samedi 14 mai 2011

Twitter comme nouveau champ de bataille entre les Taliban et la coalition

Depuis des années, les Taliban et la coalition internationale se livrent une intense bataille informationnelle au niveau des opinions locales et internationales. Le point de vue de l’un doit l’emporter sur le point de vue de l’autre, et pourvu qu’un plus grand nombre de récepteurs puisse avoir accès à la vision des uns ou des autres. Le succès de chacun en dépend en partie.

Un réseau dans le réseau

Ainsi, de nombreux canaux de transmission d’informations ont été employés. Aux traditionnels journaux et tracts au format papier ont succédés les revues online. Des chaines officielles Youtube ont été ouvertes pour partager des vidéos, des radios diffusent localement des émissions reprenant les éléments de discours de l’une ou l’autre des parties.

Puis, les moyens de diffusion comme Facebook ou Twitter ont été investi créant in fine un réseau pour chacune des parties prenantes. À un site est accolé un compte Twitter ou un profil Facebook, relié à une chaine vidéo et chacun, bien qu’inséré dans une stratégie globale de communication, essayant de coller aux règles et normes informelles de ces supports médias.

Les contingents en présence sur Twitter

Avec plus de 6000 tweets (ou messages) et plus de 7000 abonnés à ce jour, le compte de l’ISAF(composante militaire de l’opération en Afghanistan) est le compte phare de la stratégie sur Twitter. Ce dernier est en réseau avec les comptes de certains contingents sur place (GB par exemple), de commandements régionaux, de journalistes ou d’instances de l’OTAN.

En face, une autre galaxie se développe. Il s’agit de comptes plus modestes ayant des particularités linguistiques. Ainsi, un compte est en Pashto (une des deux langues officielles avec le Dari) et l’autre en Arabe littéral. Et, ô nouveauté, depuis quelques jours des tweets sont écrits en Anglais sur celui en Arabe. C’est peut être le signe que l’un est à usage régional et l’autre orienté pour un auditoire mondial.

Des modes d’action nouveaux ?

Bien souvent, ces comptes ne font que reprendre automatiquement les titres des communiqués parus sur les sites en y ajoutant un lien URL. La forme est souvent très formalisée dès lors qu’il s’agit d’un compte rendu d’opération (avec une similitude d'ailleurs entre les deux parties : déroulé, pertes, etc.). Il est alors possible de comparer la vision de chacun.

Sans pouvoir déterminer d’un lien de cause à effet, il semble que l’apparition de ces tweets en Anglais de la part des Taliban a conduit l’ISAF à modifier sa communication, au moins sur l’expression du message. Ainsi, les tweets sont devenus moins impersonnels, interpellant les lecteurs. Passage du passif au proactif ? Juger plutôt par les captures d’écran ci-dessous.
Un champ d’affrontement non autonome

Il ne s’agit pas de se laisser enfermer dans un effet tunnel et de croire que ce qui se passe sur cette plateforme d’échanges de messages soit l’alpha et l’omega. En effet, les parties prenantes semblent bien comprendre qu’il ne s’agit que d’un autre champ de bataille avec des opportunités, des risques et donc aussi un besoin d’adaptation.

Vecteur d’influence aux possibilités importantes qui ne se suffit pas en lui même, Twitter n’est que l’image de réalités bien moins virtuelles aux conséquences bien plus concrètes. Pourtant, il ne s’agit pas de l’ignorer et c’est bien ce que ces acteurs semblent avoir compris en y déployant au service de leur grande stratégie des moyens selon différents modes d'action.

Article complémentaire : Afghan Taliban's Firts English-language Tweet par Ahmad Shuja (avec en particulier une remarque sur un troisième acteur qui est le gouvernement afghan).

PS : Quand le terme de Taliban est employé, il fait ici référence aux Taliban authentiques (canal historique) qui prônent en particulier l’instauration d’un émirat islamique en Afghanistan. Il ne s’agit pas, comme cela est lisible souvent, de l’ensemble des mouvements en rébellion contre le gouvernement central ou la coalition le soutenant.

Découvrant et voulant me perfectionner sur de telles problématiques (à la fois sur les réseaux sociaux, l'influence, etc.), je suis particulièrement intéressé par toutes les suggestions de lectures ou les critiques sur mes courtes analyses que vous pourriez me faire, chers lecteurs. N'hésitez donc pas !

2 commentaires:

  1. Vu le pourcentage peu eleve d'utilisateurs internet actuellement en Afghanistan, ces joutes sur les reseaux sociaux est-elle plutot destinee au combat pour influencer la communaute internationale?

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  2. Vous avez en effet globalement raison (en 2009, moins de 5% de la population semble avoir accès à Internet selon la Banque Mondiale).

    Et pourtant, quelques Afghans y sont présents. Il s'agit principalement de chercheurs, journalistes, humanitaires, etc. (bref, le haut de la pyramide sociale locale).

    Pas sur que cela soit le coeur de cible visé. Pourtant, le simple fait que l'une des deux parties prenantes y soient présentes, oblige l'autre à y batailler pour ne pas laisser de zones refuges virtuelles (si je peux me permettre cette comparaison).

    Twitter reste donc encore aujourd'hui un média non généraliste pouvant diffuser simplement et assez largement vers un public bien précis mais restreint dans sa diversité.

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