Lors du dernier salon mondial du naval de défense Euronaval, j’ai eu le plaisir de réunir des profils variés pour évoquer le sujet de l’innovation dans le soutien naval. Du rapport remis fin 2018 à la ministre des Armées d’alors par Jean-Georges Malcor sur le maintien en condition opérationnelle (MCO) naval, qui distribuait quelques satisfécits mais listait aussi des axes d'amélioration, en passant par les décisions ministérielles prises début 2019 qui donnait une feuille de route pour la modernisation du MCO naval, ou encore le plan stratégique Mercator de 2018 de la Marine nationale puis Mercator accélération de 2021, tous indiquaient la nécessité que "cela flotte" plus (et… indirectement moins cher), vus les enjeux actuels.
Comment l’innovation participe et peut participer à cet effort de guerre ?
Etre ouvert à l’innovation
Fondée en 2019 par trois connaissances travaillant dans le milieu maritime plutôt civil,
MaDfly propose des services par engin télépiloté répondant aux contraintes d’accès de ce milieu pour les interventions en intérieur, en extérieur et en sous-marin.
Grâce à des drones aériens, flottants ou sous-marins, les inspections de structures hautes, de soutes, de coques ou autres sont rendues plus rapides, plus sûres et moins coûteuses. Comme le dit Thierry Guillot, un des co-fondateurs, "
nul besoin de monter des mètres d’échafaudage pour vérifier l’intégrité d’une structure en hauteur, voir les traiter via un drone relié à un tuyau, de mettre en place une nacelle élévatrice pour traiter une face, puis tourner le navire le long du quai pour traiter l’autre face, etc." Le drone permet également de nettoyer les bordées de coques côté quai et côté mer, ce qui n’est pas possible de réaliser avec une nacelle. Les immobilisations sont moins fréquentes ou longues, les opérations mieux anticipées, les risques pris moins nombreux, etc. Et, si les gains financiers sont parfois difficilement quantifiables, nous y reviendrons, les centres de coûts voient leur montant diminuer.
Dans le domaine, les technologies (systèmes de mesure d’épaisseur de coques, de traitement des données recueillies pour la cartographie, d’aide au pilotage en milieu clos, etc.) se développent rapidement pour aller toujours plus loin dans ce qui est réalisable et utile pour des opérations de MCO, obligeant à une veille permanente pour rester à la page.
Voici une possible innovation dont il est nécessaire d’évaluer les plus-values et les limites avec son éventuelle utilisation. D’où les expérimentations en cours. Pour cela, il est nécessaire d’avoir tout un écosystème en mesure de capter les bonnes idées. Jean-Marc Quenez, du bureau Innovation-Performances au sein de la Direction centrale du Service de Soutien de la Flotte (SSF), rappelle que le SSF, en charge du soutien des navires, s’est structuré depuis 2018 en se dotant d’un comité de sélection de sujets innovants (dit Comité Bougainville, qui se réunit 10 fois par an), avec en plus de la portion centrale parisienne, des référents à Brest et à Toulon. Les innovations remontées via différents canaux sont présentées, et le comité (avec des experts techniques, logistiques, etc.) en sélectionne pour conduire des expérimentations. Une quinzaine par an sont menées, au niveau de la direction centrale, en plus d’autres menées par les responsables en charge des contrats de soutien de classe de navires. De plus, les chantiers en charge du MCO peuvent également en mener sur fonds propres ou sur fonds partagés, en étant conseillés par le SSF. Les principaux domaines sont ceux des données et de sa manipulation (numérisation des opérations, visualisation, etc.), nous y reviendrons, et celui des outils (impression 3D, tablettes connectées, lunettes connectées, caméras, robots de nettoyage, de décapage, de peinture, etc.). Avec déjà des avances notables dans le domaine de la télémaintenance (notamment depuis la crise de la covid pour faire appel à des experts restés en métropole) ou encore pour les travaux de nettoyage de coques pour améliorer l’état de la carène et minimiser la résistance. Globalement, cette phase d’expérimentation, avec recueil de retours d’expérience, est aujourd’hui plutôt bien menée, selon les différents acteurs.