Il ne s'agit pas de tirer de conclusions hâtives suite au crash samedi en Afghanistan de l'hélicoptère lourd de transport CH-47 Chinook. Non, la mort de ses 38 occupants n'entraîne pas une pression supplémentaire sur le retrait de la coalition. Non, elle ne devrait pas accélérer plus que de mesure son départ. Quelques remarques en passant.
Une retraite dans l'ordre et la discipline
La situation actuelle n'est pas le remix de la bataille d’octobre 1993 à Mogadiscio qui aurait conduit Bill Clinton à annoncer deux jours après un départ précipité du contingent américain de Somalie. Départ quasi terminé cinq mois après. Si quelques similitudes existent (hélicoptères abattus, mort tragique d'un nombre important de forces spéciales, etc.), cela s'arrête là.
En Afghanistan, un calendrier extrêmement précis de départ est fixé. Nous pouvons faire confiance aux Américains, les rois de la planification (parfois à outrance), pour avoir des plans mis à jour régulièrement pour un désengagement progressif et coordonné des différents districts afghans. Il évoluera sans doute à la marge mais sans annonce fracassante.
Ce départ est acté et annoncé. Si un certain optimisme demeurait il y a encore un an quant aux chances de renverser la situation, la logique des dirigeants politiques (en premier lieu Américains) est aujourd'hui différente. Ce n'est pas le crash d'un hélicoptère, aussi dramatique soit-il, qui ajoutera sur eux de "la pression".
Le grand déménagement du retour
En particulier lors de l'injection de troupes supplémentaires, les débats concernant la logistique en Afghanistan fleurissaient. Si le premier défi est celui du dernier mile où la logistique doit faire face aux embuscades et aux contraintes géographiques, le deuxième est celui d'arriver jusque là ou dans notre cas d'en partir.
Il peut sembler logique que les voies d'acheminement dans un sens soient presque aussi bouchées dans l'autre sens dès lors qu'il y a une inversion importante des flux. Les goulots d'étranglement seront donc sensiblement les mêmes : cols à la frontière pakistanaise, pas d'accès à la mer, peu d'itinéraires bis, obligation d'emprunter la voie aérienne, énormes stocks à rapatrier, etc.
Ainsi, le casse-tête logistique devrait perdurer et ce n'est pas le crash d'un hélicoptère qui devrait entraîner une facilitation de ce mouvement dès lors que les capacités ne le permettent pas. "L’accélération" du retrait ne semble donc ni forcément à l'ordre du jour, ni forcément possible à l'heure actuelle. Cf. le cas irakien.
Arme secrète et opération de grand art : à qui profite le crime ?
Il semble fort peu probable que cette unité précise, la Seal Team 6, ait été visée par cette opération. Cet hélicoptère s’apparentait plus à une cible d’opportunité et n’aurait pas été désigné à l’avance parce qu’il transportait des Navy Seals dont l’unité était impliqué dans le raid contre Osama ben Laden. Contrairement à ce qui est parfois dit.
En effet, cette unité intervenait en réaction alors que des Rangers étaient pris à partie. Il semble peu probable que l’ennemi ait été mis au courant de sa composition. De raids similaires se déroulent par dizaines chaque nuit. Malgré la compromission toujours possible de locaux, le montage d’une telle opération semble extrêmement complexe (cf. l'analyse mesurée de Joshua Foust).
Ce n’est pas sous-estimer l’adversaire que de le dire, tout comme, le fait d’attendre une confirmation sur l’existence ou non d’une charge explosive propulsée et modifiée pour abattre l’hélicoptère. Ce dernier, extrêmement massif, est une cible qui peut être détruite « par chance » par des RPG classiques (en particulier si un des deux rotors est touchée).
Cette histoire sert d’ailleurs les intérêts des uns et des autres. Les Taliban peuvent s’enorgueillir d’avoir mis au point une arme efficace. La coalition peut alors relativiser et justifier les pertes. Elles sont potentiellement causées par des « experts extérieurs » épaulant les Taliban donc la présence en Afghanistan est pleinement justifiée.
La bête de somme qu'il ne faudrait pas perdre
Par contre, si tel est le cas, cela marquerait une rupture qui ne serait pas sans conséquence... Depuis le temps que l'on en parle d'une possible perte de supériorité aérienne en Afghanistan (au moins dans le domaine du transport par hélicoptères)... Voyez plutôt l'importance de son emploi (dans ce cas, par les militaires français) dans un tel contexte opérationnel.
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