jeudi 27 septembre 2018

Lecture - "Le soldat méconnu - Les Français et leurs armées", par Bénédicte Chéron

Spécialiste des relations armées-société dans une perspective historique, Bénédicte Chéron a publié "Le soldat méconnu - Les Français et leurs armées : état des lieux" chez Armand Colin. Ayant eu le privilège d'être un des modestes relecteurs du manuscrit, je ne vais pas avoir la prétention de donner mon avis, et je vais laisser l'auteur présenter sa thèse à travers ces quelques questions.  
 
1/ Tout d'abord, pourquoi ce titre de "méconnu" et non de "inconnu" pour les soldats français ?

Le soldat inconnu renvoie évidemment dans notre imaginaire collectif à celui de la Grande Guerre, dont la dépouille a acquis un statut particulier lorsqu’elle a trouvé place sous l’Arc de Triomphe à Paris. L’identité de ce soldat n’était pas connue, mais ce qu’avait vécu ce soldat, et avec lui tous ceux qui ont porté les armes pour leur pays entre 1914 et 1918, ne souffrait d’aucune ignorance de la part de l’ensemble des Français, hélas. Cent ans plus tard, le lien entre les Français et leurs armées a considérablement évolué et presque changé de nature : le lien charnel est devenu un lien intellectuel et culturel. Les Français connaissent leurs soldats mais ils sont les héritiers de tous les malentendus accumulés au fil des représentations médiatiques et culturels des conflits d’un XXe siècle inauguré par le traumatisme collectif de la Grande Guerre. La défaite de 1940, la guerre d’Algérie sont autant de moments douloureux; les récits de l’engagement pour le service de la nation par les armes en ressortent marqués durablement. Le soldat français, appelé ou engagé volontaire, n’est plus considéré que comme une victime ou un bourreau; les ressorts propres de l’exercice de la liberté et de l’intelligence au combat sont effacés de l’imaginaire collectif français. La professionnalisation n’est pas venue clarifier cette identité des armées aux yeux des Français, au contraire. Le sens de l’engagement militaire n’a pas été réaffirmé par ceux, civils ou militaires, qui ont œuvré aux réformes profondes qui ont marqué les armées des années 1990 au début des années 2000. Il a achevé d’être dilué par bien des représentations, dont les campagnes de recrutement ont probablement été un des signes les plus visibles. Et les coupes budgétaires drastiques ont fini par transformer les armées en une entité qui inspire beaucoup de pitié et de compassion.
 

2/ Après des années de valses, l'Afghanistan post 2008 ou encore le Mali, et l'emphase actuelle mise à la fois sur "la singularité positive" militaire par le CEMA ou "l'esprit guerrier" par le CEMAT, ne marquent-ils pas une tentative de solidification de la raison d'être des militaires ?

Il y a une volonté très nette du réaffirmer le sens de l’engagement militaire, dans un moment où il n’y a guère de doute sur le fait que cette clarification ne virera pas à une exaltation belliciste ou à une esthétisation malsaine de l’acte combattant pour lui-même. Cette clarification s’impose aussi dans un moment où la préoccupation de la manière dont les militaires perçoivent leur propre place au sein de la société est l’objet d’une attention accrue en raison des défis du recrutement et de la fidélisation. Ces chefs militaires n’opèrent pas réellement une révolution : au sein des armées, certains de leurs prédécesseurs des vingt dernières années faisaient déjà le constat d’une nécessité de clarifier aux yeux de leurs concitoyens quelle pouvait être l’identité des armées mais ils œuvraient dans un contexte différent; l’actuel contexte rend évidemment ces initiatives plus audibles. Par ailleurs, il faut avoir conscience des évolutions lentes qui ont aussi permis que la parole des chefs militaires, dans le respect strict de leurs prérogatives, puisse avoir une place plus importante dans l’espace public. Malgré l’épisode emblématique de la démission du général de Villiers, signe que des crispations demeurent, on constate dans la durée que cette parole publique a acquis, à force de petits pas, une place mieux admise. Il ne faudrait pas cependant que les clarifications sémantiques très nettes que font les chefs militaires actuels virent au refrain "hors sol" et sonnent creux aux yeux de beaucoup de Français voire éveillent des sentiments indignés. C’est un risque à prendre en compte alors que ces mots sont en grand décalage par rapport aux représentations collectives du fait militaire qui se sont élaborées pendant plusieurs décennies.

lundi 24 septembre 2018

Exposition - "Armes savantes" à Versailles (jusqu’au 9 décembre)

Découvrir ou redécouvrir que Versailles accueillait dans les années 30 l’Ecole Militaire de l’Air, bien avant Salons-de-Provence.

Qu’une Ecole du Chemin de Fer, à vocation militaire, y était installé à la fin du 19ème siècle.
 
Que plus d’un modèle du système Gribeauval, matériel genèse de la standardisation industrielle, sera testé au 18ème siècle non loin du Château de Versailles sur les champs de tirs attenants.
 
Que, comme aujourd’hui, des délégations officielles parfois exotiques se pressent sur le plateau de Satory pour découvrir les dernières innovations produites par l’industrie de Défense française, comme ce rare officier japonais venu avant la 1ère Guerre mondiale découvrir le canon de 75 mm modèle 1897 et son avant-train servant à tracter le canon et recevoir les caisses à munitions. 
 
Qu’avant son entrée en service notamment sur VBCI, plus d’un personnel de la STAT (Section technique de l’armée de Terre) se souvient des résidus dorés laissés sur ses vêtements par les tirs de fumigènes des systèmes GALLIX. 

 

Que la STAT (Section technique de l'armée de Terre) avec le développement en 2016 et 2017 d'un ballon léger de soutien expérimental pour la surveillance depuis l'altitude s'est inscrite dans une longue tradition d'expérimentation de ballons captifs au sein de compagnies de Génie au 19è.

Qu’en 1921, le Grand Prix interallié du Championnat de Tanks, on dirait aujourd’hui l’European Tank Challenge, se déroulait non pas en Allemagne, mais sur le plateau de Satory.

 
Que le PAPOP de GIAT Industries, prototype pour "Polyarme-polyprojectile" - pesait 18kg, et a été, heureusement pour les avant-bras des combattants d’aujourd’hui, abandonné.

 
Que pour les besoins de la réflexion, des prototypes de véhicules parfois très innovants sont étudiés, avant de parvenir à des produits finaux plus "prudents"... Il n'y aura pas de lance-drones sur les chars Leclerc modernisés...
 
 

mercredi 19 septembre 2018

Blogs - Des plus ou moins petits nouveaux à suivre (n°2) (+MAJ)

Après un premier épisode il y a un peu plus d'un an, la suite de mes pérégrinations à l'écoute de l'émergence de blogs d'intérêts... Ne surtout pas hésiter à signaler en commentaires vos propres découvertes ou si je suis passé à côté du vôtre.
 
Sécurité aérienne et peur en avion. Par Xavier Tytelman. Dire qu'il est nouveau serait un outrage au travail réalisé par cet auteur pour nous éclairer sur les questions de sécurité aérienne, rendre compréhensible les points techniques et s'attaquer à quelques mythes aéronautiques.
 
Du tungstène dans la tête. Les questions défense et aéronautique. Avec quelques considérations bien senties sur les questions d'innovation ou de restructuration du secteur de l'aéronautique, et notamment des équipementiers.
 
Red Samovar. Du très costaud dès qu'un billet sort sur les questions russes, notamment sous l'angle des équipements. Le boulon à 6 pans fabriqué en Russie n'aura plus de secret pour vous, mais, sans doute plus intéressant, la culture stratégique de tous ces choix capacitaires non plus !
 
The restless technophile. Questions techniques et futur(s) possibles en Anglais par le déjà tenancier francophone d'un blog à suivre sur les satellites SatelliteObservation. Histoire de suivre les sujets espace, réseaux et autres bits.
 
Tenue 31. là aussi pas vraiment ce qu'il est possible de définir comme un nouveau, mais un musée en ligne enrichi en permanence sur les officiers français durant une période un peu "oubliée", celle allant de 120 à 1940. Nous y reviendrons.

Analyse défense. Une partie "abonnés" et une partie, fournie, en libre accès pour des publications à un rythme (très) soutenu sur les grandes questions stratégiques, et notamment celles liées aux enjeux industrielles et technologiques.
 
Dans la catégorie "blogs et portails tenus par de brillants étudiants ou récents diplômés", à noter :
  • Nemrod, cercle de réflexion d'étudiants-chercheurs lié à l'Université Paris-Sorbonne, avec une imposante équipe permettant de traiter un vaste panorama sectorielle et géographique ;
  • Effet majeur, entre questions Afrique et sujets de défense ;
  • Relations internationales et Défense, tout est dans le titre ;
  • Mercoeur, association d'étudiants pour partager des analyses et articles traitant d’enjeux sécuritaires internationaux : routes, destinations exotiques et détroits au programme.