Encore une fois, dire tout haut (càd à la presse) en étant vêtu d'un treillis ce que tout le monde pense tout bas de la situation en Afghanistan peut conduire à prendre le premier vol en direction des États-Unis. C'est donc ce qui est arrivé au général Fuller, relevé de son poste de Deputy Commander for Programs - NATO Training Mission-Afghanistan.
Pour ce responsable de l'allocation des budgets à l'organisme en charge de la montée en puissance des forces armées nationales afghanes, le président afghan était "coupé de la réalité" et poussait un peu trop loin le bouchon en jouant avec les nerfs des responsables militaires et politiques américains.
Ces derniers ne comprennent pas forcément que Karzaï joue aussi sa propre partition, en particulier vis à vis du Pakistan. Si les États-Unis sont appelés à quitter le pays, l'Afghanistan doit dès maintenant faire avec son voisin (en défendant ses propres intérêts, parfois différents de ceux immédiats des Américains). Karzaï, n'étant pas toujours une marionnette.
Viré pour ça ? Pour avoir simplement proclamé la (plutôt une) vérité (celle dominante dans certains cercles), Scandale ! Mais où est la liberté de parole des militaires ? Il y en a marre des militaires simples jouets aux mains des politiques qui doivent bouffer des couleuvres ! C'est dégueulasse ! Puisque personne ne dit ses 4 vérités à Karzaï pourquoi pas lui ? Etc.
Un peu de calme, SVP. Et si le fait de savoir se comporter avec les médias n'étaient pas la moindre des qualités (ou compétences) pour les militaires vraiment modernes ? En particulier pour les têtes d'affiche comme ce général qui faisait parti du top 15 dans la hiérarchie de cet organisme absolument stratégique pour la mission d'afghanisation.
Pas de leçon ici sur l'importance et le pouvoir des médias, en particulier dans l'accomplissement des missions et dans l'atteinte des objectifs militaires comme civils. Évidemment, que cette affaire ne va rien faire pour arranger les relations journalistes / militaires (dédicace spéciale à Ghesquière et Taponier qui eux aussi auraient dû avoir droit à un vol retour vite fait bien fait).
Or, il faut coûte que coûte ne pas voir dans les médias uniquement une menace. Sans employer la vilaine expression de "manipulation nécessaire", il n'est plus possible que les médias ne soient pas vus avant tout en termes d'opportunités. Relais, vecteurs, acteurs, etc. : les termes ne manquent pas pour les qualifier.
Ainsi, par exemple, le fait qu'un général français deux étoiles soit lui aussi depuis le 22 août dans le top 15 de cet organisme sera relayé (à la fois sur les sites officiels, sur lesquels je n'ai rien trouvé) et ailleurs. Seule La Nouvelle République parle de celui qui supervise la formation et l'entraînement de la police afghane. Le coche semble moins raté pour le général de Bavinchove. Et l'affaire Fuller sera mise en perspective, minorée, oubliée ou autres.
Bien sûr que ce renvoi en lui même ne va pas changer militairement le cours de la guerre, ni les relations avec le président Karzaï qui s'est d'ailleurs peu exprimé sur le verdict fait sur son état mental par ce général américain. Si cet événement pouvait néanmoins faire prendre conscience dans le bon sens de certaines choses, il en serait presque utile finalement.
Pour finir, cette nouvelle affaire mettra peut-être un terme à la vision trop simpliste de "la femme du voisin est plus belle que la mienne". Aux États-Unis aussi, la liberté de parole est relative et subordonnée au politique. Qui se souvient, en plus du cas Mc Chrystal, du colonel Sellin qui avait émis des critiques sur la manière de procéder ? (cf. cet article datant un peu).
Donc, évidemment que des progrès sont réalisables pour que les armées françaises deviennent et puissent être une véritable organisation à la fois narrative et apprenante. Mais creusons sans doute un peu avant de prendre en modèle de possibles mirages et des oasis à première vue paradisiaques.
MAJ 1 : Romain Mielcarek d'ActuDéfense publie un article sur : "Liberté d'expression: l'armée reste sur sa réserve".
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