mardi 11 mai 2010

L'Oncle Sam en treillis en Afrique

Si le relooking de la Françafrique, la nouvelle explosive Chinafrique et l’éternel partage des restes entre d’autres puissances concentrent l’attention des observateurs, les États-Unis essayent eux aussi de se faire une place sous le soleil africain. Comparativement à d’autres zones d'influence, cela se fait plus discrètement, en particulier à travers les actions préventives plus que curatives menées par le encore très récent US Africa Command ou Africom.

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1. Du dédain à la psychose anti-terroriste

Du fait de la présence de ressources naturelles, en particulier énergétiques, de territoires en guerre et/ou non contrôlés, offrant des sanctuaires à des groupes terroristes ou criminelles, et de la compétition économique qui s’y joue, l’intérêt des États-Unis pour l’Afrique est grandissant. Il est d'ailleurs défini comme « une priorité haute » depuis le document stratégique officiel intitulé The National Security Strategy of the United States de 2006. Mais, les États-Unis partent de loin.

Pour ne remonter qu’à l’après Seconde Guerre mondiale, c’est seulement en 1958 qu’est créé le poste de secrétaire d’État adjoint aux Affaires africaines. Il se fera aussitôt le défenseur du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » lors des vagues d’indépendances. Ayant plus de poids dans les années suivantes, il mettra en œuvre la politique antisoviétique appliquée à l’Afrique qui conduit Washington à aider les opposants aux régimes soutenus par Cuba ou Moscou (comme en Angola).

S’élabore ensuite une première politique proprement africaine dont l’interventionnisme militaire et humanitaire tourne au fiasco en Somalie en 1993. Des attentats en 1998 contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie jusqu’à aujourd’hui, en passant par la « Global War on Terror » bushienne, l’Afrique est au cœur des préoccupations stratégiques américaines. C’est particulièrement vrai en termes de sécurisation des voies maritimes, de lutte contre les groupes terroristes et de réponse aux crises humanitaires majeures (en particulier contre l'épidémie du VIH).

2. Africom, un petit nouveau

Longuement débattue depuis les années 1990, la création d'un sixième commandement unifié (ou Unified Combattant Command) ayant des responsabilités géographiques est annoncée le 6 février 2007 par le président Bush fils. Africom couvre l’ensemble du continent africain, zone auparavant partagée entre CENTCOM (qui conserve néanmoins l’Égypte), PACOM et EUCOM. Il est déclaré opérationnel le 1er octobre 2008 et est confié au général William E. "Kip" Ward, tout un symbole.

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Son objectif est de :

« Promouvoir les objectifs stratégiques américains en travaillant avec les états et les organisations régionales africaines pour aider au renforcement de la sécurité et de la stabilité régionale à travers l’amélioration des capacités locales de sécurité et la professionnalisation militaire ».

Attendant toujours un état africain d’accueil, Africom est stationné jusqu’à l’année 2012 à Stuttgart en Allemagne. Obligeant les personnels à d'incessants allers-retours. En effet, les pays d'accueil ne se bousculent pas, peu pressés d’accueillir sur leur sol un allié envahissant car pouvant attirer des groupes terroristes luttant contre la présence américaine.

3. Essayer une autre manière de procéder

Africom fonctionne de manière différente des autres commandements régionaux, par nécessité et par contrainte.

La Combined Joint Task Force - Horn of Africa (ou CJTF-HOA) forte d'environ 1.800 hommes est l’unique force permanente d’Africom. Située à Djibouti, non loin de la base française, son installation a d'ailleurs eu pour conséquence de faire augmenter le prix de location du m², obligeant la France à mettre la main au portefeuille... Des contingents de circonstance sont placés sous le commandement d'Africom selon les missions. De plus, des accords donnant des facilités de transit et de stationnement ont été signés avec différents états africains garantissant finalement une empreinte au sol particulièrement légère. Une gestion à distance donc.

En plus, Africom joue un rôle pilote en travaillant à une coordination poussée entre différents départements et agences américaines. Pour surtout prévenir (phase 0 des opérations dans la doctrine américaine) mais aussi répondre aux crises (phases 1, 2 et 3 selon l'intensité), Africom développe une approche civilo-militaire intégrée (Dod, DoS et USAid). Ainsi, la part des civils n’appartenant pas à la Défense doit être supérieure au quart des effectifs totaux. Mais aujourd’hui dans les faits, c’est loin d’être atteint. Entre autres raisons, la montée en puissance de ce commandement est en cours et les difficultés administratives pour placer des civils hors-défense sous commandement militaire ne sont pas toutes levées. Éternel problème rencontré aussi en Irak ou en Afghanistan...

Très actif dans la prévention des crises par le renforcement des capacités locales, Africom pilote de nombreux programmes, certains se recoupant avec d'autres initiatives françaises ou européennes. Des formations et des exercices bilatéraux ou multinationaux fréquents (comme l’exercice Flintlock) sont organisés. Des US Marines de la CJTF – HOA ont formé des contingents ougandais en charge du maintien de la paix au Soudan sous le mandat de l’Union africaine (mission AMISOM). Peu éloigné du concept français RECAMP, l'African Contingency Operations Training and Assistance Program (ACOTA) vise à doter l’Afrique de forces de maintien de paix crédibles.

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D’autres programmes d’entraînement sont à la charge des Forces spéciales de l’US Army, en particulier les 3rd et 10th Special Forces Groups qui opèrent au Mali (cf. cet article très documenté), au Tchad et en Mauritanie depuis les années 90. Ces entraînements s'intègrent dans la Pan-Sahel Initiative, permettant une lutte contre-terroriste (en particulier contre Al Qaida au Maghreb Islamique ou AQMI) par une meilleure sécurité des frontières en Afrique de l’Ouest. Il est couplé au Trans Sahara Counter-Terrorism Partnership. C'est l'un des deux volets africains de l’opération Enduring Freedom, en plus des opérations conduites dans la Corne de l'Afrique. Ce sont les missions les plus coercitives de l'Africom et elles se traduisent par des bombardements de camps de terroristes ainsi que des raids d'élimination de chefs menés par les forces spéciales.

Conclusion

Bien conscient que le maniement délicat de la carotte et du bâton auquel s'adonne Africom est souvent complexe à comprendre par les populations locales, le commandement développe un réseau de supports pour des opérations d'information. En plus de coupler cela à une diplomatie de terrain active par d'incessantes visites chez les partenaires (en particulier les organisations régionales africaines : UA mais aussi CEDEAO ou SADC). Ainsi, le site d'informations Magharebia est employé, entre autres, pour contrer la propagande de certains mouvements terroristes. C'est seulement à la lecture de l'onglet "Qui sommes nous" que l'auteur du site, l'Africom, se dévoile.

Plus que jamais, un ensemble de moyens est donc mis en œuvre pour tenter d’atténuer la perception des populations envers ce qui pourrait être perçu comme des ingérence à la sauce américaine. Le patron d'Africom ne manque pas une occasion de s'en défendre (cf. cet article lors de sa visite à Paris). Un comble pour cet acteur international qui a dédaigné l'Afrique pendant si longtemps, a soutenu les processus d'indépendance avant d'aujourd'hui trouver des intérêts à se trouver sur ce continent.

Billet publié simultanément sur l'Alliance géostratégique.

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