cuttier. Il dresse un bilan, précieux à plus d'un titre (notamment par sa minutie exhaustive), de la présence militaire européenne en Afrique subsaharienne dans la décennie 2000-2010 - à la fois celle de l'Union Européenne en tant que telle, et celle de certains de ses pays-membres au titre de leurs politiques nationales respectives.
Le dernier, mais non le moindre, est en français, et prend un large recul historique pour traiter de la 'grammaire narrative' spécifique à la pensée stratégique depuis la Renaissance. Selon son auteur,Christophe Wasinski, une telle grammaire permet de raconter campagnes et guerres sous un jour technique, géométrisant, fondé à l'origine sur la redécouverte de la perspective. C'est elle qu'on voit à l'œuvre aujourd'hui encore dans les programmes des ordinateurs militaires. Elle produit une vision ordonnée, normalisée de la guerre, où il n'est guère question de 'brouillard' ou de 'friction', et qui en fait un phénomène contrôlable, racontable, parce que soumis à la Raison instrumentale, rendant par-là même la violence émotionnellement plus supportable.
La rubrique “Classiques” est consacrée à la présentation d'un ouvrage américain de 1956, The Power Elite, de C. Wright Mills, monument de la sociologie politique, mais aussi - de par l'une de ses thèses centrales : l'inclusion des militaires de haut rang au sein d'une élite sociale et politique homogène et compacte - de la sociologie militaire. Ce livre, source intellectuelle de bien des remises en cause ultérieures aux États-Unis - au premier chef des controverses autour du 'Complexe militaro-industriel' -, demeure d'une étonnante jeunesse, et suscite un intérêt bien au-delà des limites du champ militaire.
La section réservée aux “Jeunes chercheurs” présente ici le résumé du mémoire d'un saint-cyrien de dernière année, le sous-lieutenant Thomas Petit, rédigé au retour de son 'stage international' au Mexique à l'automne dernier.
Le numéro se clôt, comme il se doit, par des recensions critiques d'ouvrages. Deux sont en anglais et portent sur des livres collectifs : l'un (canadien, dirigé par Karen Davis) traite de l''intelligence culturelle' et de sa place dans les opérations extérieures ; l'autre (dirigé par Henrik Fürst & Gerhard Kümmel) regroupe 13 contributions internationales autour de la notion de 'valeurs militaires centrales' (core values) et de leur devenir face à un contexte où l'action des armées se limite à celle de 'corps expéditionnaires' en leur sein. Une troisième, en français, présente un ouvrage belge récent, celui de Delphine Resteigne (de l'École royale militaire, Bruxelles), sur l'inter-culturalité et ses problèmes lors d'opérations militaires multinationales.
Bonne lecture
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