Titulaire d'un doctorat en science politique de l'IEP de Paris, en co-direction avec le King's College de Londres, Alice Pannier est chercheuse associée au Centre des études de sécurité de l'IFRI. Elle est également assistant professor en relations internationales et études européennes à la School of Advanced International Studies (SAIS) de l'Université Johns Hopkins à Washington. Elle est enfin l’auteur d’un récent Focus Stratégique sur "Complémentarité ou concurrence ? La coopération franco-britannique et l’horizon européen de la défense française". Elle a bien voulu répondre à quelques une de nos questions à ce sujet (co-publiées sur le blog Ultima Ratio). Nous la remercions.
1/ Quel points majeurs faudrait-il retenir de 10 ans du Traité de Lancaster House, qui contenait à sa signature une multitude de pistes opérationnelles, capacitaires, ou de développement de l'interopérabilité ?
Deux traités ont été signés en 2010. Le traité sur les installations radiographiques et hydrodynamiques conjointes (ou "Traité nucléaire") était le résultat d’un travail important en amont. Le texte est technique, et les projets de coopération sont précis, comme par exemple la construction de trois axes radiographiques à Valduc (France), en vue de mener des expérimentations sur les armes nucléaires, dans le cadre du programme "Simulation" du Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA).
Le "Traité de coopération en matière de défense et de sécurité", qui encadre le premier, est au contraire très général. Il place la coopération militaire, capacitaire et industrielle franco-britannique au cœur d’une relation politico-diplomatique plus large, institutionnalisée pour la première fois par ce traité. Celui-ci prévoit de faciliter l’intégration transfrontalière des deux industries de défense, engage les deux États à se consulter mutuellement sur leurs politiques de défense, et à se soutenir l’un l’autre dans les interventions militaires qu’ils auraient à mener.
En dehors de cela, c’est la déclaration du sommet de 2010 qu’il faut consulter pour connaitre plus précisément les projets envisagés il y a 10 ans. Ladite déclaration prévoyait d’explorer des pistes de coopération dans un grand nombre de projets capacitaires - des missiles au drones en passant par l’aviation de combat, les véhicules blindés, l’interopérabilité des groupes aéronavals, la lutte contre les mines sous-marines et les satellites.
Force est de constater que de nombreux échecs sont à rapporter. Parmi les principaux, la coopération entre BAE et Dassault autour du drone MALE n’a pas abouti (les deux pays ayant acheté des Reaper américains sur étagère), pas plus que le deal "Watchkeeper contre VBCI" (achat du drone Watchkeeper par la France "en échange" de l'achat par de blindés VBCI pour l'armée de Terre britannique). Le gouvernement britannique en 2011 a opté pour une version de l’avion de combat F-35 non-interopérable avec le porte-avion français ; et, plus récemment, la coopération autour du système de combat aérien du futur (SCAF), menée par BAE et Dassault, a été suspendue, au profit d’une coopération franco-allemande impliquant Dassault et Airbus.
Au registre des succès, on peut citer la mise en place de centres d’excellences franco-britannique dans la filière missile et les avancées du programme de missiles antinavires légers (Sea Venom) de MBDA ; le développement par BAE et Thales d’un système de lutte anti-mines marines ; la validation du concept de la force expéditionnaire conjointe non-permanente (CJEF) ; le développement d'installations conjointes liées à la dissuasion nucléaire ; ou encore le rapprochement des agences de renseignement dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et les cyber-menaces.
Au registre des succès, on peut citer la mise en place de centres d’excellences franco-britannique dans la filière missile et les avancées du programme de missiles antinavires légers (Sea Venom) de MBDA ; le développement par BAE et Thales d’un système de lutte anti-mines marines ; la validation du concept de la force expéditionnaire conjointe non-permanente (CJEF) ; le développement d'installations conjointes liées à la dissuasion nucléaire ; ou encore le rapprochement des agences de renseignement dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et les cyber-menaces.