Le débat qui se tient actuellement autour de la Loi de Programmation Militaire 20224-2030 montre plus que jamais le besoin d’une évolution forte sur comment est mené en France le débat sur les questions de défense. Cela doit permettre de sortir d’une approche trop souvent arithmétique, à base de moins
et de plus dans des comparaisons chiffrées mêlant malhabilement des
torchons du 20ème siècle et des serviettes du 21ème siècle, en
s’appuyant sur des trop rares tableaux incomplets (quand ils ne sont pas inexacts).
Ce débat est mené, il est vrai, dans un (trop) petit monde d’initiés. Il montre aussi, par effet de bord, la fragilité des connaissances
employées (ou disponibles) pour le conduire à quelques trop rares (et notables)
exceptions. Il s'agit donc de collectivement réussir à élever le niveau. Les torts sont partagés entre une culture capacitaire et opérationnelle sans doute moins diffusée qu’auparavant. Pour expliquer cela, pas besoin de refaire un grand retour en arrière sur la suspension de la conscription ou autres grands flashbacks historiques. Le rôle des autorités (politiques, civiles, militaires...) ou autres parties prenantes (industriels, associations, chercheurs, experts…) est aussi notable, faisant parfois tout pour se concentrer sur d’autres sujets (leurs champs restreints d'expertise), par paresse (un peu), par facilité, par choix assumés, par "cachotterie" politique ou par gêne d'affronter une certaine vérité dérangeante. Des raisons sans doute plus fréquentes que celles parfois pointées de pure sécurité opérationnelle vis-à-vis de partenaires ou d’adversaires, il est vrai, de plus en plus curieux ou pressants, rendant ces excuses pas non plus totalement illégitimes.
Liée grandement à la stratégie des moyens, l’approche capacitaire et la diffusion continue de son importance, la défense d'une forme "
d'esprit des capacités" (au sein de l'esprit de défense), doit pourtant regagner des lettres de noblesse. Et cela, malgré la patience nécessaire pour en dépasser le côté frustrant ou ardu, et atteindre une certaine maîtrise (toujours relative, et jamais pleine et entière tant le champ est vaste). Cela est nécessaire pour aller au-delà de grands débats peu opérants sur certaines fins poursuivies (
avec des débats en plus parfois mal menés, comme dans la dernière Revue Nationale Stratégique), ou sur certaines approches face aux évolutions d'un monde qui change (et qui continuera à changer, ce qui est assez dingue...). Il s’agit de ne plus se contenter d’approximations ou de simplismes présentés à longueur d'articles, de posts de blog, de tweets ou de commentaires. Toutes ces fausses bonnes idées simples qu’une plongée en profondeur dans la complexité d’un système de forces devrait faire rapidement disparaitre ou évoluer. Cela doit permettre de plus de mieux se concentrer sur pouvoir vs. vouloir, et se concentrer sur d'autres priorités atteignables.