lundi 31 mai 2010

10 millions de $ le milicien et 1600 $ le régulier

Suite à la guerre de Juillet entre les forces de défense israéliennes et le Hezbollah libanais, le colonel Michel Goya avait mis en exergue l’essoufflement, au moins économique, du modèle occidental de guerre limitée de haute technologie. Il avait calculé que la mort d’un milicien revenait à 10 million de dollars. Tout en obtenant des résultats limités : le Parti de Dieu n’est en rien moribond et il ne sera pas désarmé par le gouvernement libanais.

Les coûts globaux de la guerre menées par une coalition multinationale sont difficiles à calculer. Des estimations sont trouvables dans les rapports d’instances gouvernementales de chaque nation contributrice (ex ici). Une association de contribuables américains, qui milite pour une meilleure répartition du budget, a aussi mis en place un compteur permanent sur le coût de la guerre en Afghanistan. Chacun jugeant des résultats obtenus grâce à ces dépenses…

Des informations obtenues par le renseignement donnent des approximations sur les dépenses adverses. Le colonel Durieux expliquait que dans sa zone de responsabilité la prime de participation à un combat était de 200$ (à comparer avec un salaire mensuel d’environ 100 $) et la destruction prouvée d’un véhicule rapportait 2000$. Plus à l’Est dans la province de Khost, la mort d’un militaire rapporte 1660$ et la capture d’un équipement 1000$.

Une AK-47, arme de base de l’insurgé afghan, s’achète aujourd’hui pour environ 600$. Les prix sont en hausse (150$ début 2009) car les ressources se raréfient et la demande explose. Un IED coûte 10$ pièce pour les basiques et 300$ pour les sophistiqués. Les réserves monétaires ne manquent pas : péages sur les routes, impôts levés la nuit, dons circulant par le système informel de paiement Hawala, et pour environ 15%, de l’argent de la drogue.

Il faut relever que la traditionnelle offensive estivale des Taliban, appelée opération Al-Faath, a débuté plus tôt en 2010 car la récolte du pavot a été terminée fin avril (du fait d’un hiver clément). Si les Taliban ne sont pas en soit des producteurs, ils s’occupent de la protection des ateliers, des champs, du transport et prélèvent donc en échange des taxes leur permettant de payer les insurgés occasionnels (« foot soldiers ») et les permanents.

Cette comparaison limitée et incomplète entre le coût occidental de la guerre et les sommes dépensées par les adversaires est saisissante relevant à la fois l’asymétrie globale des moyens, des coûts et in fine des effets…

jeudi 27 mai 2010

Une journaliste observe les Français de haut en Afgha


La première journaliste américaine a avoir volé dans un avion de combat durant une mission d'appui feu, l'a été au dessus de la Kapisa, la plus petite région de l'Afghanistan faisant partie de la zone de responsabilité française.

Après deux mois de préparation et des vols préalables aux États-unis, Martha Raddatz a décollé de Bagram à bord d'un F-15E Strike Eagle pour assurer l'appui-feu et l'observation aérienne lors d'une récente opération menée par 600 militaires français de la Task Force La Fayette.

Dans l'article et dans la vidéo, tout y est : les heures en hippodrome à cercler en l'air, les opérations de ravitaillement, l'appel (dans un excellent anglais...) du contrôleur aérien avancé pris à partie, les discussions sur la pertinence d'utiliser une bombe à proximité d'une école, etc.

C'est de "l'embedded" inédit.

La recherche opérationnelle : késako ?

Généralement peu connue, si ce n’est même pas du tout, « la recherche opérationnelle » est un outil précieux depuis le lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour aider les armées à faire face à des problèmes complexes.

Pour la définir, c’est l’application de méthodes de raisonnement scientifique, généralement mathématiques et informatique, aux opérations. C'est un outil d’aide à la décision par la modélisation et l’optimisation.

mercredi 26 mai 2010

L'ISAF et les hélicos du Pacte de Varsovie

Un militaire américain aux commandes de matériel soviétique, Impensable il y a encore quelques années, et pourtant… L’Histoire réserve de sacrés surprises!

Encore une fois, les services de la communication stratégique de l’ISAF font de réels efforts pour délivrer des informations inédites et croustillantes à même d’interpeller et d’intéresser les opinions publiques (il est vrai, surtout les « fanas-mili »).

Ainsi, le service de presse de NTM-A (NATO Training Mission-Afghanistan) chargé de mettre en avant les efforts de mise à niveau opérationnel des forces nationales de sécurité afghanes n’a pas dérogé à cette nécessité.

Le Major Caleb Nimmo de l’US Air Force a été ce mois ci le premier américain a piloté un hélicoptère d’attaque russe Mi-35 au combat. Il est un des conseillers américains, avec des Tchèques et des Hongrois. auprès de la nouvelle armée de l’Air afghane.

La flotte d’hélicoptères afghans se compose de neuf Mi-35, version export du Mi-24, hélicoptère d’appui-feu connu sous le nom de Hind, ainsi que de vingt-cinq hélicoptères de transport Mi-17 capables de transporter une trentaine de personnels.

Le Mi-24, construit durant les années 70, était le fer de lance du Pacte de Varsovie pour détruire en meutes les concentrations de blindés de l’OTAN. Il a en fait surtout servi en Afghanistan de 79 à 89, gagnant le surnom de « char du diable ». Les tactiques de l'époque étant aujourd'hui scrupuleusement étudiées.

Il est prévu de faire passer le nombre de personnels de 3 000 actuellement à 8 000 en 2016 et d’atteindre les 150 appareils en état de vol. C'est un vaste chantier, l'armée de l'Air afghane ayant était entièrement détruite en 2001.

Elle est d’une importance opérationnelle cruciale. Elle doit à terme prendre le relais des colossaux moyens aériens de la coalition qui assurent, par exemple, plus de 12 000 missions d'appui feu par an, même si ce chiffre baisse avec les directives du général Mc Chrystal.

jeudi 20 mai 2010

Le retour des « tankers without tanks »

Surchauffe économique et humaine en vue de l’autre côté de la Manche car il y a des signes qui ne trompent pas… Herrick (l’opération britannique en Afghanistan) ressemble de plus en plus aux dernières années de Telic (l'opération britannique en Irak).

Alors que forces terrestres britanniques tournent selon des mandats de six mois, les ressources en hommes disponibles commencent à manquer. Prélever deux fois par an environ 9 500 hommes n’est pas chose aisée. D’autant plus que la mission dans la poudrière du sud afghan est exigeante et usante.


Dorénavant, des régiments blindés sont envoyés en Afghanistan pour servir comme fantassins afin de parvenir au nombre adéquat de « boots on the ground ». Ainsi actuellement, les escadrons du Royal Dragoon Guards ont quitté leurs montures habituelles, le char lourd de combat Challenger 2, et crapahutent à pieds dans le Helmand.

Sur les quatre escadrons projetés, deux sont sur différentes versions du MRAP Mastiff, le troisème sur Viking et le dernier est en charge de former la police afghane. Ils agissent comme de l’infanterie motorisée apte à débarquer de leurs véhicules tandis que grâce à leurs armements de bord, ces derniers sont capables de les appuyer.

Que des régiments de cavalerie opèrent démontées (c'est-à-dire sans leurs matériels d’origine) est une nouveauté en Afghanistan. C’est le signe d’un épuisement de la ressource en combattants débarqués alors que déjà certains spécialistes (snipers, transmetteurs, démineurs, etc.) en sont déjà à leur troisième tour en Afghanistan.

La protection de la population passe par des patrouilles à pieds à son contact, et parfois à celui de l’adversaire. Employer des cavaliers, nécessite de faire effort pendant la phase d'entraînement de pré-déploiement sur les actes fondamentaux de tous militaires : le « Every Marines is a rifleman » du Corps des Marines.

Plus proche que la cavalerie ou l’artillerie française durant la guerre d’Algérie, les Américains ont déjà grandement pratiqué cet arrangement, en particulier en Irak. Armor magazine, la revue officielle de la cavalerie américaine, se fait écho de l’emploi des unités de cavalerie en contre-insurrection, du char en zone urbaine mais aussi de l'escadron de fantassins.

Pour l'anecdote, le Royal Dragoon Guards est réputé pour être l'auteur d'une vidéo lorsqu'il était en Irak... En quelque sorte, être à l'avant garde de l'incontournable buzz en Afghanistan : Lady Gaga par les GI's.

lundi 17 mai 2010

Du futur nouveau concept stratégique de l’OTAN

En attendant l’analyse souhaitée de l’expert ès OTAN Olivier Kempf.

Depuis le premier concept stratégique élaboré lors de la création de l’OTAN, deux autres ont été publiés. Celui de 1991 prône, entre autres, l’élargissement de la zone de défense collective suite à la chute du Mur. Celui de 1999 rédigé dans le contexte du déchirement yougoslave met en avant la gestion de crises, les avancées de l’Union européenne, l’élargissement du nombre de membres et le statut des États non-membres.


Voulu depuis le sommet de Strasbourg-Kehl d’avril 2009, le quatrième doit être adopté au sommet de Lisbonne fin 2010. Il doit prendre en compte des bouleversements géopolitiques et sécuritaires apparus depuis les attentats du 11 septembre 2001, en particulier le fait que l’OTAN est fixé en Afghanistan et que les élargissements ont porté le nombre de membres à 28. Ne devant pas s’arrêter au conjoncturel, il doit courir jusqu’en 2020.

Une commission de 12 membres a été désignée afin d’aider à la rédaction de ce concept stratégique en organisant des séminaires d’échanges, consultant des experts et en rendant des comptes-rendus d’étape. Ce Groupe d’experts, présidé par Madeleine Albright, a remis aujourd’hui son analyse et ses recommandations. Voici quelques une des conclusions, qui seront suivies ou non lors de la rédaction.

La tendance n’est pas au recentrage sur le cœur de métier : une alliance militaire de défense de la zone euro-atlantique face à des menaces de type conventionnel. S’il est maintenu, il est aussi élargi :
« L’OTAN doit être suffisamment polyvalente et efficace pour mener des opérations loin de son territoire ».
« L’OTAN doit être prête à garantir la sécurité de tous ses pays membres face à la gamme complète des menaces pouvant peser sur eux ».
Ainsi, serait pris en compte le non-conventionnel comme le terrorisme, les attaques cybernétiques, la piraterie, etc. En plus, il est recommandé d'élever la défense anti-missile au rang de nouvelle mission d’importance. Il en est de même pour la formation de militaires et de policiers à travers l'assistance militaire. Finalement, l’OTAN veut garder une plus-value dans ces domaines, ce qui suffit à assurer sa pérennité par utilité.

La réforme administrative est abordée pour des raisons budgétaires mais aussi de processus décisionnel qui aujourd’hui repose sur le consensus. Une dérogation à ce principe du consensus pourra être obtenu dans certains cas (après vote du Conseil). De même, la délégation de pouvoirs exécutifs pour réagir à certaines situations d’urgence (attaque de missile ou une cyberattaque) est souhaitée.

Des recommandations spécifiques sont faites vis-à-vis des partenaires possibles. Avec l’UE post-Traité de Lisbonne, la distinction UE = gestion de crises et OTAN = opérations dures n’est plus d’actualité. L’ouverture d’un bureau de liaison à l’ONU est envisagé. Vis-à-vis de l’OSCE, de la Russie, de la zone Moyen-Orient/Méditerranée, pour la Géorgie et l’Ukraine dans le cadre du maintien de « la porte ouverte », de nouvelles relations sont à envisager.

Il est noté la nécessité de renouveler la cohésion (des états-membres ayant des droits mais aussi des devoirs) et aussi d’expliquer le rôle de l’OTAN auprès de l’opinion publique afin de ne pas perdre son soutien, élément de légitimité lors d’opérations, en particulier lointaines, mais aussi le soutien financier nécessaire aux missions. Un effort pédagogique intéressé, car utile à l’égard des nouveaux partenaires rendus incontournables devant l’ampleur des tâches.

vendredi 14 mai 2010

Réflexions d’officiers

Les officiers supérieurs français de passage en centres de formation réfléchissent (premier bon point), publient (deuxième bon point) et le fruit de leurs réflexions est même disponible librement sur internet (troisième bon point).

Ainsi, les cahiers de l’EMS (pour Enseignement militaire supérieur) sont dorénavant disponibles en ligne. Ce sont les comptes-rendus de réflexions de groupe menées conjointement par les officiers du Collège interarmées de défense (CID et ex-École de guerre réformée) et du Centre des hautes études de la défense (CHEM et berceau des futurs généraux). Ils traitent des grands enjeux actuels du monde de la défense et de la stratégie.

Le numéro 1 de mars 2010 traite du « Rôle des armées : le recentrage sur le cœur de métier ? » et des « Pertinences des structures de pilotage interarmées ».

Le numéro 2 d’avril 2010 traite de la « Rupture financière : la fin d’un outil militaire complet » et des « Nouveaux engagements et privatisation : jusqu’où aller ? ».

Comme les sujets l’indiquent, et comme la lecture des propos le confirme, les préoccupations stratégiques de la partie haute de la pyramide militaire tournent autour de l’impact des réformes, de l'avenir des restructurations et des capacités permises avec des moyens financiers comptés ou remis en cause. L’heure d’une armée capable de tout faire semble belle et bien révolue. Il est donc plus que temps de réfléchir sur ce qui peut être externalisé de ce qui doit être conservé, de faire des choix qu’il ne faudra pas regretter à terme.

Billet publié automatiquement en raison d’une courte période d’absence.

mercredi 12 mai 2010

Actes du colloque : "Des armes et des coeurs"

Les actes du colloque intitulé « Des armes et des cœurs : les paradoxes des guerres d’aujourd’hui » sont téléchargeables sur internet. Cette manifestation était organisée en novembre 2009 par le Centre de Doctrine d’Emploi des Forces (CDEF). Ils bénéficient de plus d'une nouvelle maquette...

Parmi l’ensemble des contributions présentées, on notera particulièrement :
  • Le témoignage du Colonel CHATELUS qui a commandé début 2009 en Afghanistan un Groupement Tactique InterArmes (GTIA). Il rend compte des procédés tactiques mis en place dans sa zone de responsabilité, en particulier la vallée d'Uzbeen. Un trop rare exemple français rendu public qui montre que la "french touch" n'est pas encore totalement morte sous l'avalanche des procédures OTAN.
  • La vision de Madame Sarah Chayes qui a été une conseillère du général McChrystal lors de la rédaction de sa célèbre "Evaluation intiale" et qui vit depuis plusieurs années à Kandahar. Vous savez la ville dans le sud de l'Afghanistan entièrement tenue par les Taliban authentiques et qui est au cœur actuellement d’une vaste opération de contrôle de zone menée par la coalition.
Pour mémoire, j’avais rédigé à l'époque un rapide compte-rendu des débats : "Des armes et des cœurs".

mardi 11 mai 2010

L'Oncle Sam en treillis en Afrique

Si le relooking de la Françafrique, la nouvelle explosive Chinafrique et l’éternel partage des restes entre d’autres puissances concentrent l’attention des observateurs, les États-Unis essayent eux aussi de se faire une place sous le soleil africain. Comparativement à d’autres zones d'influence, cela se fait plus discrètement, en particulier à travers les actions préventives plus que curatives menées par le encore très récent US Africa Command ou Africom.

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1. Du dédain à la psychose anti-terroriste

Du fait de la présence de ressources naturelles, en particulier énergétiques, de territoires en guerre et/ou non contrôlés, offrant des sanctuaires à des groupes terroristes ou criminelles, et de la compétition économique qui s’y joue, l’intérêt des États-Unis pour l’Afrique est grandissant. Il est d'ailleurs défini comme « une priorité haute » depuis le document stratégique officiel intitulé The National Security Strategy of the United States de 2006. Mais, les États-Unis partent de loin.

Pour ne remonter qu’à l’après Seconde Guerre mondiale, c’est seulement en 1958 qu’est créé le poste de secrétaire d’État adjoint aux Affaires africaines. Il se fera aussitôt le défenseur du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » lors des vagues d’indépendances. Ayant plus de poids dans les années suivantes, il mettra en œuvre la politique antisoviétique appliquée à l’Afrique qui conduit Washington à aider les opposants aux régimes soutenus par Cuba ou Moscou (comme en Angola).

S’élabore ensuite une première politique proprement africaine dont l’interventionnisme militaire et humanitaire tourne au fiasco en Somalie en 1993. Des attentats en 1998 contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie jusqu’à aujourd’hui, en passant par la « Global War on Terror » bushienne, l’Afrique est au cœur des préoccupations stratégiques américaines. C’est particulièrement vrai en termes de sécurisation des voies maritimes, de lutte contre les groupes terroristes et de réponse aux crises humanitaires majeures (en particulier contre l'épidémie du VIH).

2. Africom, un petit nouveau

Longuement débattue depuis les années 1990, la création d'un sixième commandement unifié (ou Unified Combattant Command) ayant des responsabilités géographiques est annoncée le 6 février 2007 par le président Bush fils. Africom couvre l’ensemble du continent africain, zone auparavant partagée entre CENTCOM (qui conserve néanmoins l’Égypte), PACOM et EUCOM. Il est déclaré opérationnel le 1er octobre 2008 et est confié au général William E. "Kip" Ward, tout un symbole.

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Son objectif est de :

« Promouvoir les objectifs stratégiques américains en travaillant avec les états et les organisations régionales africaines pour aider au renforcement de la sécurité et de la stabilité régionale à travers l’amélioration des capacités locales de sécurité et la professionnalisation militaire ».

Attendant toujours un état africain d’accueil, Africom est stationné jusqu’à l’année 2012 à Stuttgart en Allemagne. Obligeant les personnels à d'incessants allers-retours. En effet, les pays d'accueil ne se bousculent pas, peu pressés d’accueillir sur leur sol un allié envahissant car pouvant attirer des groupes terroristes luttant contre la présence américaine.

3. Essayer une autre manière de procéder

Africom fonctionne de manière différente des autres commandements régionaux, par nécessité et par contrainte.

La Combined Joint Task Force - Horn of Africa (ou CJTF-HOA) forte d'environ 1.800 hommes est l’unique force permanente d’Africom. Située à Djibouti, non loin de la base française, son installation a d'ailleurs eu pour conséquence de faire augmenter le prix de location du m², obligeant la France à mettre la main au portefeuille... Des contingents de circonstance sont placés sous le commandement d'Africom selon les missions. De plus, des accords donnant des facilités de transit et de stationnement ont été signés avec différents états africains garantissant finalement une empreinte au sol particulièrement légère. Une gestion à distance donc.

En plus, Africom joue un rôle pilote en travaillant à une coordination poussée entre différents départements et agences américaines. Pour surtout prévenir (phase 0 des opérations dans la doctrine américaine) mais aussi répondre aux crises (phases 1, 2 et 3 selon l'intensité), Africom développe une approche civilo-militaire intégrée (Dod, DoS et USAid). Ainsi, la part des civils n’appartenant pas à la Défense doit être supérieure au quart des effectifs totaux. Mais aujourd’hui dans les faits, c’est loin d’être atteint. Entre autres raisons, la montée en puissance de ce commandement est en cours et les difficultés administratives pour placer des civils hors-défense sous commandement militaire ne sont pas toutes levées. Éternel problème rencontré aussi en Irak ou en Afghanistan...

Très actif dans la prévention des crises par le renforcement des capacités locales, Africom pilote de nombreux programmes, certains se recoupant avec d'autres initiatives françaises ou européennes. Des formations et des exercices bilatéraux ou multinationaux fréquents (comme l’exercice Flintlock) sont organisés. Des US Marines de la CJTF – HOA ont formé des contingents ougandais en charge du maintien de la paix au Soudan sous le mandat de l’Union africaine (mission AMISOM). Peu éloigné du concept français RECAMP, l'African Contingency Operations Training and Assistance Program (ACOTA) vise à doter l’Afrique de forces de maintien de paix crédibles.

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D’autres programmes d’entraînement sont à la charge des Forces spéciales de l’US Army, en particulier les 3rd et 10th Special Forces Groups qui opèrent au Mali (cf. cet article très documenté), au Tchad et en Mauritanie depuis les années 90. Ces entraînements s'intègrent dans la Pan-Sahel Initiative, permettant une lutte contre-terroriste (en particulier contre Al Qaida au Maghreb Islamique ou AQMI) par une meilleure sécurité des frontières en Afrique de l’Ouest. Il est couplé au Trans Sahara Counter-Terrorism Partnership. C'est l'un des deux volets africains de l’opération Enduring Freedom, en plus des opérations conduites dans la Corne de l'Afrique. Ce sont les missions les plus coercitives de l'Africom et elles se traduisent par des bombardements de camps de terroristes ainsi que des raids d'élimination de chefs menés par les forces spéciales.

Conclusion

Bien conscient que le maniement délicat de la carotte et du bâton auquel s'adonne Africom est souvent complexe à comprendre par les populations locales, le commandement développe un réseau de supports pour des opérations d'information. En plus de coupler cela à une diplomatie de terrain active par d'incessantes visites chez les partenaires (en particulier les organisations régionales africaines : UA mais aussi CEDEAO ou SADC). Ainsi, le site d'informations Magharebia est employé, entre autres, pour contrer la propagande de certains mouvements terroristes. C'est seulement à la lecture de l'onglet "Qui sommes nous" que l'auteur du site, l'Africom, se dévoile.

Plus que jamais, un ensemble de moyens est donc mis en œuvre pour tenter d’atténuer la perception des populations envers ce qui pourrait être perçu comme des ingérence à la sauce américaine. Le patron d'Africom ne manque pas une occasion de s'en défendre (cf. cet article lors de sa visite à Paris). Un comble pour cet acteur international qui a dédaigné l'Afrique pendant si longtemps, a soutenu les processus d'indépendance avant d'aujourd'hui trouver des intérêts à se trouver sur ce continent.

Billet publié simultanément sur l'Alliance géostratégique.

vendredi 7 mai 2010

La coalition monte sur le ring

Dans un précédent billet, je dissertais sur les conséquences du retrait des forces de la coalition d'une vallée. Je concluais que la FIAS perdait effectivement la face en donnant un signe de faiblesse aux insurgés et aux populations mais qu’à terme elle pouvait frapper les esprits en gagnant l’initiative dans certaines zones, puis en consolidant ces avancées.

Avec des moyens limités et dans un pays aussi vaste, la FIAS ne peut être présente partout. L’équipe de McChrystal a donc choisi d’agir prioritairement sur certains districts fortement peuplées, contrôlées ou revendiquées par les insurgés. Pour mémoire, l’Afghanistan est divisé administrativement en 34 provinces, sous-divisées ensuite en 398 districts.

Il a donc été défini un premier groupe de 80 districts prioritaires, d’autres groupes étant planifiés pour les mois à venir. C’est un effort louable d’unité de commandement car il existait avant une multiplicité de zones prioritaires selon les acteurs (UNAMA, USAID, NTM-A, etc.) avec les « Focus areas », « Action districts », etc.

L’idée est fondée sur un processus bottom-up (de bas en haut, différente de l’approche descendante ou top-down), où chaque élément de base s’additionnant structure l’édifice final. C’est donc la volonté de transposer au théâtre le principe d’une pacification progressive, la célèbre tâche d’huile du maréchal Lyautey (cf. aussi sur Ultima ratio).

Ces districts sont surtout situés le long des cours d’eaux (le fleuve Helmand, la rivière Kaboul) ainsi que le long de la Highway 1, route connue sous le nom de « Ring ». Ayant la forme d’un anneau, elle passe par les grandes villes du pays (Mazar-i-Sharif, Kaboul, Kandahar et Hérat) et 2/3 de la population vit à moins de 45 kilomètres de cet axe.

Débutée durant les années 60, la construction du Ring n’est toujours pas terminée (en particulier à l'Ouest), malgré le goudronnage financé par des banques asiatiques et des pays arabes. Cordon ombilical pour la logistique militaire et le commerce local, cette route a aujourd’hui une importance régionale en permettant l’accès aux républiques d’Asie Centrale.

Cette phase peut ressembler au modèle d’occupation soviétique : troupes bunkérisées dans des postes le long des routes, définition d’un « Afghanistan utile » et forces spéciales Spetnaz dans les montagnes. Mais la FIAS ne tente pas seulement de gagner la bataille de la RC 4 locale (en mémoire de combats en Indochine à la fin de l’année 1950).

Si le Ring est un élément structurant permettant d’atteindre une continuité géographique, tenir cette portion de territoire n’est qu’une première phase. Les districts prioritaires doivent en effet servir de vitrine. C’est inverser le « momentum », terme financier indiquant la tendance de la bourse et aujourd’hui largement employé pour définir l’élan recherché.

jeudi 6 mai 2010

Les guerres hybrides servent à faire parler les grands garçons !

J'attire l'attention sur la tenue de débats forts intéressants au sujet des "guerres hybrides" sur le blog Ultima ratio des chercheurs "Sécurité/Défense" de l'IFRI.

On y parle de Clausewitz, d'Afghanistan, du conflit au Liban en 2006, du visage de la guerre du futur, de construction conceptuel, de luttes institutionnelles, de systèmes de forces, etc. Bref, des sujets variés et étudiés de manière pas si brouillonne que cela!

Quelques références :

- L'étude fondatrice sans qui rien ne serait arrivé : "Conflict in the 21st century : the rise of hybrid wars" par Franck G. Hoffman
- Un article sans prétention du tenancier sur ces problématiques : "Gagner cette guerre sans perdre la prochaine" par Florent de Saint Victor.
- Une réponse possible à ces affrontements bizarres : "Les opérations distribuées, clé de la lutte contre une techno-guérilla?" par Joseph Henrotin.
- La vision australienne de ces opérations distribuées : "Distributed manoeuvre : 21st century offensive tactics" par Justin Kelly et Mike Brennan.

mercredi 5 mai 2010

Un conflit à « bas bruit », c’est finalement bien pratique

De l’intérêt d’avoir une communication stratégique française au sujet de l’Afghanistan quasi nulle. Nulle par son inexistence et non par sa qualité, quoique...

Fait révélé dans l’évaluation initiale du général Mc Chrystal parue fin août, la communication stratégique est l’une des quatre lignes d’opérations de la coalition (plus ou moins des axes d’effort structurants), en plus de la sécurité, la gouvernance et le développement.

Alors que la coalition est discréditée par les offensives informationnelles insurgées, la communication stratégique vise à renforcer la perception positive de la population vis-à-vis du gouvernement afghan, promouvoir la crédibilité des forces de sécurité afghanes, etc.

Elle s’inscrit aussi dans une bataille des perceptions ayant des ramifications nationales. Les gouvernements et les populations de la coalition sont des récepteurs visés afin de « maintenir et accroitre le soutien public et international des buts et politiques de la FIAS ».

Elle est donc la déclinaison d’une volonté politique nationale, très limitée en France. L’opération est menée « à bas bruit ». Alors que la population ne s’y intéresse pas (prises par d’autres préoccupations : chômage, logement, etc.), rien n’est fait pour qu’elle s’y intéresse.

Cette absence de communication stratégique fait certainement partie intégrante d’un jeu d’équilibre pour garantir une marge de manœuvre vis-à-vis de différents alliés. Jugez plutôt les résultats obtenus face à la récente offensive de charme venue d’Outre-Atlantique.

Le 22 mars, le Lieutenant-Général Caldwell, en charge de la formation des forces de sécurité afghanes est discrètement à Paris. Il présente les mesures pour faire passer l’armée de 107 000 hommes en mars 2010 à 171 000 en octobre 2011, et de la police de 99 000 à 134 000.

Le 30 mars, le site Wikileaks publie ce qui est présenté comme un rapport de la CIA. Il y est recommandé de culpabiliser les Français, de mettre en avant Obama et la défense des droits de la femme pour que l’opinion encaisse les demandes de renforts et les probables pertes.

Après une visite chez la TF La Fayette fin mars, le général Mc Chrystal est à Paris le 15 avril. Ce communicant fait son show devant un amphi ouvert à moitié. En plus de redire son admiration pour le travail effectué par les Français, il s’élève contre l’emploi abusif de contractors.

La France est très engagée dans la montée en puissance des forces de sécurité afghanes avec plus de 10% de ses effectifs (OMLT, POMLT, Épidote, etc.). Or, il manque entre 1 000 et 1 500 formateurs. Des contractors comblent les trous si la coalition ne fournit pas les effectifs.

Mais, Paris n’a pas bronché s’appuyant à la fois sur les efforts déjà faits (80 « non-combattants » supplémentaires promis à Londres en janvier 2010) et une opinion publique défavorable à cet engagement (à 64% selon un sondage IFOP/Le Figaro d’août 2009).

Et finalement, l’opération en Afghanistan n’en est que plus encore une affaire uniquement américaine avec l’envoi temporaire de 850 formateurs. En attendant d’hypothétique renforts venant d’autres membres de la coalition…

lundi 3 mai 2010

Un nouveau blog : Chroniques méso-asiennes

Cela ne s'arrête pas dans la communauté géostratégique...

Je signale l’arrivée toute récente d’un petit nouveau plein d'avenir. Il s’agit de Chroniques méso-asiennes, tenu par un ancien étudiant de Sciences-po Bordeaux, stagiaire au long cours au Centre de Doctrine et d’Emploi des Forces et aujourd’hui en apprentissage intensif du russe à Saint-Pétersbourg.

Il comble un vide de la blogosphère géostratégique en traitant principalement des problématiques de l’Asie centrale, en particulier sur le plan de la gestion des ressources et des questions logistiques. Avec, cerise sur le gâteau, une vision nourrie des analyses lues depuis la Russie où il se trouve!

De plus, il est déjà connu de certains lecteurs pour avoir publié plusieurs études (on retiendra le Hezbollah face aux forces armées conventionnelles et le best-seller de Galula à Petraeus). Mais aussi plusieurs articles sur Mars attaque (ici ou par exemple), sur AGS (ici) ou encore récemment chez l’allié EGEA ().

Le considérant réellement comme un ami, je ne peux que vous le conseiller. Il est à encourager à l’aube de cette aventure sur la blogosphère. Il l'a promis, il essayera dans l'avenir de rédiger des billets moins longs... Courage à toi camarade !

samedi 1 mai 2010

Gagner les cœurs, les esprits et des matchs de Water-polo

Le Corps des Marines américains innove, une nouvelle fois, dans leur approche de la contre-insurrection en Afghanistan. Une de leurs dernières trouvailles est de mettre sur pied une équipe nationale afghane de Water-polo compétitive et de l’aligner aux Jeux olympiques de 2016 à Rio de Janeiro (Brésil).

Dans un pays qui compte une vingtaine de piscines dont seulement cinq sont accessibles aux Afghans (n’étant pas situées sur les bases de la coalition), cela peut sembler un défi insurmontable. Et pourtant, cette expérience commencée au début de l’année 2008 se poursuit aujourd’hui.

C’est un réserviste de l’USMC, le Chief Warrant Officer Jeremy Piaseck qui porte ce projet. Entraîneur d’une équipe aux USA, il a lors de son déploiement en Afghanistan sélectionné une trentaine d’Afghans (dont la moitié sont membres de l’Armée Nationale Afghane) qu’il a commencé à entraîner en vue de parvenir à ce rêve olympique.

Son discours, très académique sur la création de « lien social » par cette initiative, n’en reste pas moins pertinent :
The great things that the athletes will learn out of this program are hard work, dedication, leadership, camaraderie,... In addition, it further builds bridges and trust between coalition forces and the Afghan people.
Aujourd’hui, c’est un autre réserviste de l’USMC qui assure les entraînements dans la piscine de l’immense Camp Leatherneck des Marines dans le Helmand. L’instigateur, Jeremy Piaseck, tente lui de réunir la somme d’un million de $ pour permettre à son équipe de venir s’entraîner une année en Californie.

Pour mémoire, l’Afghanistan avait remporté la première médaille olympique de son histoire en 2008 à Beijing (Chine) en taekwendo. La Task Force La Fayette avait ouvert un terrain de volley à proximité de la FOB de Tagab. Que le buzkashi, sport équestre traditionnel, devienne olympique, faciliterait bien les choses…