Pour assurer le service-après-publication (SAP) de mon dernier article, il semblerait que l’ambassadeur américain à Kaboul se soit fermement opposé à un programme (Local Defense Initiatives) visant à armer des milices locales pour lutter contre les insurgés. Même si ces groupes pourraient passer à terme sous le contrôle du Ministère de l’Intérieur, pas plus de fonds alloués à cette solution pour le moment.
Par méconnaissance des motivations et de l’articulation de la société pashtoun, le risque est trop grand de voir ces groupes payés et armés devenir incontrôlables et participer à l’émergence de nouveaux seigneurs de guerre. L’article du Washington Post (généralement très bien informé sur les questions afghanes) analyse cette décision comme une des conséquences d’une lutte de pouvoirs entre d’un côté les militaires américains qui souhaitent décentraliser les opérations afin d’étendre le contrôle sur l’ensemble du pays, et de l’autre côté les diplomates qui misent avant tout sur un contrôle renforcé des questions sécuritaires par l’État central afghan. L’exemple des milices anti-Talibans de l’autre côté de la frontière pourrait faire réfléchir…
Si le renseignement n’est pas au cœur de mon dernier article, il est en filigrane. En Afghanistan, le renseignement d’une manière générale est trop orienté vers la localisation et la destruction de l’adversaire, ainsi que vers la protection de la force dans la lutte contre les IED. Les nouvelles orientations prises par Mc Kiernan et surtout par Mc Crystal changent la donne: il faut aller au contact de la population pour créer des liens et donc adopter des comportements respectueux, comme enlever son gilet pare-balles. L’ensemble du renseignement doit donc être réorienté pour une meilleure compréhension de l’environnement humain. Il doit aussi être plus décentralisée (avec un niveau district prépondérant). C’est ce que préconise le Major General Flynn (sous-chef d'état-major pour le renseignement de la FIAS) dans un rapport. Ce dernier est déjà en soit passionnant. L’analyse qui en est fait par l’ancien directeur de la DRM, le général Michel Masson, est tout aussi instructif. Un unique regret, se raccrocher autant à Galula altère le propos. En effet, les conclusions de cet auteur à la mode ne permettent plus aujourd’hui de comprendre à elles-seules l’orientation de la contre-insurrection à l’américaine. Connus et intégrés, ces propos n’en sont pas moins dépassés : pas au sens de démodés, mais au sens où les experts COIN explorent des voies où le syncrétisme de plusieurs auteurs prévaut. Sans aucun doute, à lire néanmoins.
PS: j'avais été traité de menteur par des lecteurs toujours bien informés quand j'avais "osé" certifier que certaines ONG, PRT ou autres acteurs de la reconstruction de l'Afghanistan distribuaient comme engrais du Nitrate d'Ammonium, souvent employé pour confectionner l'explosif des IED. Lire donc cet article: The Afghan government has banned a fertilizer chemical used in most of the homemade explosives that have killed U.S. and NATO soldiers.
MAJ: Pour plus d'informations sur ces engrais de Nitrate d'Ammonium qui font pousser les mortelles IED sur et sous les routes afghanes ou pour les nouvelles tendances de ces engins explosifs improvisés sur le théâtre afghan (cf. TTU).
Par méconnaissance des motivations et de l’articulation de la société pashtoun, le risque est trop grand de voir ces groupes payés et armés devenir incontrôlables et participer à l’émergence de nouveaux seigneurs de guerre. L’article du Washington Post (généralement très bien informé sur les questions afghanes) analyse cette décision comme une des conséquences d’une lutte de pouvoirs entre d’un côté les militaires américains qui souhaitent décentraliser les opérations afin d’étendre le contrôle sur l’ensemble du pays, et de l’autre côté les diplomates qui misent avant tout sur un contrôle renforcé des questions sécuritaires par l’État central afghan. L’exemple des milices anti-Talibans de l’autre côté de la frontière pourrait faire réfléchir…
Si le renseignement n’est pas au cœur de mon dernier article, il est en filigrane. En Afghanistan, le renseignement d’une manière générale est trop orienté vers la localisation et la destruction de l’adversaire, ainsi que vers la protection de la force dans la lutte contre les IED. Les nouvelles orientations prises par Mc Kiernan et surtout par Mc Crystal changent la donne: il faut aller au contact de la population pour créer des liens et donc adopter des comportements respectueux, comme enlever son gilet pare-balles. L’ensemble du renseignement doit donc être réorienté pour une meilleure compréhension de l’environnement humain. Il doit aussi être plus décentralisée (avec un niveau district prépondérant). C’est ce que préconise le Major General Flynn (sous-chef d'état-major pour le renseignement de la FIAS) dans un rapport. Ce dernier est déjà en soit passionnant. L’analyse qui en est fait par l’ancien directeur de la DRM, le général Michel Masson, est tout aussi instructif. Un unique regret, se raccrocher autant à Galula altère le propos. En effet, les conclusions de cet auteur à la mode ne permettent plus aujourd’hui de comprendre à elles-seules l’orientation de la contre-insurrection à l’américaine. Connus et intégrés, ces propos n’en sont pas moins dépassés : pas au sens de démodés, mais au sens où les experts COIN explorent des voies où le syncrétisme de plusieurs auteurs prévaut. Sans aucun doute, à lire néanmoins.
PS: j'avais été traité de menteur par des lecteurs toujours bien informés quand j'avais "osé" certifier que certaines ONG, PRT ou autres acteurs de la reconstruction de l'Afghanistan distribuaient comme engrais du Nitrate d'Ammonium, souvent employé pour confectionner l'explosif des IED. Lire donc cet article: The Afghan government has banned a fertilizer chemical used in most of the homemade explosives that have killed U.S. and NATO soldiers.
MAJ: Pour plus d'informations sur ces engrais de Nitrate d'Ammonium qui font pousser les mortelles IED sur et sous les routes afghanes ou pour les nouvelles tendances de ces engins explosifs improvisés sur le théâtre afghan (cf. TTU).
Bonjour,
RépondreSupprimerUne petite remarque sur le rens en Afghanistan pour les US.
Le rapport du général Flynn montre qu'il y a un malaise au niveau américain :
1/ le FM 3-24 n'est pas appliqué car il est clair en matière de renseignement et correspond au rapport Flynn (je n'ai pas vu de grande nouveauté)
2/le commandement est responsable du renseignement militaire. Il peut juger que sa chaine de renseignement ne fournit pas de rens de qualité mais pas qu'elle ne fournit pas ce qu'il attend... Sinon, c'est que le commandement ne se fait pas obéir. La phase d'orientation (cycle du rens) initie le reste du processus normalement.
Cordialement SD
@ SD :(en off merci pour le lien plus complet...).
RépondreSupprimerPour le point 1: répéter, répéter et encore répéter pour espérer que cela rentre! C'est la logique Mac Crystal pour essayer de faire changer les comportements d'un ensemble aussi important que la FIAS en opérations. C'est un bon communicant et un assez bon pédagogue qui a besoin de temps (mais en dispose t'il...?)
Tout à fait d'accord pour le point 2. Plus clairement => Orientation défaillante = commandement défaillant... Il ne faut pas se cacher: tous veulent globalement encore là bas aligner les chiffres KIA+WIA et donc orientent les moyens vers les réseaux adverses. Plus la forte pression politique pour limiter les pertes et donc lutter contre les IED. Sur le terrain afghan, les Agneaux ne remplacent pas encore les Rambos! Et pas de chauvinisme possible sur ce point...
Excellent billet as usual,
RépondreSupprimerEffectivement, la réorientation de la fonction renseignement est une des clés que promeut le FM 3-24 (et le MG FLYNN par la même occasion) à travers la décentralisation et l'accent sur l'environnement opérationnel. On voit bien que ce qui a pu se faire (de manière sommes toutes assez large) en Irak n'est pas encore acquis en Afgha.
Quant au modèle des LDI, il faut en revenir. Les militaires américains ont tendance à croire que la décentralisation est le remède à tous les maux. Mais si il faut prendre en compte les personnesls les plus proches du terrain, il faut aussi de la coordination: ce n'est pas là la moindre des leçons du "surge"!
Quant à Galula, c'est bien que tu parles de le dépasser: il est évident que parler de la "contre-insurrection classique" (galulienne) pour caractériser l'approche américaine ne peut suffire. Raison pour laquelle je propose la "contre-insurrection américaine orthodoxe"... Celle que nous prenons et effectuons sans toujours le savoir d'ailleurs...
@ ST: merci!
RépondreSupprimer1. De la difficulté de calquer en Afghanistan quelques points mais pas tout ce qui vient d'Irak... En mettant à la sauce micro-locale!
2. Euh LDI? Kesako?
Par contre, je comprends le sens du propos entre la centralisation de la direction et la décentralisation de l'exécution avec unité de commandement, retour de bas en haut et de haut en bas comme principes incontournables.
3. En effet, Galula c'est "intellectuel" pour des propos de vulgarisation sur la COIN US, mais beaucoup moins dès que l'on creuse sur la COIN. Or c'est ce que fait le GAL Masson.
4. Tu peut en dire un peu plus sur la "COIN US orthodoxe" (un petit billet pour néophytes...)? Une expression qui fleurit souvent dans tes récents propos.
Florent