lundi 16 mars 2009

Vers l'impasse...


Stratégique, opératif, tactique… Ainsi se présente la division idéalisée en trois niveaux de l’art militaire : le niveau supérieur de la conduite globale, le niveau intermédiaire du théâtre d’opérations de la déclinaison d’objectifs politiques, puis le niveau du terrain de l’affrontement entre unités ou hommes.

Le niveau stratégique doit faire la jonction entre la sphère politique (gouvernement) et la sphère militaire (armée), en prenant garde à conserver une distinction nette. Particulièrement dans le modèle des démocraties occidentales, les militaires ne doivent pas faire de politique (même s’ils peuvent en avoir les moyens). L’un (le militaire) vient idéalement après l’autre (car il est subordonné au politique). Or, aujourd’hui le militaire ne gère pas seulement des effets cinétiques (actions armées de la violence légitime wébérienne). En effet, certains chefs et exécutants ont de fait des attributions qui tendent à rendre plus trouble la séparation. La guerre est la politique par d’autres moyens, la politique est la guerre par d’autres moyens… Dans le modèle quasi paroxystique, l’insurgé/rebelle est à la fois civil et militaire, politicien et guerrier. Par désir d’imitation (à étudier certainement tout autant que la volonté de copier pour le contre-guérillero les modes d’action fétiches du guérillero), ce modèle tend à se retrouver par des hybridations SAS, PRT, etc. Et c’est un fait, que le schéma type se brouille. A se demander si une fois dans les faits, il y a eut un réel découpage : les rois de guerre, les militaires reconvertis conservant une approche corporatiste, etc.

En particulier en France, la participation des militaires à la sphère politique, autrefois courante (les députés-généraux du 19ème) est un tabou. C’est dans les imaginaires collectifs le rappel du « traumatisme des événements d’Algérie » (mai 58, retour de Charles De Gaulle puis OAS). Par jurisprudence, c’est donc à prohiber. Mais ce n’est pas un particularisme hexagonal et les expériences de régime militaristes et autres sont assez explicites pour convaincre des possibles dérives d’une immixtion trop importante des militaires en politique.

Aujourd’hui, on parle de victoire militaire non exploité par un échec politique, d’échec militaire conclu par un échec politique ou un échec militaire sauvé par une victoire politique (plus rare), rarement de victoires des deux… Récemment, les déclarations sur le succès de l’opération EUFOR-Tchad/RCA rendent mal à l’aise quant à la définition d’une victoire pour l’application d’une capacité de projection, le maintien de lignes logistiques ouvertes, une sécurisation intermittente, etc. L’UE de la Défense a réussi sans doute bien mais peu, il est vrai avec peu. Car sans avoir de grandes prétentions (utopiques durant ce joyeux temps de crise), la recherche de micro-avancées qui en s’additionnant donneront la victoire est possible que par la concentration organisée et non le cumul anarchique de succès. Si pour l’UE de la Défense, c’est une nouvelle démonstration d’efficacité, il faudrait aussi regarder sur place, pour parvenir à une approche complète de la condition du succès. Et là, plus de scepticisme…

Ainsi, pour revenir au sujet, il est souvent inconcevable que les militaires fournissent même des solutions politiques. Ont-ils d’ailleurs les moyens de le faire réellement : en France, la Direction des Affaires Stratégiques du MinDéf fourni avec une grande visibilité des analyses à « je-sais-pas qui ». Ces derniers temps, les succès militaires des puissances occidentales sont rares et la recherche de solutions face aux adversaires monopolise de l’énergie. Or s’il n’y a rien au bout, avant et pendant, il a été montré que cela était vain. Et finalement, on entendra inlassablement en cas de succès ou de défaite militaire, la sempiternelle phrase : « il ne peut y avoir de solution militaire seulement une solution politique ». Oui, et alors ?

Preuve de la défaite des élites dirigeantes ? Il n’y a qu’un pas que je n’oserais franchir entièrement en ayant confiance en la remise en cause de l’après 1870, de l’après 1939, de l’après Surobi, etc. Beaucoup de questions, de réflexions peu claires, peu de réponses et une charge immense sur les épaules de certains. Car sinon, il y aura toujours des dindons de la farce et l’enfermement dans une impasse logique non rassurante.


P.S : je ne suis pas revenu ce soir sur la scandaleuse disproportion de traitement émotionnel et officiel entre la mort d’un artiste (même s’il mérite peut être le nombre dithyrambique de messages de condoléances) et celle de Nicolas Belda qui en Afghanistan ne jouait pas de la guitare et ne chantait pas « l’amour »… Ainsi, ce caporal-alpin aura bénéficié de la parution d’un « quasi unique » communiqué bien formaté et impersonnel pour montrer, de mémoire, « la vive émotion » de la Nation… Au prochain, on changera peut être de formule !

Droits: Opérations du 27ème BCA en Kapisa, EMA.

2 commentaires:

  1. Bravo pour ce billet. Oui, il y a confusion entre politique et militaire. Car le politique vient de la souveraineté, qu'on ne l'oublie jamais. La guerre est une chose trop sérieuse pour être confiée aux politiques ? à bas Clemenceau ?

    RépondreSupprimer
  2. Humblement, ces réflexions méritent-elles un "bravo"?

    Car le moins que je puisse dire, c'est que je patine depuis pas mal de temps sur l'articulation entre ces deux notions (politique et militaire) que leurs interconnexions me sont bien floues, ainsi que leurs rapports, inclusions, exclusions, interdépendances, ...

    Ironiquement pour paraphraser Clemenceau: la politique est une chose trop sérieuse pour être confiée aux politiques? ... Je n'irais pas entièrement jusque là, mais il y a des responsabilités à prendre et la "malchance" d'être à la tête qu'il faut pouvoir assumer.

    Facile à dire de là où je suis, j'en conviens.

    RépondreSupprimer

Pour faciliter les réponses et le suivi, merci d'utiliser, au moins, un pseudo récurrent.