Au-delà des récurrents débats budgétaires et technologiques, le sujet des ressources humaines en nombre et en qualité reste central pour le maintien, la transformation ou l'augmentation d’un modèle d'armée. Puisant sa richesse dans les hommes et les femmes qui constitue la Nation, l’armée de Terre doit répondre année après année à ces objectifs de recrutement et de fidélisation. En 2023, les principaux responsables de l’armée de Terre s’étaient faits l’écho de difficultés de recrutement, pouvant mettre à mal le modèle de forces alors recherché. Qu’en est-il aujourd’hui ? Quelles sont les actuelles marges de manœuvre d’évolution au vu du contexte ?
L'exception française d'objectifs bien tenus, mais une attention à conserver à moyen terme
La crise de début 2023 s’est résorbée selon la Direction des Ressources Humaines de l’armée de Terre (DRHAT), avec un retour à la normale dès fin 2023 sur le rythme mensuel de contrats signés (au-delà de la saisonnalité traditionnelle propre aux recrutements). Via un léger sur-recrutement en 2024, le retard a même été complétement rattrapé. Depuis lors (et ce jusqu’à au moins mi-2025), les objectifs sont atteints. « Une rareté à l’échelle européenne », et une interrogation récurrente pour tous les homologues du chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT) lors de ses échanges. De plus, les causes de ce décrochage conjoncturel ont pu être identifiées, avec un fort effet lié au Covid-19 qui a entraîné une perte de contact entre la chaine de recrutement et toute une classe d’âge : pas de journées défense et citoyenneté (JDC) en présentiel, pas de salons de formation, de stands sur des événements publics, etc. Surtout quand on sait qu’il faut environ 3 ans entre le 1er contact et la signature du contrat, et que c’est par une rencontre physique que tout se joue, même à l’heure de la généralisation du numérique. « Le recrutement, c’est avant tout une rencontre », qu’elle soit familiale, amicale… qui convainc ou qui conforte à pousser la porte, avec « des militaires qui recrutent des militaires ». La personnalité et la formation des personnes agissant dans le domaine sont donc évidemment un vrai sujet, au-delà du fait que tout militaire, actuel ou ancien, est un véritable ambassadeur.
Pour avoir quelques ordres de grandeur, chaque classe d’âge française compte actuellement (et pour encore quelques années) 800.000 jeunes garçons et filles. Le besoin annuel de l’armée de Terre s’établit en moyenne à 15 à 16.000 nouvelles recrues par an (dont 10.500 militaires du rang environ). Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire de toucher environ 300.000 jeunes, ce qui est appelé le vivier de prospection, pour que 60 à 80.000 jeunes prennent contact, le vivier de candidatures, c’est-à-dire poussent la porte d’un organisme de recrutement. Après un processus de sélection (avec des dossiers ouverts, instruits et souscrits), plus de 15.000 jeunes parviennent dans les structures de formation (centres de formation initiale des militaires du rang, écoles…). A l’échelle macro, ce nombre de recrutés par an ne devrait pas connaître d’évolution notable, et ne pourrait sans doute pas en connaître sans forte évolution.