jeudi 7 mai 2020

Entretien avec Alice Pannier - Quel avenir pour le partenariat de défense franco-britannique ?

Titulaire d'un doctorat en science politique de l'IEP de Paris, en co-direction avec le King's College de Londres, Alice Pannier est chercheuse associée au Centre des études de sécurité de l'IFRI. Elle est également assistant professor en relations internationales et études européennes à la School of Advanced International Studies (SAIS) de l'Université Johns Hopkins à Washington. Elle est enfin l’auteur d’un récent Focus Stratégique sur "Complémentarité ou concurrence ? La coopération franco-britannique et l’horizon européen de la défense française". Elle a bien voulu répondre à quelques une de nos questions à ce sujet (co-publiées sur le blog Ultima Ratio). Nous la remercions.

1/ Quel points majeurs faudrait-il retenir de 10 ans du Traité de Lancaster House, qui contenait à sa signature une multitude de pistes opérationnelles, capacitaires, ou de développement de l'interopérabilité ?

Deux traités ont été signés en 2010. Le traité sur les installations radiographiques et hydrodynamiques conjointes (ou "Traité nucléaire") était le résultat d’un travail important en amont. Le texte est technique, et les projets de coopération sont précis, comme par exemple la construction de trois axes radiographiques à Valduc (France), en vue de mener des expérimentations sur les armes nucléaires, dans le cadre du programme "Simulation" du Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA).


Le "Traité de coopération en matière de défense et de sécurité", qui encadre le premier, est au contraire très général. Il place la coopération militaire, capacitaire et industrielle franco-britannique au cœur d’une relation politico-diplomatique plus large, institutionnalisée pour la première fois par ce traité. Celui-ci prévoit de faciliter l’intégration transfrontalière des deux industries de défense, engage les deux États à se consulter mutuellement sur leurs politiques de défense, et à se soutenir l’un l’autre dans les interventions militaires qu’ils auraient à mener.

En dehors de cela, c’est la déclaration du sommet de 2010 qu’il faut consulter pour connaitre plus précisément les projets envisagés il y a 10 ans. Ladite déclaration prévoyait d’explorer des pistes de coopération dans un grand nombre de projets capacitaires - des missiles au drones en passant par l’aviation de combat, les véhicules blindés, l’interopérabilité des groupes aéronavals, la lutte contre les mines sous-marines et les satellites.

Force est de constater que de nombreux échecs sont à rapporter. Parmi les principaux, la coopération entre BAE et Dassault autour du drone MALE n’a pas abouti (les deux pays ayant acheté des Reaper américains sur étagère), pas plus que le deal "Watchkeeper contre VBCI" (achat du drone Watchkeeper par la France "en échange" de l'achat par de blindés VBCI pour l'armée de Terre britannique). Le gouvernement britannique en 2011 a opté pour une version de l’avion de combat F-35 non-interopérable avec le porte-avion français ; et, plus récemment, la coopération autour du système de combat aérien du futur (SCAF), menée par BAE et Dassault, a été suspendue, au profit d’une coopération franco-allemande impliquant Dassault et Airbus.

Au registre des succès, on peut citer la mise en place de centres d’excellences franco-britannique dans la filière missile et les avancées du programme de missiles antinavires légers (Sea Venom) de MBDA ; le développement par BAE et Thales d’un système de lutte anti-mines marines ; la validation du concept de la force expéditionnaire conjointe non-permanente (CJEF) ; le développement d'installations conjointes liées à la dissuasion nucléaire ; ou encore le rapprochement des agences de renseignement dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et les cyber-menaces.

lundi 4 mai 2020

Opérations à motos - ... à aujourd'hui ! (forces spéciales et spécialisées) (2/2) (+MAJ 1)

Suite ici avec les forces spéciales et spécialisées du premier épisode consacré au 1er RI d'un panorama sur les récentes opérations à motos au sein des armées françaises. Comme pour le premier épisode, n'hésitez pas à signaler toutes imprécisions, ou à transmettre toutes précisions..


Faire autrement... et à moto... pour les forces spéciales

Au sein du Task Group (TG) Arès, unité de forces spéciales des différentes armées déployée en Afghanistan entre 2003 et 2006 dans le Sud-Est de l'Afghanistan, les motos feront leur grand retour (il n'y avait pas seulement un char Renault FT...). Le terrain très montagneux, avec peu d'axes de pénétration, des coupures humides fréquentes, ou encore des difficultés logistiques majeures vues l'isolement de Spin Boldak rendent vite nécessaire une adaptation des moyens alors utilisés. Et pour cela rien de mieux que de s'inspirer de ce qu'est les combattants locaux emploient alors.


Crédits : privés. Membres du 1er RPIMa (armée de Terre).


En conséquences, plusieurs mandats utiliseront des motos légéres, des sous-marques chinoises ou japonaises (CQ Motors d'Honda ou Suzuki), trouvables dans les bazars locaux, surtout dans la région qui est une zone de transit marchand entre le Pakistan et l'Afghanistan, ou récupérées auprès des alliés locaux  AMF - Allied military forces (forces de polices afghanes ANP, ou assemblages parfois hétéroclites de milices locales). Il s'agira de réaliser avec ces motos accompagnant pick up, véhicules VLRA ou P4 (particulièrement traficotés), lors des opérations de renseignement, de montage d'embuscades, de raids sur des cibles, etc.


Crédits : privés. Binôme de tireurs d'élite (TE) du 1er RPIMa (armée de Terre), avec des fusils HK MSG-90. Mandat Ares 5.
Le reste de la patrouille est visible en arrière fond, sur d'autres véhicules plus lourds.

Opérations à motos - D'hier (1er RI)... (1/2) (+ MAJ 7)

Premier épisode d'un panorama sur les récentes opérations à motos au sein des armées françaises, ici sur le aînés du 1er régiment d'infanterie (RI). N'hésitez pas à signaler toutes imprécisions, ou à transmettre toutes précisions. Le second épisode, disponible ici, est consacré aux forces spéciales (1er RPIMa, 13ème RDP, commando Hubert) et spécialisées (2ème RH).

La récente publication de photographies présentant un type spécifique d'unités des forces armées maliennes équipées en motos rappelle d'autres expériences françaises récentes pour des missions de combat et de renseignement avec ce type d'engins (donc hors utilisation pour des missions d’appui à la mobilité de convois et de sécurisation des itinéraires ou des zones de déploiement avec les unités du Train et de la Logistique opérationelle, ou des missions de formation/entraînement comme aux Ecoles Militaires de Saumur, des missions qui mériteraient une présentation en soit, pour que le sujet soit vraiment pleinement traité).

ULRI maliennes : être aussi mobiles que l'adversaire

Avec un format d'unités en réflexion depuis l'été 2019 au sein l'opération Barkhane et des forces armées maliennes (FAMA), les premières opérations menées par les Unités légères de reconnaissance et d'intervention (ULRI), et non d'investigation (comme cela est parfois trouvable dans des publications officielles...), ont eu lieu début 2020, notamment dans la zone du Gourma. Elles se poursuivent aujourd'hui lors d'opérations combinées, associant militaires français et militaires maliens dans un partenariat militaire opérationnel (PMO) renforcé. Ou seules, au sein de leurs unités d'appartenance. Détection, intervention, et neutralisation, en étant mobile, discret et agile.

La "Joe Bar Team malienne". Crédits : EMA (France).

Extrêmement mobiles et légères (en étant équipées notamment de motos et de pickups 4x4), ces unités ont été en partie équipées via un don de 60 motos 125 cm3 de la marque (chinoise) Sanya, avec moteurs japonais par la Direction de la coopération de sécurité et de défense - DCSD (). Des motos ensuite adaptées (sangles de fixation, GPS, supports de batteries...) localement. Elles ont été formées (pendant 3 semaines) par des détachements de liaison et d'appui (DLA) français, dans la zone de Gossi notamment, pour la partie tactique et mécanique, et accompagnées en opérations par ces mêmes militaires français. Avec l'idée d'allier vitesse de déplacement tout-terrain, par des moyens rustiques (les mêmes que ceux utilisés par les groupes armés terroristes) et capacité à rapidement fondre sur les zones d'intérêts (renseignement, contre-attaque, concentration des moyens).

Crédits : EMA (France).

A quand, éventuellement, les unités commandos des mandats Cobra (mandat du Groupement de Commandos Parachutistes) ou Spartan (mandat du Groupement de Commandos Montagne) et de leurs soutiens (renseignement, guerre électronique...) équipés de matériels similaires ? Matériels à la maintenance simple et dont les pièces de rechange sont trouvables facilement sur place. En plus de leurs pick ups 4x4 mobiles de type Masstech Recamp (une base Toyota améliorée par la société Technamm : suspensions 4,5T, supports d'armes, racks à équipements...) utilisés lors de leurs missions de nomadisation de plusieurs jours.