Il y a un an et demi, la question des Entreprises de services et de sécurité de défense (ESSD) était sous le feu des projecteurs suite à un rapport parlementaire. Maigre bilan depuis... L'agitation est bien vite retombée, l'exploitation s'est heurtée à de nombreuses difficultés et réticences.
Épisodiquement la question resurgie (cf. les actes d'un colloque en mai) mais ni dans le Livre blanc ni dans la LPM, des moments d'opportunités pour l'aborder, la moindre once d'avancées ne peut être signalée, certains préférant sans doute subir la réalité plutôt que l'accompagner...
Épisodiquement la question resurgie (cf. les actes d'un colloque en mai) mais ni dans le Livre blanc ni dans la LPM, des moments d'opportunités pour l'aborder, la moindre once d'avancées ne peut être signalée, certains préférant sans doute subir la réalité plutôt que l'accompagner...
La nécessité de la recherche de relais de croissance externe
La réduction année après année des contrats opérationnels des forces armées, et donc des effectifs et des parcs de matériels, conduit mécaniquement à une réduction des effets réalisés. Il est possible de faire mieux (ou plutôt, de faire autant) avec moins, seulement jusqu'à un optimum. A un moment, il est surtout fait moins avec moins...
Cette réduction de la taille et du nombre des effecteurs est compensée en partie par une croissance interne : l'amélioration de l'efficacité via le lancement de réformes, l'apport de la technologie et des réflexions sur les procédures et les modes d'organisation (cf. par exemple pour l'armée de Terre la mise en place de GTIA permanents et les variations possibles).
De manière similaire aux 2 modes possibles de développement d'une entreprise, la puissance de la France doit donc s'adjoindre d'autres modes d'action relatifs au développement d'une croissance externe, de manière exogène, à la fois sur le plan quantitatif et qualitatif : pénétration de nouvelles niches, association avec d'autres structures, etc.
De nouvelles déclarations qui mettent encore plus certains face à leurs responsabilités
En 2010, la fédération Armateurs de France (+/- 1.000 navires), par la voix de sa déléguée générale (aujourd'hui conseillère auprès du ministre de la Défense) "refusait de recourir aux services de mercenaires à bord de [leurs] navires". En 2013, la position du nouveau délégué général était tout autre en indiquant que "Armer les navires fut une décision difficile mais nécessaire".
En 2012, la députée Patricia Adam (aujourd'hui à la tête de la commission de la défense nationale) faisait part de son scepticisme vis à vis de ces sociétés (cf. la fin de cette vidéo). En 2013, elle se disait plus ouverte sur la question, notamment via un effort de législation, bien consciente que la Marine ne pouvait fournir des EPE (équipes de protection embarquées) en nombre suffisant.
La France pourrait sortir du déni de réalité
Ne nous plaignons pas de la lente disparition de la place de la France quand la diplomatie française (tous secteurs confondus) perdra 600 emplois d'ici 2015 pour atteindre 14.200 emplois, que des représentations (pas d'ambassades) seront fermées en Gambie, au Malawi, à Sao Tomé et ailleurs, que le dispositif sera "très allégé" dans 13 autres pays, pour se redéployer, il est vrai, en partie vers l'Asie et l'Amérique Latine.
Plus spécifiquement, entre 2005 et 2012, la coopération militaire structurelle (DCSD) a perdu 50 postes (sur plus de 300) et son budget, soumis à la rigueur, n'est pas prêt de repartir à la hausse passant de 93 millions à 80 sur la même période. Les forces prépositionnées sont passés de 5.250 mi-2010 à 4.115 fin 2012, et doivent encore baisser prochainement (l'hypothèse basse ayant néanmoins été écartée lors des travaux du Livre blanc).
Surtout, le budget d'intervention de la DCSD se réduit, 60% environ étant aujourd'hui lié aux dépenses de personnel (moins élastiques). A côté de cela, des sociétés, pour certaines proches des instances françaises, réussissent à développer des activités de conseil et de formation, complémentaires à celles des armées, cf. Sovereign Global France à Djibouti, en Mauritanie et récemment au Tchad, ou dans une autre approche, l'entreprise para-public DCI. Mais loin des yeux et du cœur de certains...
Cette croissance en interne (via une meilleure rentabilité) est possible jusqu'à un certain point, mais l'absence d'ubiquité des hommes et des matériels conduit à un atteindre un point haut qui ne peut être compensé que par l'adjonction de nouveaux moyens (humains ou matériels). Les Marins en savent quelque chose avec la réduction du format de la flotte. Un bateau, même technologiquement très développé, qui est à un endroit ne peut pas être à un autre endroit...
De manière similaire aux 2 modes possibles de développement d'une entreprise, la puissance de la France doit donc s'adjoindre d'autres modes d'action relatifs au développement d'une croissance externe, de manière exogène, à la fois sur le plan quantitatif et qualitatif : pénétration de nouvelles niches, association avec d'autres structures, etc.
C'est dans ce cadre que des synergies doivent être recherchées avec des acteurs, complémentaires plus que concurrents, via des mutualisations (sachant que tout, notamment les capacités de combat à la différence de celles de logistique/transport en retrait des zones d'opérations, ne se mutualise pas), des partenariats ou des binomages (nous y reviendrons dans un futur article) ou encore les ESSD.
De nouvelles déclarations qui mettent encore plus certains face à leurs responsabilités
En 2010, la fédération Armateurs de France (+/- 1.000 navires), par la voix de sa déléguée générale (aujourd'hui conseillère auprès du ministre de la Défense) "refusait de recourir aux services de mercenaires à bord de [leurs] navires". En 2013, la position du nouveau délégué général était tout autre en indiquant que "Armer les navires fut une décision difficile mais nécessaire".
En 2012, la députée Patricia Adam (aujourd'hui à la tête de la commission de la défense nationale) faisait part de son scepticisme vis à vis de ces sociétés (cf. la fin de cette vidéo). En 2013, elle se disait plus ouverte sur la question, notamment via un effort de législation, bien consciente que la Marine ne pouvait fournir des EPE (équipes de protection embarquées) en nombre suffisant.
En 2011, le chef d'état-major de la Marine, l'amiral Forissier, présentait les sociétés privées uniquement comme pourvoyeuse d'insécurité (cf. son entretien), alors que son successeur, l'amiral Rogel a une vision plus nuancée, indiquant : "Pour les cas non-couverts par la Marine, ouvrons l'accès aux sociétés militaires privées sous condition d'un contrôle et d'une limitation géographique".
Enfin, comment ne pas conclure par la récente mise au point du CEMA sur cette question : "Les SMP sont un sujet qui m'exaspère. Quand on veut noyer son chien, on dit qu'il a la rage, et pour des raisons d'angélisme idéologique, malgré des rapports sur la situation, nous n'avons pas avancé. [...] Cette question des SMP a été évoquée lors des discussions sur le Livre Blanc, puis le débat a été refermé".
Néanmoins, des appels à une extrême prudence existent encore, notamment dans le domaine terrestre, comme le signale le CEMAT : "Au sujet des ESSD, leur emploi dans le domaine de la
logistique et strictement limité hors des zones de combat me semble
possible. Inversement, j'émets de sérieuses réserves
à leur engagement au cœur des opérations". La formation (en retrait des zones d'opérations, en phase de prévention, de stabilisation ou de normalisation) n'étant hélas pas mentionnée.
Ainsi, au moins sur la question des Équipes de protection embarquées, le consensus semble être globalement partagé : employeurs, militaires, députés, etc. Sauf qu'après avoir indiqué "une sortie du bois" lors du Livre blanc, puis avoir créé un espoir lors de la LPM, constatons que rien n'est sorti au final de la part de l'exécutif. Le législatif (depuis le départ des 2 députés ayant porté le projet lors de la mandature précédente) n'ayant pas pris le relais.
La France pourrait sortir du déni de réalité
Ne nous plaignons pas de la lente disparition de la place de la France quand la diplomatie française (tous secteurs confondus) perdra 600 emplois d'ici 2015 pour atteindre 14.200 emplois, que des représentations (pas d'ambassades) seront fermées en Gambie, au Malawi, à Sao Tomé et ailleurs, que le dispositif sera "très allégé" dans 13 autres pays, pour se redéployer, il est vrai, en partie vers l'Asie et l'Amérique Latine.
Plus spécifiquement, entre 2005 et 2012, la coopération militaire structurelle (DCSD) a perdu 50 postes (sur plus de 300) et son budget, soumis à la rigueur, n'est pas prêt de repartir à la hausse passant de 93 millions à 80 sur la même période. Les forces prépositionnées sont passés de 5.250 mi-2010 à 4.115 fin 2012, et doivent encore baisser prochainement (l'hypothèse basse ayant néanmoins été écartée lors des travaux du Livre blanc).
Surtout, le budget d'intervention de la DCSD se réduit, 60% environ étant aujourd'hui lié aux dépenses de personnel (moins élastiques). A côté de cela, des sociétés, pour certaines proches des instances françaises, réussissent à développer des activités de conseil et de formation, complémentaires à celles des armées, cf. Sovereign Global France à Djibouti, en Mauritanie et récemment au Tchad, ou dans une autre approche, l'entreprise para-public DCI. Mais loin des yeux et du cœur de certains...
A côté, les services de l'Etat sont investis (ton ironique) pour faire profiter les entreprises françaises d'opportunités économiques. Sur le site "Conseil aux voyageurs" du Quai d'Orsay, parmi la liste de sociétés privée de sécurité conseillées très officiellement pour le Yémen, aucune n'est française, alors même que certaines pourraient intervenir sur cette zone, bien que non reconnues par la législation française mais agissant par des biais détournés (filiales, siège à l'étranger, etc.)... Hypocrisie.
Enfin, Armateurs de France, avec quelques exemples à l'appui (qui mériteraient d'être mieux mis en avant...) n'hésite pas à indiquer que certains entreprises (cas du danois Maersk Danemark) refusent dorénavant de confier à des navires français le transport de certaines marchandises (notamment du pétrole), faut de garanties suffisantes pour la protection des équipages (jurisprudence Karachi notamment). Le risque de dépavillonage est donc bien une réalité.
Et si il suffisait simplement de se décider ?
A l'heure du redressement productif, du soutien à l'industrie comme priorité de nombre de ministères, du "changement, c'est maintenant" répété à l'envie, de l'équilibre de la balance commerciale française à l'exportation (hors énergies) à atteindre en 2017, ou du pacte sur la croissance, la compétitivité et l'emploi, il serait peut-être temps, non pas de lancer une nouvelle étude annuelle sur le sujet (comme cela est le cas depuis 10 ans, encore en 2013 avec la 2013-71), mais d'agir.
Avec le recul qu'il existe sur le sujet depuis le temps, les dispositions nécessaires pour agir de manière prudente mais déterminée sont bien connues (cf. ici pour les EPE) : que cela soit les systèmes d'accréditation, les autorités de contrôle, les secteurs qui peuvent être concernés, les filières possibles de recrutement des personnels, la question de l'emploi ou non d'armement, les mises en relation entre l'offre et la demande, les formations qui peuvent être données, etc.
MAJ 1 : le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian a annoncé lors d'une audition au Sénat le 12 septembre 2013 le dépôt à venir d'un projet de loi par le ministre délégué des Transports et de l'Economie maritime, Frédéric Cuvillier, sur la reconnaissance des sociétés militaires privées dans le domaine du transport maritime.
M. Yves Pozzo di Borgo, sénateur de Paris (UDI)
MAJ 1 : le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian a annoncé lors d'une audition au Sénat le 12 septembre 2013 le dépôt à venir d'un projet de loi par le ministre délégué des Transports et de l'Economie maritime, Frédéric Cuvillier, sur la reconnaissance des sociétés militaires privées dans le domaine du transport maritime.
M. Yves Pozzo di Borgo, sénateur de Paris (UDI)
"Les sociétés militaires privées représentent un marché estimé entre 200 et 400 milliards de dollars. En la matière, notre pays a des atouts à faire valoir, notamment par rapport à la concurrence anglo-saxonne, mais nous souffrons de l'absence de réglementation claire. À terre, notre réticence s'explique par le monopole public de l'emploi de la force armée, mais si nous n'avançons pas dans le domaine de la protection en haute mer par exemple, les armateurs français risquent de dépavillonner leurs navires".M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense
"Je suis favorable à la reconnaissance des sociétés militaires privées dans le domaine du transport maritime, car la marine nationale ne peut pas tout faire. Je l'ai fait savoir aux acteurs du secteur. Nous sommes proches d'aboutir. J'y suis défavorable en revanche pour l'armée de terre, car cela s'apparenterait à du mercenariat, ce qui est contraire à notre tradition républicaine et à nos convictions. Vous pouvez d'ores et déjà rassurer nos armateurs : un projet de loi sera bientôt déposé par Frédéric Cuvillier".C'est donc un grand pas en avant qui s'apprête à être réalisé (avec ce dépôt d'un projet de loi qui doit encore être examiné puis voté). Notons néanmoins que la Marine nationale n'est pas la seule à ne plus pouvoir tout faire (cf. également les forces terrestres), il suffit de se référer à certaines demandes d'expertise non honorées par la France, notamment en Afrique, ou encore les demandes de protection faîtes par certaines entreprises. Mais c'est un premier pas qui sera peut-être fait dans un milieu où certaines facilités juridiques (statut des eaux internationales) facilitent la mise en place d'un cadre adéquat.
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