Nombreux ont été ceux qui ont tenté de manière plus ou moins convaincante de comparer les opérations militaires durant la guerre d'Algérie et la guerre d'Afghanistan, avec des avis souvent un peu définitifs, répondant un coup oui, un coup non...
C'est donc l'une des qualités de l'ouvrage présenté ici que de se plonger dans cet exercice comparatif mené point par point par le lieutenant-colonel Gaillot, qui a été notamment officier renseignement de novembre 2009 à juin 2010 dans la province de Kapisa.
Merci à lui d'avoir bien voulu répondre à ce quelques questions sur son livre qui marie habilement mémoire, témoignage et histoire.
Quels étaient vos objectifs quand vous vous êtes lancé dans cette comparaison entre ces deux conflits ?
En premier lieu, je désirais rendre hommage à tous les soldats français qui ont donné leur vie en Afghanistan et en particulier à trois d'entre eux qui m'étaient particulièrement proches.
En second lieu, je souhaitais témoigner de ce que l'armée française avait réellement fait en Afghanistan. Je ne retrouvais pas ce que j’avais vécu et ressenti au travers des différents médias que nos concitoyens ont pu lire, entendre ou regarder depuis le début de notre engagement dans cette mission longue, complexe et dangereuse mais ô combien exaltante. Je souhaitais en particulier mettre en exergue le professionnalisme, la capacité d'adaptation mais aussi le courage et parfois l'héroïsme de nos soldats, qui sans bien appréhender les raisons de notre engagement dans ce conflit, n'ont jamais douté et ont fait preuve d'un remarquable sens du devoir. Voir des jeunes issus d'une société assez égoïste et matérialiste se comporter avec une telle exemplarité dans l'adversité est pour moi un grand signe d'espérance et je voulais en témoigner.
En premier lieu, je désirais rendre hommage à tous les soldats français qui ont donné leur vie en Afghanistan et en particulier à trois d'entre eux qui m'étaient particulièrement proches.
En second lieu, je souhaitais témoigner de ce que l'armée française avait réellement fait en Afghanistan. Je ne retrouvais pas ce que j’avais vécu et ressenti au travers des différents médias que nos concitoyens ont pu lire, entendre ou regarder depuis le début de notre engagement dans cette mission longue, complexe et dangereuse mais ô combien exaltante. Je souhaitais en particulier mettre en exergue le professionnalisme, la capacité d'adaptation mais aussi le courage et parfois l'héroïsme de nos soldats, qui sans bien appréhender les raisons de notre engagement dans ce conflit, n'ont jamais douté et ont fait preuve d'un remarquable sens du devoir. Voir des jeunes issus d'une société assez égoïste et matérialiste se comporter avec une telle exemplarité dans l'adversité est pour moi un grand signe d'espérance et je voulais en témoigner.
Est-ce que l'exercice de l'histoire comparée permet-elle d'apprendre pour aujourd'hui, voir pour demain ?
Si le difficile exercice de comparaison entre les opérations menées par les soldats français en Algérie et en Afghanistan permet de mettre en valeur la grande différence de contexte d'engagements mais aussi des similitudes tactiques, il permet surtout d'en tirer des enseignements qui montrent que l’armée à su tenir compte des enseignements du passé et qu’elle doit encore se nourrir des expériences d’aujourd’hui.
Le premier est d’ordre humain et doit continuer à être travaillé dans nos écoles de formation. Les deux guerres ont montré combien nos chefs français excellaient dans leur capacité à s'adapter à sa leur mission grâce à une grande intelligence de situation et à une réactivité peu commune. Ces deux guerres ont aussi prouvé que les soldats avaient une grande capacité à se dépasser face à l’adversité et ce grâce à un esprit de corps et une fraternité d'arme extrêmement développés.
Le deuxième réside dans le fait que, malgré les progrès technologiques considérables réalisés depuis la fin de la guerre d'Algérie, les soldats ont pu montrer qu'ils étaient encore capables de combattre efficacement et résolument dans une guerre asymétrique, contre un adversaire insaisissable passé maître dans l'art de la dissimulation, de la propagande et de l'adaptation à la supériorité technologique des occidentaux. L'exercice de l’histoire comparée permet aussi de mettre en exergue combien l’armée a progressé dans le soutien qu’elle propose à ses blessés et en particulier à ceux que l’on ne remarque pas, les blessés psychologiques. Au sortir de la guerre d’Algérie, les soldats qui étaient traumatisés psychologiquement étaient considérés comme des faibles et quittaient l’institution sans aucune considération. Un grand effort a été fait en Afghanistan pour aider psychologiquement les soldats et leurs familles avant, pendant et après l’opération. Le fait par exemple d’avoir proposé à tous les soldats rentrant d’Afghanistan de séjourner trois jours dans un hôtel chypriote entouré de psychologues chargés d’écouter et de conseiller et de spécialistes de la sophrologie (Technique d’Optimisation du Potentiel) qui par leurs exercices parvenaient à faire disparaître le stress accumulé, a été salutaire pour beaucoup. Beaucoup de blédards rentrant d’Algérie n’ont pas eu cette chance et sont restés traumatisés à vie.
Le troisième enseignement doit être particulièrement transmis aux générations futures afin d'éviter des dysfonctionnements graves lors d'interventions militaires du type de l'Algérie ou l'Afghanistan. Il tient dans le respect dont l’employeur du militaire, le politique, doit faire preuve de ne pas dévoyer la mission première de l’armée en générale et du soldat en particulier. L’Algérie a en particulier montré que si on appliquait trop humainement le soldat dans une démarche humaine de conquête des cœurs, il préférait à terme désobéir à sa hiérarchie que de trahir la parole donnée. De même lorsque l’armée d’une quatrième République affaiblie par une grande instabilité politique se voit confier des tâches politiques (pleins pouvoirs politiques donnés au général Massu pendant la campagne d’Alger ou implication très forte de l’armée dans le retour du général De Gaulle au pouvoir), elle n’accepte pas qu’on lui retire pour changer brutalement de politique. Ces erreurs dans l’emploi de l’armée ont participé à générer la désobéissance individuelle ou collective, face au chef des armées, le président de la République. Il n’en a pas été de même en Afghanistan parce que l’implication des soldats dans le domaine humain et de leur chef sur le plan politique a été réelle, mais pas excessive. Par exemple les missions de conquête des cœurs d’une population qui demeurait pourtant l’enjeu majeur de cette opération moderne de contre-insurrection se sont transformées en mission de conquête des esprits sans que les soldats aient à engager leur parole d’une quelconque manière.
Si le difficile exercice de comparaison entre les opérations menées par les soldats français en Algérie et en Afghanistan permet de mettre en valeur la grande différence de contexte d'engagements mais aussi des similitudes tactiques, il permet surtout d'en tirer des enseignements qui montrent que l’armée à su tenir compte des enseignements du passé et qu’elle doit encore se nourrir des expériences d’aujourd’hui.
Le premier est d’ordre humain et doit continuer à être travaillé dans nos écoles de formation. Les deux guerres ont montré combien nos chefs français excellaient dans leur capacité à s'adapter à sa leur mission grâce à une grande intelligence de situation et à une réactivité peu commune. Ces deux guerres ont aussi prouvé que les soldats avaient une grande capacité à se dépasser face à l’adversité et ce grâce à un esprit de corps et une fraternité d'arme extrêmement développés.
Le deuxième réside dans le fait que, malgré les progrès technologiques considérables réalisés depuis la fin de la guerre d'Algérie, les soldats ont pu montrer qu'ils étaient encore capables de combattre efficacement et résolument dans une guerre asymétrique, contre un adversaire insaisissable passé maître dans l'art de la dissimulation, de la propagande et de l'adaptation à la supériorité technologique des occidentaux. L'exercice de l’histoire comparée permet aussi de mettre en exergue combien l’armée a progressé dans le soutien qu’elle propose à ses blessés et en particulier à ceux que l’on ne remarque pas, les blessés psychologiques. Au sortir de la guerre d’Algérie, les soldats qui étaient traumatisés psychologiquement étaient considérés comme des faibles et quittaient l’institution sans aucune considération. Un grand effort a été fait en Afghanistan pour aider psychologiquement les soldats et leurs familles avant, pendant et après l’opération. Le fait par exemple d’avoir proposé à tous les soldats rentrant d’Afghanistan de séjourner trois jours dans un hôtel chypriote entouré de psychologues chargés d’écouter et de conseiller et de spécialistes de la sophrologie (Technique d’Optimisation du Potentiel) qui par leurs exercices parvenaient à faire disparaître le stress accumulé, a été salutaire pour beaucoup. Beaucoup de blédards rentrant d’Algérie n’ont pas eu cette chance et sont restés traumatisés à vie.
Le troisième enseignement doit être particulièrement transmis aux générations futures afin d'éviter des dysfonctionnements graves lors d'interventions militaires du type de l'Algérie ou l'Afghanistan. Il tient dans le respect dont l’employeur du militaire, le politique, doit faire preuve de ne pas dévoyer la mission première de l’armée en générale et du soldat en particulier. L’Algérie a en particulier montré que si on appliquait trop humainement le soldat dans une démarche humaine de conquête des cœurs, il préférait à terme désobéir à sa hiérarchie que de trahir la parole donnée. De même lorsque l’armée d’une quatrième République affaiblie par une grande instabilité politique se voit confier des tâches politiques (pleins pouvoirs politiques donnés au général Massu pendant la campagne d’Alger ou implication très forte de l’armée dans le retour du général De Gaulle au pouvoir), elle n’accepte pas qu’on lui retire pour changer brutalement de politique. Ces erreurs dans l’emploi de l’armée ont participé à générer la désobéissance individuelle ou collective, face au chef des armées, le président de la République. Il n’en a pas été de même en Afghanistan parce que l’implication des soldats dans le domaine humain et de leur chef sur le plan politique a été réelle, mais pas excessive. Par exemple les missions de conquête des cœurs d’une population qui demeurait pourtant l’enjeu majeur de cette opération moderne de contre-insurrection se sont transformées en mission de conquête des esprits sans que les soldats aient à engager leur parole d’une quelconque manière.
Sur le plan humain, comment comparez-vous la génération de feu à laquelle vous appartenez avec celle marquée par la guerre en Algérie ?
Comme je le dis dans votre première question, si j’ai écrit ce livre c’est entre autre pour témoigner de l’excellence et de l’exemplarité dont ont fait preuve nos jeunes soldats en Afghanistan. Cela m’a profondément marqué et c’est pour moi une grande source d’espérance.
Lorsqu’en métropole nous devons partir pour un entraînement difficile ou qui ne présente pas d’attrait particulier au premier abord, on peut être confronté à des réactions de refus. Notre société a évolué depuis la guerre d’Algérie est le soldat partant à Tagab ne partage pas les même valeurs que celui qui partait pour Tazalt. Et pourtant une fois engagé dans une mission longue est complexe, les soldats n’ont pas hésité à donner leur vie pour une cause qui les dépassait et des intérêts du pays qu’ils défendaient sans toujours bien les comprendre. Ils ne l’ont pas fait principalement pour le drapeau ou pour la Patrie comme c’était le cas en Algérie mais plutôt pour leur camarade, leur équipe, leur chef. Cet d’esprit de cordée, cher aux chasseurs-alpins, n’est pas un vain mot et à contribuer ce que des jeunes d’un siècle décrié pour son individualisme et son égoïsme se dépassent et acceptent de donner leur vie pour l’autre. Comment passer cela sous silence, c’est grand, c’est beau !
A noter : une très belle chronique de l'ouvrage sur le blog La Plume et l'Epée.
Merci pour le sympathique commentaire.
RépondreSupprimerSi j'ai bien compris la longue présentation de ce livre qui compare la Guerre d'Algérie avec l'intervention dans cette ''éternité en guerre'' (définition de l'Afghanistan)nos soldats sont courageux et commandés par des chefs clairvoyants. Le premier point est vrai, le soldat français est courageux (ce qui semble normal pour une armée de professionnels). Pour le second point, permettez moi d'être plus dubitatif...Embuscade d'Uzbin, des militaires français tués en effectuant leur footing etc.ne peuvent pas s'inscrire en lettres d'or d'un T.T.A d'une guerre asymétrique!
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RépondreSupprimerEn somme une version militaire du "tous pourris" ? Je suis également plus dubitatif sur la vision de votre second point... D'autant plus, qu'à mon niveau, je serais bien incapable de pouvoir, ni d'avoir l'envie, de juger
RépondreSupprimerDe la difficulté, à mon avis, de faire coïncider les buts assignés avec les moyens également eux aussi assignés, loin dans les faits de la corne d'abondance que certains espèrent et veulent de manière utopique voir mettre à disposition.
Si le 1er exemple peut donner lieu à des débats bien longs, le 2nd me semble moins sujet à débat, non ? Il y a des risques, collectivement acceptés, du fait d'acteurs (non pleinement prévisibles/contrôlables) qui rentrent dans la dialectique de ces situations. Et là, malheureusement...