samedi 6 juillet 2013

Du Génie français sur le territoire national : complexité et rentabilité ?

2 à 3 fois par an, en plus des missions ordinaires menées quotidiennement par les forces armées sur le territoire national, les armées sont appelées en renfort sur des opérations majeures de service public. Par les très nombreuses capacités détenues, parfois peu connues, le Génie, arme savante d'appui et de mêlée, apporte une formidable plus-value, un véritable avantage comparatif.


Il n'est pas question ici de l'aide apportée par une section du 3è RPIMa (Carcassonne) pour traquer à l'aide de jumelles de vision nocturne l'ourse Viviane qui ne veut pas regagner sa réserve dans l'Aude, ni, plus dramatique, des fouilles d'une compagnie du 8è RPIMa (Castres) ratissant des zones difficiles d'accès à la recherche d'une personne portée disparue dans le Tarn.


Dans ces cas là, il s'agit, après l'acceptation de la demande du Préfet, de fournir avant tout, du personnel en nombre, disponible et aguerri, afin de se joindre aux autres services de l'Etat déjà mobilisés (cf. "Engagements terrestres sur le territoire national" - CDEF). Les forces armées n'apportent pas ici de capacités extra-ordinaires (au sens premier du terme), à part peut-être les capacités d'observation de nuit.

Dans un autre domaine, des militaires, notamment du 17è régiment de Génie parachutistes (Montauban), ont prouvé que l'arme du Génie apporte une très forte visibilité à l'action de militaires engagés sur le territoire national, en plus d'apporter des compétences et capacités rares particulièrement appréciables en cas de crises majeures (comme peuvent l'être également les hélicoptères).

A Cauterets, village des Hautes Pyrénées isolé suite aux fortes inondations ayant touché le sud-ouest de la France mi-juin et ayant provoqué l'effondrement d'une route, une section du 17è RGP (une vingtaine d'hommes) construit un pont de type Bailey pour permettre l'accès au village, ravitaillé jusqu'alors par hélicoptères (cf. la dépêche de Lignes de Défense).



Le pont de type "Bailey" est le symbole d'une aide rustique, utile et visible. Conçu durant la Seconde Guerre mondiale par l'ingénieur britannique Donald Bailey, ce système vise à réaliser un pont transportable par camion et pouvant être assemblé sans aide d'une grue. Il connaît, ainsi que les versions suivantes, une longue carrière opérationnelle (cf. la fiche technique du musée du Génie d'Angers).
La supériorité du pont Bailey réside dans la simplicité de sa conception qui permet la construction d’un pont de 60 m pouvant recevoir des charges de 50 T par l’assemblage manuel de pièces métalliques préfabriquées sans aucun moyen mécanique d’assistance. 2 heures suffisent à 40 sapeurs pour installer un ouvrage basique de 20 m de long.
Au cours de la dernière décennie, des militaires français ont monté ce type de pont au Liban en 2006 (via le 2è REG) et récemment au Mali (via le 31è RG) (cf. la dépêche de Zone Militaire). En termes d'effets, sur la manoeuvre (désenclaver le terrain) ou sur l'acceptation de la force par les populations locales (reprise de la circulation, des échanges, etc.), de telles infrastructures sont particulièrement utiles.


La rentabilité d'une telle action (menée par seulement 20 hommes) est symptomatique pour comprendre l'armée de Terre aujourd'hui. Sa force réside dans les très nombreuses capacités conservées, pas forcément souvent utilisées mais toujours maîtrisées. Sa faiblesse réside également dans cette multitude de capacités, parfois difficilement saisissables par le quidam, car peu employées, sauf le jour J. 

Toujours pour le Génie, ce fût le cas au Mali lors de la prise de Tombouctou et à Tessalit via le groupement d'équipement de zone de poser (GEZP) du 17è RGP, qui n'avait pas été utilisé depuis novembre 1953 (opération Castor). Ces compétences (uniques en Europe) se sont relevées pourtant particulièrement utiles pour parachuter hommes et machines au Mali.

Tracteur niveleur, tracteur-chargeur et benne ont été parachutés depuis Abidjan et utilisés pour la réfection des pistes endommagés. Ce GEZP a rétabli la piste de 2000 mètres de Tombouctou en moins de 24 heures à partir du 28 janvier, puis 10 jours plus tard après avoir être reparti sur Abidjan, sauté une seconde fois, à Tessalit, pour établir deux terrains de poser sommaires (cf. le compte-rendu ici).


Le Génie, véritable boite à outils pour des capacités de combat (déminage, franchissement, mobilité...), d'infrastructure (réseaux, ingénierie, réalisation de bases...), de sécurité (aide après des séismes, action lors d'incendies...), détient donc de très nombreuses capacités. Son dimensionnement en permet aujourd'hui la maîtrise. Quand sera-t-il si des unités étaient à nouveau perdues ?

Déjà sous-tension pour certaines spécialités (à l'exemple des personnels qualifiés sur la neutralisation d'explosifs, sur-employés en Afghanistan, comme peuvent l'avoir été, durant un temps, les spécialistes du guidage aérien dans l'artillerie), le Génie pourrait perdre une de ses multiples capacités, dont certaines reposent sur le savoir de seulement quelques hommes, altérant ainsi toute sa richesse.

PS : à noter, toujours dans le cadre de l'action sur le territoire national, quelques lignes d'un article parlant de l'action des forces armées en Allemagne suite aux inondations (cf. ici) : 
Les forces de l'ordre - 11 000 soldats et 7 000 pompiers sont mobilisés -, déjà débordées, ont aussi dû faire face à des menaces d'attentat : un groupe inconnu des services de police, qui se revendique de l'antifascisme, a annoncé, dimanche, son intention de saboter les digues de sacs de sable.
Un rappel salutaire des opportunités que certains n'hésiteraient pas à saisir dans ces moments de crise, alors que la désorganisation des services publics est à son comble...

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