vendredi 6 mai 2022

Des stocks (du déstockage) et des flux, d'aujourd'hui et de demain

Une donnée d’entrée sur l’analyse des opérations en Ukraine et en Russie, et sur l’efficacité perçue ou réelle de tel modèle d'armée ou telle capacité, est la prise en compte, il est vrai pas simple à ajuster, de la question des stocks et des flux matériels (sans même parler de la question des ressources humaines).

Soit intégrer la disponibilité assurée dans le temps (court/moyen/long terme) de telle ou telle capacité avant de tirer les conclusions, faites par certains, que finalement, cela ne change pas grand-chose sur le modèle poursuivi ou les concepts d’opérations, les faiblesses capacitaires identifiées, leur priorisation, et la manière d’y remédier. Il est possible que telle ou telle capacité semble fonctionner, encore faut il, en préalable, avoir l'assurance de la détenir (à temps et en nombre).


Crédits : FSV / MA.

Sans minorer la part des Ukrainiens (dans les stocks initialement détenus, en partie recomplétés en propre par réparation et production, ou dans l’extension, plutôt horizontale, de ces derniers en allant chercher des matériels autres : drones civils, technicals, réemploi de matériels capturés…), force est de constater la part prise par les alliés. Alliés ayant des stocks relativement « conséquents » (car mis en commun), disponibles (car non utilisés ailleurs) et acheminables (via des moyens logistiques lourds, rares, eux-mêmes disponibles). Avec un effort logistique, si ce n’est pas colossal, du moins très important en lui-même (et peu à pas perturbé, pour le moment).

Or, après le précédent Irak-Syrie ayant lui aussi impacté parfois des stocks similaires, Libye de manière plus relative avant lui et après certaines "campagnes expéditionnaires" usantes et abrasives, combien de fois, dans quels délais et avec quelle ampleur des alliés seraient capables de soutenir et de réitérer un tel effort pour parvenir à soutenir tel ou tel allié (permettant d’éviter d’être ainsi en première ligne) demain ou après-demain ?

dimanche 1 mai 2022

Pour une révolution dans les affaires militaires (françaises) ! (+MAJ)

Alors que s’annoncent dans les semaines à venir la réalisation d’une revue stratégique (sous une forme ou une autre), les travaux préparatoires pour les éventuelles lois de finances rectificatives (LFR) de 2022, puis la nouvelle loi de finances initiale (LFI) de 2023, avant, à plus long terme, la finalisation de la future loi de programmation militaire (LPM) en 2025, ces travaux, si menés lucidement, sont autant d’occasion d’interroger les orientations stratégiques actuellement prises, et d’éventuellement les modifier. Non de manière cosmétique en décalant sur la gauche ou sur la droite tel échéancier physico-financier. Non par tel ou tel arbitrage garantissant avant tout un "acceptable" équilibre interarmées pour contenter tout le monde ou un saupoudrage industriel pour ne léser personne. Mais bien avec une urgente nécessité d’évolution plus radicale.

 
Sisyphe en tenue camouflée
 
La recherche effrénée d’atteindre un modèle d'armées dit complet, par réparation, par modernisation, pour la verticalité, ou par extension horizontale des capacités détenues, apparaît de plus en plus comme l’horizon indépassable d’une forme de confort. Un confort en fait mortifère, tel Sisyphe, pour le système concerné, et plus globalement pour la collectivité. Une atteinte d'un modèle complet et non un maintien d'un tel modèle, tant sont nombreuses aujourd’hui les ruptures capacitaires plus ou moins temporaires, ou les capacités tellement réduites qu'elles ne sont plus en mesure de produire un quelconque effet un peu sérieux (même de manière combinée). Comme dans le jeu de la taupe, une fois une rupture est comblée une autre apparait, plus urgente que jamais. Surtout que, vu le modèle extensif poursuivi, le champ des possibles à couvrir a tendance à augmenter plutôt drastiquement avec les nouveaux milieux et nouveaux champs (nouveaux, ou du moins pris en compte de manière plus prégnante). Champs et milieux dont la couverture n'est parfois même plus interrogée à l'aune de la balance contraintes / opportunités. Ainsi, sans choix tranchés d'évolution, avec aucun potentiel abandon décidé (choisi et non contraint), il s’agit en permanence de renouveler les anciennes capacités quasi point par point, sans faire autrement, et en plus d’augmenter la gamme des capacités détenues.