Les tragiques événements du théâtre moscovite de la Doubrovka en octobre 2002, de l’école de Beslan en septembre 2004 ou les récentes attaques de Mumbaï étaient la partie la plus visible du nouvel iceberg qui menace et qui menacerait notre quotidien. Les prises d’otages massives (POM ou Massive Hostage Taking en anglais) devenaient la préoccupation majeure des forces de sécurité si on en croyait la presse. L’intérêt porté à ce mode opératoire s’inscrivait dans une longue série d’actions d’envergure : des attentats de Munich en 1972 à l’ambassade du Japon au Pérou en 1996, de l’action sur les aéroports d’Entebbe en 1976, de Mogadiscio en 1977 et de Marignane en 1994, etc.
Il en avait été un peu de même auparavant avec l’attaque par des germes de Salmonelle en septembre 1984 dans l’Oregon qui marquait le début des craintes du bioterrorisme. La secte Aum au Japon prenait la suite en mars 1995 dans le métro de Tokyo avec du gaz Sarin. L’épisode des courriers à l’Anthrax post 11 septembre validait l’attention accrue portée à ce mode opératoire et les mesures prises pour se prévenir de ces vecteurs de morts, de blessés et de psychose. L’emploi de composants NRBC (nucléaire, bactériologique, biologique et chimique) plus ou moins élaborés et dégradés était la menace qui revenait de manière récurrente dans l’énumération des risques encourues par les sociétés visées par le terrorisme.
Bien plus que dans la délinquance quotidienne (avec un nombre restreint de preneurs d’otages séquestrant quelques personnes), la recherche d’une maximisation des effets tend vers la démesure des actions dans un cycle infernal d’accroissement des effets physiques pour décupler les effets psychologiques recherchés par le terrorisme.
Ce n’est pas alors le nombre d’assaillants qui importe (même s’il doit être en nombre suffisant pour garantir le succès de l’opération : garde des otages, surveillance du lieu de détention, etc.), c’est surtout le nombre d’otages qui prévaut. Il n’existe pas de palier significatif mais pour donner un exemple, aucun exercice d’entrainement n’a lieu sans 100 à 200 otages fictifs. Les scénarios-types privilégient des lieux cloitrés et passants (donc principalement en ville) : stades, bâtiments publics, transports en commun, etc. Cela permet une forte concentration en un point des possibles otages et une distinction franche entre un extérieur, lieu de déploiement des forces de sécurité, et un intérieur sous contrôle des terroristes. L’une des premières missions des unités d’intervention serait en effet de fixer les preneurs d’otages afin d’éviter leur dispersion (et du même coup celle des forces de l’ordre) et de pouvoir discriminer les amis des ennemis (rengaine classique d’un affrontement au sein des populations).
En juin 2008, le GIGN (Groupement d’intervention de la Gendarmerie Nationale) qui a triplé ses effectifs récemment pour atteindre 380 hommes (par adjonction d’autres unités et recrutement) et le Raid (Recherche assistance intervention dissuasion) de la Police nationale s’entrainaient conjointement au Stade de France pour ce scénario. Le 22 décembre 2008, le Ministère de l’Intérieur organisait l’exercice LPM (pour Lyon-Paris-Marseille) afin de tester les capacités de conduite et de coordination des opérations au plus haut niveau.
Mais il ne faut pas s’y tromper. Par facilité et pour ne pas donner trop d’exemples de possibilités, c’est bien souvent un mode opératoire peu réaliste qui est montrée en exemple : quelque chose « de chimiquement pur » appartenant sans doute au passé. Or, du fait même de la personnalité des exécutants, des contraintes extérieures (en particulier dans la taille restreint du vivier de recrutement des preneurs d'otages), du déroulement des opérations (en un mot : la friction), la réalité a tendance à être plus complexe en faisant appel à plusieurs modes opératoires à la fois, avec l’émergence de sur-événements se déclenchant en chaine, de diverses ampleurs et dispersés géographiquement. Cela vise à saturer les capacités de réponses des forces de sécurité en contraignant la dispersion multi-directionnelle de la défense et des choix éthiquement délicat en donnant des priorités pour les cibles à traiter.
Ainsi face aux échecs relatifs de certaines opérations, plutôt que d’user d’un mode opératoire complètement neuf (dont les conséquences sont mal connues et imprévisibles), les terroristes pourraient privilégier l’agrégation de modes anciens pour créer la surprise. Comme dans toutes formes d’affrontement, l’adaptation et l’amélioration sont des nécessités pour survivre. Par le contournement (en particulier en recherchant de nouvelles faiblesses des volontés des sociétés et des forces), il semble possible de s’imposer. Cela contraint alors à une posture intellectuelle peu rassurante pour les services de sécurité : les points d’interrogation peuvent être plus nombreux que la certitude des acquis.
Billet simultanément posté sur Alliance géostratégique.
Droits: www.lejdd.fr, GIGN.
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