Interroger le lien entre "guerre" et "économie".
Le 1er juillet 2011, s'était tenu à l'Ecole Militaire un colloque intitulé "De l'économie de guerre à la guerre économique".
Grâce à la ténacité (à saluer) de son organisateur principal, Olivier Kempf (EGEA), et avec l'aide de Nicolas Mazzucchi (Polemos) et Jacques Hogard (EPEE), les actes de ce colloque sont aujourd'hui disponibles chez L'Harmattan.
Je ne saurais que trop vous conseiller de vous y plonger afin d'interroger via les différentes contributions les liens existant entre la guerre et l'économie.
J'avais à l'époque présenté une contribution sur un des procédés de guerre économique, l'emploi des normes pour contraindre ses alliés au sein d'une coalition, au moins autant que ses adversaires.
Quatre militaires français déployés en Afghanistan, relevés comme les autres tous les six mois, participent pour beaucoup, par le maintien de leur domaine de compétences, à l’indépendance et au rayonnement de la France, tout en étant le gage d’économies dans le budget des opérations extérieures. Il faut en effet relever les effets opérationnels, économiques et politiques obtenus par les 2 topographes et les 2 analystes qui forment la cellule de renseignement géographique de la Task Force La Fayette, grande unité déployée dans la zone de responsabilité française au Nord-est de Kaboul. Héritiers des ingénieurs géographes de Louis XV et issus du 28ème Groupe Géographique, ils sont des spécialistes du recueil et de la représentation de l’information à des fins cartographiques ou topographiques.
Dans le contexte opérationnel afghan et pour obtenir un appui aérien, il est nécessaire de posséder les dernières cartes mises à jour pour donner des coordonnées avec un haut degré de précision. Pour, entre autres, réduire les risques de dégâts collatéraux, les coordonnées des cartes sont affinées régulièrement. Nation-cadre de facto plus que désignée, et principale pourvoyeuse d’appui-aérien, les États-Unis sont la référence en la matière. Ce sont eux qui décident de ces standards, que eux seuls, avec la France, sont ensuite capables de produire. Si la France peut donc se doter elle-même des cartes nécessaires, la quarantaine d’autres membres de la coalition se voient contraints d’acheter fréquemment ces nouvelles cartes fournies par les États-Unis.
Par cette relative attrition économique « entre amis », il n’y a en quelque sorte même plus besoin d’adversaire pour venir à bout d’une coalition. En effet, cette bataille économique par les normes conduit et participe insidieusement à un certain desserrement des liens de solidarité, une non-réciprocité économique ou encore à une distorsion dans les objectifs poursuivis par chacun.
Cet épisode met bien en avant la triple nature de ces standards affectant les matériels, les doctrines, les organisations, etc. : une déclinaison technique et opérationnelle, un volet économique et surtout un fondement de nature politique. Ces normes sont en réalité un champ d’études qui permet à la fois de couvrir la question :
- du « serpent de mer » de l’inatteignable interopérabilité (1) ;
- de la poursuite d’une stratégie de développement économique par les normes (2) ;
- ou encore de la problématique de la prééminence de l’intérêt national sur toutes autres considérations (3).
La suite dans l'ouvrage...
PS : à saluer aussi, l'aide apportée par Clarisse (AGS / Les Carnets de Clarisse).
Merci de le signaler, et bravo aux auteurs.
RépondreSupprimer(FLorent, ajout à supprimer à la publication : Kempf, et pas Kemp)
égéa