vendredi 14 novembre 2025

Thales - Accompagner l’effort de remontée en puissance dans la guerre électronique

Face à une demande croissante suite à une prise de conscience de certains retards et face à l’évolution rapide des besoins au carrefour du champ électromagnétique (les ondes électromagnétiques, portant des informations, et les protocoles de diffusion) et du milieu cyber, Thales se met en ordre de bataille pour renouveler et renforcer sa gamme en guerre électronique.

Mettant en avant sa position de systémier-intégrateur opérant aussi dans les secteurs connexes des radars et des communications (permettant une bonne compréhension des enjeux de déconfliction, notamment pour éviter de s’auto-brouiller), Thales offre une panoplie complète allant des équipements à une vision système. Sur les enjeux de bonne gestion du spectre électromagnétique, il est évoqué par certains maitres des ondes le fait qu’environ 45% des actions de brouillage ont des effets de bord fratricides actuellement en Ukraine.

Alors que certains pays ont déjà traduits en programmes bien lancés l’effort nécessaire à faire pour rester à la pointe, la France fait face à quelques fragilités (pour ne pas dire ruptures temporaires de capacités) à rapidement combler dans les prochaines années. Elles le sont en qualité comme en masse, face au « mur électromagnétique » qui se dresse et contraint la liberté d’action sans capacités défensives et offensives de bon niveau et en nombre pour y opérer.

C’est le cas sur tout le cycle du combat électromagnétique, avec des actions de détection (à une échelle stratégique - avec le maintien d'un réel effort dans le domaine - ou au contact), de compréhension, d’interception et de brouillage afin de porter des coups à l’adversaire (le ralentir, le détruire, le perturber, le tromper…). Hors ce champ à tendance à se densifier (des très basses aux très hautes fréquences, des talkies walkies aux satellites en passant par les flottes de drones et de robots et leurs fils invisibles…) et à se complexifier (avec des évasions de fréquences, des patterns évoluant rapidement…). Selon les experts de Thales, le nombre de nœuds de communication au sein d’une division a augmenté de plus de 500% en 20 ans, et sont autant d’émetteurs dans le cadre d’une numérisation porteuse de risques et d’opportunités.

 
Il s’agit alors d’offrir des solutions pour rechercher, en localisant, en identifiant et en écoutant. Les premiers nouveaux blindés Serval de guerre électronique sont livrés au 54ème régiment de Transmissions, et permettent cette recherche, sous blindage, et en roulant (contrairement à la génération précédente), avec un besoin moindre de trigonométrie par plusieurs véhicules et des premières capacités d’analyse directement dans la tranche arrière des blindés. Des charges utiles miniaturisées sont aujourd’hui développées pour être embarquées sur des drones. C’est le cas de la solution Eagle Tracker (présentée sur le modèle modulaire Tundra 2 d’Hexadrone) pour permettre une localisation et une identification (reconnaissance de standards, démodulation…) via une charge utile de l’ordre de 4-5 kg. Les premières livraisons à des unités opérationnelles auront lieu d’ici la fin 2025. Dans le domaine aéronautique, et en plus des capacités des Vador (solution ACS), cela sera fera en tranche arrière des futurs appareils Archange, dont l’intégration, complexe, des capteurs et des effecteurs se poursuit.

L’un des enjeux forts est de permettre les fonctions d’analyse au plus près des capteurs, pour conduire en cycle court la phase de compréhension, sur l’architecture dispositif adverse et sur les intentions adverses, en étant en partie aidée par des algorithmes d’intelligence artificielle pour trier le bruit, caractériser les informations, classer les sources d’émissions en comparant avec des bibliothèques précieuses et construites dans le temps long, etc. Cela permet ainsi de reconstituer le dispositif adverse et de fournir un renseignement d’origine électromagnétique (ROEM) qualifié, intégrable dans une manœuvre plus globale de renseignement multi-capteurs.

Pour agir, il s’agira à la fois de se protéger et d’attaquer. Sur l’autoprotection, les menaces se sont généralisées, notamment via les IEDs volants qui se sont multipliés et alors que la manœuvre électromagnétique serait responsable d’environ 65% des pertes de drones visant les forces armées ukrainiennes. Au-delà de produits de protection individuelle, notamment portés par Thales UK, et en partant des brouilleurs anti-IED Barrage, Thales (en mobilisant l’expérience de l’implantation de Cholet) propose la version Eclipse qui détecte et brouille. Via une augmentation de la puissance générée et un élargissement des fréquences traitées (quasi par 2), Eclipse permet d’offrir une bulle de protection d’environ 1 km, via une caisse de 45 kg embarquable sur blindé. Passer de Barrage à Eclipse, cela se fait par une modification principalement du software, peu du hardware, permettant de rapidement moderniser les stocks déjà disponibles. Des algorithmes d’IA permettant une préparation de la mission spécifique aux menaces rencontrées. Une centaine de brouilleurs sont détenus au sein de l’armée de Terre, de quoi couvrir en partie les besoins d’un gros bataillon, pas ceux d’une brigade et encore moins d’une division. D’ailleurs d’autres solutions ont été commandées dans le cadre de l’effort réactif d’équipements centrée sur la brigade dite « bonne guerre » déployée actuellement en Roumanie. Plus globalement, pour faire face aux besoins de clients, Thales a fait passer sa capacité de production de 10 brouilleurs Éclipse produits par mois en 2024 à 40 brouilleurs produits par mois aujourd'hui.

Dans le domaine terrestre, si la modernisation de la partie ROEM est bien engagée via ces Serval dédiés en cours de livraison (et via un effort de généralisation de moyens primaires de renseignement à des unités non spécialisées, comme les sections derenseignement et de guerre électronique (SRGE) en cours de création dans les régiments), rien n’est encore formellement lancé en France sur la partie brouillage offensif, notamment sous blindage. "Un brouilleur est un phare, donc un aspirateur à obus qui nécessite une utilisation parcimonieuse et un effort de discrétion", rappelle un conseiller opérationnel. Des propositions de plusieurs industriels sont néanmoins faites, intégrables sur des blindés pour des brouilleurs d’attaque (plutôt de type Griffon). « L’action sur les très basses fréquences n’est pas un sport de masse et requiert des antennes plus grosses, donc potentiellement des porteurs plus importants », poursuit le conseiller déjà cité. Un effort dédié à la guerre électronique pourrait être décidé via les sur-marches budgétaires en cours de discussions dans le cadre de la Loi de programmation militaire 2024-2030 remaniée, permettant de lancer certains appels d’offres. Cela pourrait permettre de généraliser certains systèmes de lutte anti-drones (comme Majes et Neptune fournis par un autre industriel sur les frégates de la Marine nationale pour le brouillage bimode satellitaire et radiofréquences, en complément de solutions de renseignement, type Altesse-H de Thales sur les frégates de défense et d'intervention).

A une autre échelle, moins au contact, à la fois dans une logique sol-sol mais aussi sol-air, Thales annonce la finalisation d’un nouveau brouilleur multidirectionnel d’attaque, appelé Sabre, qui prendra la suite de la génération des actuels TRC 274 en service dans différentes unités de l’armée de Terre et de l’armée de l’Air et de l’Espace. Sa portée est annoncée comme étant de l’ordre de la vingtaine de kilomètres en horizontal (la courbure de la terre étant un principe physique universel impactant…) et de la centaine de kilomètres en vertical.

Tout comme les autres produits de guerre électronique, des enjeux forts existent pour :

  • Proposer des produits relativement génériques pouvant être renforcés par des développements souverains menés par les utilisateurs finaux (notamment sur la partie software et l’intégration d’algorithmes entraînés sur des données générées ou, encore mieux, des données recueillies au contact de l’adversaire) 
  • Proposer des architectures de produits et des outils numériques de « forge électromagnétique » permettant de rentrer dans des boucles d’adaptation de plus en plus rapides (en attaque comme en défense), aujourd’hui dans des cycles de quelques jours, demain très probablement dans des cycles de quelques heures.

Sans doute un peu délaissé durant quelques années, et laissé à des spécialistes rares, la guerre électronique redevient sur le devant de la scène. Des investissements minimaux ont permis de conserver des capacités opérationnelles (plus dans certaines composantes que d’autres, comme dans la Marine nationale) et industrielles (en partie en auto-financement, indispensable mais pas suffisant), qui aujourd’hui doivent remonter en puissance. La France, via des grands maitres d’œuvre et des performantes pépites de taille plus petite (Thales, Naval Group, MC2 Technologies, Cerbair, Helsing…), dispose d’une base industrielle et technologique de guerre électronique de qualité. Les enjeux sont importants pour porter des coups et s’en prémunir, conserver cette maitrise du spectre électromagnétique, intégrée aux autres effets, sur le champ de bataille d’aujourd’hui et de demain.

 Crédits : privés, armée de Terre et Thales.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Pour faciliter les réponses et le suivi, merci d'utiliser, au moins, un pseudo récurrent.