Quelques remarques sur le colloque « Des armes et des cœurs » organisé par le Centre de Doctrine et d’Emploi des Forces (CDEF) le lundi 23 novembre.
Evalué à 850 millions d’€ pour 2008, le budget des opérations devrait être équivalent en 2009. Du fait même des missions conduites par les forces, ce dernier est essentiellement consacré « à des actions plus civilo que militaires ». Ainsi le soutien logistique à d’autres contingents, l’aide médicale ou la formation de forces de sécurité s’apparentent plus à de la coopération ou de l’aide au développement. Paradoxalement, elles demeurent financées par le budget consacré aux opérations qui ne cesse en conséquence d’augmenter.
Les mandats internationaux sont des sommes de compromis nationaux et les alliances actuelles diluent plus que ne renforcent les responsabilités. Face à l’échec actuel du modèle occidental de la guerre, il est nécessaire de refondre les modes d’actions lors d’opérations consommatrices en temps, en effectifs et en ressources (alors même que ces 3 composantes diminuent). Le manque actuel d’administrateurs civils ainsi que le manque de pilotage politique n’ont pas été comblés par les instruments des alliances internationales ni par l’emploi de sous-traitants privés.
L’effet final recherché par la force est bien de permettre la concrétisation de buts politiques, non de se faire apprécier de la population (comme pourrait le faire croire la répétition à outrance du « gagner le cœur et les esprits »). Si la présence dans la durée est indispensable, des dangers guettent une force « scotchée sur place ». Ainsi, par la distribution de crédits, la FINUL est devenue au fil du temps (présence depuis plus de 30 ans) le premier employeur privé au Liban et ne peut se retirer sans déstabiliser le marché de l’emploi.
La nécessité d’agir en « guerrier sympathique » demande des prises de risques de la part des militaires qui doivent conserver l’obsession de la protection par une vigilance constante. Comme le rappelle le général Mc Crystal dans sa Directive tactique : il est parfois nécessaire de faire l’impasse sur des conditions locales de supériorité si cela permets à long terme des gains plus importants. Dans ces situations « d’engagements paradoxaux » entre emploi de la force et humanité, le comportement des militaires est finalement aussi (voire plus) important que l’efficacité de leurs armes.
Enfin l’expression du jour : pour le militaire d’aujourd’hui, il faut manier simultanément « le fusil et la moissonneuse afin de gagner l’esprit et l’estomac de la population ».
Si le CDEF peut se targuer d’avoir une légitime autorité sur les questions tactiques et opératives, le niveau stratégique et les rapports politico-militaires ne sont pas dans ses compétences. Or malgré les efforts du modérateur, la majorité des débats et certains exposés décalaient les propos vers les hautes sphères strato-stratégiques. Bien loin du cœur du sujet. Les représentants politiques (tous du pouvoir législatif) faisaient face aux questions sur la stratégie et les buts en Afghanistan. Mais rassurons-nous, rien qui ressemble à un putsch !
PS: je me permets de conseiller la lecture d'un précédent billet sur ces questions d’articulation entre le politique et le militaire (ici). Et pour information, les actes complets de ce colloque seront disponibles sur Internet au début de l’année 2010.
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