lundi 10 juin 2024

Seawolf par Couach - Résurrection industrielle d’une offre française d’embarcations pour le combat fluvial et côtier

Il y a quasi un an le chantier naval Couach faisait l’acquisition des actifs permettant de relancer la production des embarcations de combat fluvial et côtier Seawolf. Peu de temps après la finalisation de l’opération avec les détenteurs des brevets et droits de propriété intellectuelle, les dirigeants du chantier situé à Gujan-Mestras prenaient la décision de relancer, sur fonds propres, la production d’un nouvel exemplaire. Le premier Seawolf "fabriqué par Couach" est tout juste démoulé, assemblé et équipé pour être présenté lors du salon Eurosatory qui aura lieu dans quelques jours. Une vraie résurrection industrielle pour un projet présenté ici il y a quelques années et dont l’origine remonte plutôt aux côtes bretonnes.


EFCs (au 1er plan) et frégate Hermione à l'embouchure de l'Adour
Crédits : Lutxo.64

Des marques d’intérêt pour une telle embarcation de "vive force" ont déjà été reçues de la part de clients à l'export. Nul doute que d’autres ne manqueront pas d’être reçues prochainement, vus les besoins pour un tel outil de combat : des berges de l’Euphrate à celles du Dniepr ou du Danube, en passant par le Niger, certaines lagunes, mangroves, embouchures et autres fleuves ou rivières. Les premiers essais à la mer dans le bassin d’Arcachon sont prévus peu de temps après le retour de l’exemplaire d’Eurosatory, permettant de pleinement finaliser et valider cette nouvelle version, alors disponible sur étagère pour des besoins français ou à l’étranger.

Nouvelle version car si elle se base en grande partie sur les plans qui ont conquis il y a quelques années les forces spéciales de l’armée de Terre, qui utilisent depuis le prototype Styx et la série de trois embarcations fluviales de combat (EFC), des améliorations ont été apportées. Elles sont basées sur les retours d’expérience engrangés depuis lors. Pas de grande révolution, tant le design de base était satisfaisant, mais des petits détails pour encore gagner en solidité de certaines pièces dans des conditions de mer dégradées, faciliter l’emport du matériel des commandos à bord, etc. Tout en conservant ce qui a fait sa force : le rapport poids/puissance et charge utile (2,4 tonnes), la bonne tenue à la mer et en eaux intérieures (même en giration à plat et à haute vitesse, ou en machine arrière toute), l’aménagement réellement pensé à des fins opérationnelles, la résistance de la coque du fait des protections bien pensées, l’installation possible de 6 armements collectifs, etc.

Un effort d’amélioration du processus industriel a aussi été mené. Finie la production dirigée par un bureau d’études (placé définitivement en liquidation judiciaire en 2020) s’appuyant sur une chaine de sous-traitants. Le chantier Couach a pris le relais, à la fois avec son solide bureau d’études, mais aussi avec tout son outil industriel. Le bureau d’étude compte plus de 40 employés sur 350 employés (en comptant les intérimaires). L’internalisation des compétences est vivement recherchée au sein du chantier : bassin de carènes à quelques pas des bureaux des ingénieurs faisant dans la foulée les corrections post-essais sous CATIA, calculs de structures réalisés en propre, expertise pour gérer les champs électromagnétiques, développement maison de l’interfaçage et des couches logicielles (Integrated Platform Management Systems), études sur l’hybridation diesel/électrique, etc.

Lancer une reprise de production de ce modèle est pour Couach un formidable banc d’essai pour apprendre à maitriser en avance de phase la production d’un tel produit : se régler sur les détails qui font la spécificité de l’embarcation, se caler au plus juste sur les délais atteignables lors d’effets de série (avec une première livraison possible en quelques mois), reprendre les étapes à chaud après le déroulé envisagé à froid par la partie méthodes, etc. En somme, emmagasiner un maximum de retours d’expérience industrielle pour être prêt le jour J à pouvoir tenir une cadence élevée sur un genre de navires dont les commandes peuvent vite atteindre un certain volume. Mêlant habilement démarche exploratoire et performance industrielle de bout en bout, le Seawolf bénéficie ainsi de l'expérience de Couach.
 

Puisant cet état d’esprit dans une histoire qui remonte à 1897, le chantier girondin a connu bien des transformations. A la reprise des actionnaires actuels en 2011, le chantier est alors quasi centré sur le marché des yachts. Il pivote pour s’orienter sur le secteur défense / sécurité, sous l’impulsion des nouveaux actionnaires. Il s’intègre au sein d’un groupe comptant Couach, mais aussi IMS Shipyard (pour la maintenance navale), ou Zodiac (pour les petites embarcations). L'activité se fait surtout à l’export, avec des dernières commandes des armées françaises ou de la Gendarmerie nationale remontant quasi au siècle dernier… En parallèle, des clients export, pas moins exigeants sur la commande de moutons à 5 pattes flottants, demeurent fidèles. Commande après commande, ils augmentent leurs exigences pour faire tenir en un minimum de mètres un maximum de systèmes embarqués : tourelleaux téléopérées de différents calibres, lance-roquettes, systèmes de gestion de combat modernes, éventuellement sonars tractés… Tout en garantissant un haut niveau d’activité pour les navires livrés, qui ne restent pas à quai...

Sur une flotte en activités comptant environ 300 navires professionnels fabriqués par Couach, quasi 200 navires naviguent au Moyen-Orient. La part française pourrait reprendre de l’importance avec le succès engrangé en 2019 pour le renouvellement d’une partie de la flotte de la Société nationale des Sauveteurs en Mer (SNSM), via un contrat-cadre à bons commandes passés au fur et à mesure. En se basant notamment sur les développements réalisés dans ce cadre, des clients particulièrement exigeants, comme la Ministry of Defence Acquisition and Logistics Organisation danoise (DALO), ont été conquis. D’autres pourraient suivre. En takt visé, 1 navire sort des chantiers par semaine (pour différents marchés, via la prise de production de bateaux de plaisance Fountaine-Pajot). Sur la partie sauvetage, 1 bateau sort par mois, avec de la réserve pour augmenter les cadences, et y intercaler d’autres productions sur un chantier couvrant quelques 47.000 m². Au-delà du sur-mesure, la production de petite ou moyenne séries est donc une réalité pleinement intégrée.

Le Seawolf permet au chantier de compléter sa gamme, qui va donc des embarcations de combat de 9 mètres jusqu’à des intercepteurs ou des patrouilleurs de 32 mètres. Ils sont fabriqués en matériaux composites, choix technologique retenu pour des questions de résistance aux chocs (et une certaine souplesse pour la reprise de forme), de facilité de réparation, de résistance à la corrosion, de gestion facilitée des champs électromagnétiques, etc.
 
De plus, cette décision d’acquisition du design Seawolf s’intègre pleinement à l’état d’esprit de Couach : reprise de l’industrialisation d’un exemplaire du Seawolf et études des différentes versions possibles, développement et production d’un premier intercepteur modulaire léger (ou LMI pour Light Modular Interceptor) de 12 mètres, poursuite du développement d’un démonstrateur de drone de surface Magellan de 6 mètres, auto-redressable, dévoilé récemment et qui enchaine les jours de mer… A l’heure où il est demandé par les plus hautes autorités du ministère des Armées de "prendre des risques pour pousser encore plus loin l’économie de guerre", certains appliquent le message et font leur part, sur fonds propres.

L’action de cette PME français permet ainsi de replacer la Nouvelle-Aquitaine au cœur du secteur naval français, pas loin du top 5 des régions concentrant 85% du chiffre d’affaires de la filière navale française (Pays de la Loire, Bretagne, Ile de France, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Normandie). Des appels d’offre à venir pour certains programmes d’armement des armées françaises pourraient au final concrétiser le dynamisme de ce chantier, avec des commandes sur le marché national que tous espèrent.

4 commentaires:

  1. Lors de la guerre d'Indochine, il y avait les Dinassauts, pour les plus curieux, c'est par ici:
    https://www.persee.fr/doc/rharm_0035-3299_1993_num_192_3_4278

    Camille.

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  2. Le retour de la canonnière du Yang-Tsé ne sera pas le fait des français:
    https://blablachars.blogspot.com/2021/05/la-canonniere-duversion-20.html

    Bilbon, un singe en hiver

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  3. Dans la guerre économique, il fau savoir encore plus se garder de ses partenaires que de ses ennemis (magnifique photos des hommes du passif, qui appartiennent déjà au passé dans une ambiance de fin de règne):
    https://www.revueconflits.com/gardez-nous-de-nos-amis-la-france-face-a-lextraterritorialite-du-droit-americain/

    Le capitalisme est une affaire de copains/coquins et surtout de réseaux, pour se gaver d'argent public.
    https://www.ege.fr/infoguerre/2020/09/lere-desordre-grille-de-lecture-mal-acceptee-milieux-daffaire-francais

    Bilbon, contribuable sur-endetté.

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  4. Pour les amateurs de combats fluviaux, remontons donc le Mékong:
    https://theatrum-belli.com/les-actions-amphibies-du-1er-rec-dans-les-rizieres-dindochine/

    Pour 2024, année des 70 ans de la fin de l'Indochine française, on peut même écouter les très grands anciens sur la dernière confrontation entre l'armée française et un adversaire organisé en bataillons et divisions (après avoir été juste une guérilla):
    https://open.spotify.com/show/0CT5U1XYvQn3051zGlWM8U

    Édifiant.


    Camille.

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