mardi 29 mai 2018

Lecture - "Pilotes de combat" par Nicolas Mingasson (Les Belles Lettres)

KO debout.
Une claque quand la dernière page est refermée.
 
Difficile de décrire ce qui est ressenti à la lecture, prenante, de ce récit "Pilotes de combat" (Les Belles Lettres), différente de bien des récits de guerre. Une centaine de pages immersive, mise en écriture par Nicolas Mingasson, à qui nous devons déjà des ouvrages à découvrir, pour comprendre et ne pas oublier (ceux qui ne sont plus là et ceux qui sont encore là)  comme "Journal d'un soldat français en Afghanistan" sur un sergent du 21ème RIMa en opérations en Afghanistan, ou encore "1929 Jours" sur le deuil des proches de militaires français morts pour la France en Afghanistan.
 
Ce dialogue entre Mathieu Fotius, pilote d'hélicoptère Gazelle de l'Aviation légère de l'armée de Terre (ALAT) au sein du 3ème régiment d'hélicoptères de Combat (Etain) et son chef de bord, Matthieu Gaudin, qui, lui, n'a pas survécu au crash de son hélicoptère en juin 2011 dans une vallée afghane, secoue. Il fait rentrer dans l'intime, sans voyeurisme, dans cette relation si particulière d'équipage, partant en opérations de guerre dans un hélicoptère en limite de puissance qu'il fallait arracher à chaque fois au sol.
 
 
Un bel hommage aux morts, et à ceux qui sont rentrés, vivants, mais définitivement transformés.
 
L'auteur a bien voulu répondre à nos questions sur le pourquoi et le comment d'un ouvrage marquant.

1. Comment s'est faîte cette rencontre avec Mathieu Fotius ? Le désir de raconter est-il venu de lui ou de vous ?

Tout commence par ma rencontre avec Alice Gaudin, épouse de Matthieu Gaudin, alors que je travaillais à l’écriture d’un livre sur le deuil de guerre. Durant la journée que je passais chez elle, Alice me confia son désir que Mathieu Fotius raconte à ses enfants les dernières semaines de leur père dont ils ne connaissaient rien ou si peu. Quant à sa dernière mission, Mathieu était le seul qui pouvait le faire !

Je rencontrais Mathieu quelques semaines plus tard, toujours dans le cadre de mon travail sur le deuil de guerre. Les soldats aussi, et cela est trop souvent oublié, portent aussi le deuil de leurs camarades tués au combat. Lorsque je lui ai parlé du désir qu’Alice m’avait confié qu’il témoigne, il n’a pas fait secret du fait qu’il ne pouvait répondre à cette demande. Il ne se voyait pas raconter les choses face aux enfants de Matthieu Gaudin, ni non plus de l’enregistrer. Quant à écrire, cela ne lui semblait pas être à sa portée.

L’idée de ce projet m’est venue subitement, par un titre. Ce serait "Lettre à tes enfants" ! J’ai vu d’emblée la forme que pourrait prendre ce récit. Ce fut une évidence : il y avait un livre à écrire. Mathieu s’est montré immédiatement enthousiaste, et soulagé. Quelque chose, pour les enfants de Matthieu, allait pouvoir se faire. Il ne nous restait plus que l’accord d’Alice, qui était pour Mathieu une obligation morale. Elle se montra également enthousiaste. 

Au gré de l’écriture, je me suis orienté sur une narration un peu différente, dans laquelle Mathieu s’adressait à son chef de bord disparu et non pas aux enfants de celui-ci. Cela m’a permis de donner une dimension plus universelle à ce récit (ce que nous souhaitions avec mon éditrice) en prenant de la distance vis-à-vis de l’histoire propre de ces deux pilotes de combat, en la personnalisant moins, en tout cas, qu’elle ne l’aurait été si les enfants avaient été les destinataires du récit.