vendredi 3 février 2023

UNIVEM - Amoureux de mécanique et passeurs de mémoire cherchent locaux !

Le véhicule de commandement, Dodge Command Car, qui a réellement vu le Général Leclerc rentrer dans Paris à l'été 1944, le seul exemplaire roulant en France de char de conception américaine Sherman entièrement rénové à l'extérieur... et à l'intérieur (avec moteur d'origine), le véhicule prototype n°1 Renault 1984 du programme de Véhicule Blindé Léger (VBL) bien connu de l'armée de Terre (le choix se portant au final sur le véhicule Panhard), une grue roulante Borckway Quickway dont il ne reste que 3 exemplaires en Europe...


Autant de pièces rares présentes au sein de la plus grande collection privée française de véhicules historiques liés à la 2ème Division Blindée (Division Leclerc) ou aux armées américaines et britanniques de la Seconde Guerre mondiale. Véhicules conservés et entretenus avec passion par les quelques 160 cotisants de l'association UNIVEM (Union Nationale des Collectionneurs de Véhicules Militaires), association loi 1901 crée en 1993, et reconnue d'intérêt général.

Hébergée depuis 2005, après avoir quittée les anciens locaux AMX d'ISsy-Les-Moulineaux, via une autorisation d'occupation temporaire (AOT) au sein d'hangars de la Section Technique de l'armée de Terre (STAT) sur le Plateau de Satory, son avenir s'est assombri du fait de difficultés administratives, notamment liées au plan d'urbanisme prévu sur le Plateau de Satory (arrivée prochaine du métro Ligne 18, évolution de l'A86 toute proche, modernisation possible des emprises de la STAT...).

Alors que plusieurs solutions étudiées n'ont pas débouchées récemment (nouveaux locaux au sein de la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres - SIMMT, du 121ème régiment du Train de Montlhéry...), l'association pourrait se retrouver prochainement sans toîts pour héberger ses pièces de collection, et sans pouvoir continuer son travail important de mémoire et de transmission.


L'association participe en effet avec ses véhicules à de très nombreux événements commémoratifs, reconstitutions, films, expositions (avec un prêt d'une Jeep SAS pour l'exposition récente sur les forces spéciales au Musée de l'armée aux Invalides), liens entre générations (via les efforts des plus anciens pour transmettre les secrets de la mécanique ,parfois un peu capricieuse sur ces véhicules, aux plus jeunes adhérents), etc. Ce qui serait fort dommage tant est grande leur disponibilité et leur passion, prouvées rencontre après rencontre avec le public.

Ainsi, l'association et sa soixantaine de véhicules sont à la recherche urgente de locaux (d'environ 1.500 m2 minimum), potentiellement de locaux privés, dans l'Ouest de la région parisienne, et jusqu'à un axe Paris-Normandie. En l'absence de mécènes, possiblement avec un loyer (modéré, évidemment, du fait de l'absence de subventions reçues par une association entièrement auto-financée). Toute piste sera étudiée, donc n'hésitez surtout pas à contacter ces amoureux de l'Histoire vivante et incarnée !

Et n'hésitez pas à les soutenir également via la signature d'une pétition.

samedi 28 janvier 2023

Lecture - "Face à la mort" (Rémy Nollet, Editions du Rocher)


"Face à la mort" (Rémy Nollet).
 
Pas de grands chapitres ici sur des interventions du GIGN ou autres forces spéciales et spécialisées. Mais des tranches de vie du quotidien connues par bien des gendarmes départementaux.
 
Avec pas moins d'humanité, de don et de service aux populations. Au plus près de la société et de son quotidien, où le banal côtoie souvent le tragique.

En rencontrant très, trop, souvent la mort, quand tout est fait pour la sortir de nos quotidiens. Or personne n'en sort indemne de ces foutues rencontres. Et il faut pourtant poursuivre, son intervention, sa vie.

C'est donc une plongée pleine d'humanité, avec des mots simples, que propose ici le colonel Rémy Nollet, en s'appuyant sur les situations réelles, vécues durant sa carrière en Gendarmerie départementale.

Pour découvrir, un peu, "l'humaine condition de ces soldats" en bleu pour reprendre les mots de la préface du directeur général de la Gendarmerie nationale, du général Christian Rodriguez. 

Pas de "recettes magiques" ou de prétentions universelles dans les chapitres sur la 1ère fois, sur celle d'un plus proche, d'un enfant, sur celle qui touche un frère d'armes, sur la 1ère annonce...

Mais des mots posés sans emphase sur ces situations personnelles si variées, et si communes pour certains. D'un homme, d'un père, d'un gendarme, d'un chef.

Un ouvrage qui trouve son origine au moment de la scolarité de l'auteur à l'Ecole de Guerre. Moment vécu par l'auteur comme un moment de prise de recul et d'intenses échanges avec les camarades de promotion, notamment des armées, aux expériences variées, et aux réflexions poussées sur cette foutue compagne qu'est la mort. Un riche moment donc qui a entraîné le début du long parcours d'écriture, dont nous bénéficions ici à travers cet ouvrage. Qu'il en soit remercié. Qu'ils en soient remerciés

samedi 31 décembre 2022

#Bestof2022 - #Retro2022 et Bonne année 2023

"Aux résultats" pour cette année 2022 :

Moins d'articles écrits que d’autres années, mais des articles plus lus en moyenne (certains rentrant en quelques mois dans le top 10 des articles les plus lus en 14 ans d’existence de ce blog)... et pour certains des articles plus commentés, avec un important ‘SAP’ (ou « service après publication ») à assurer.

Dans le top 5 :

1. En attendant (un jour) la LPM à venir :

"Pour une révolution dans les affaires militaires (françaises) !" (mai 2022)

2. LPM pas aidée par une boussole démagnétisée : 

"Revue Nationale Stratégique - Caramba encore raté..." (novembre 2022)

3. On en reparlera quand il faudra porter quelque chose de lourd... :

"Histoire - Il y a quasi 20 ans, 45 chars Leclerc étaient déployés en Ukraine pour un exercice majeur" (février 2022)

4. Orion, il devrait en être question dans les semaines et mois à venir :

"Exercice HEMEX ORION 2023 - Réussir à faire les choses en grand et le faire savoir" (mars 2022)

5. De la petite histoire dans la grande Histoire :

"Djibouti - Des marins aux bérets verts, couchés à droite et badgés à gauche, à l’origine de la célèbre "Voie de l’Inconscient"" (janvier 2022)

Au final, bonne fin d'année (agitée) et bonne prochaine année (agitée aussi, sans aucun doute) à ceux ici ou là bas, pour nous. Loin de leurs proches ou près des leurs. Aux anciens, aux actuels et aux futurs. Et aux autres, eux aussi non oubliés.

Nul doute que sous une forme ou une autre, « en vrai », sur le blog ou sur les différents réseaux  actifs (Facebook, Linkedin, Twitter, Instagram, Mastodon...), il y aura bien des occasions de se croiser. D'être d'accord ou pas. De débattre. Et d’avancer. D’ici là, 0 bonne résolution (non tenable...) prise pour améliorer le rythme de publication. Cela restera à l’envie.

Je (re)quitte la fréquence jusqu'à la prochaine vacation. Over.

mercredi 16 novembre 2022

Euronaval 2022 - Un soutien naval innovant pour une marine de combat

Lors du dernier salon mondial du naval de défense Euronaval, j’ai eu le plaisir de réunir des profils variés pour évoquer le sujet de l’innovation dans le soutien naval. Du rapport remis fin 2018 à la ministre des Armées d’alors par Jean-Georges Malcor sur le maintien en condition opérationnelle (MCO) naval, qui distribuait quelques satisfécits mais listait aussi des axes d'amélioration, en passant par les décisions ministérielles prises début 2019 qui donnait une feuille de route pour la modernisation du MCO naval, ou encore le plan stratégique Mercator de 2018 de la Marine nationale puis Mercator accélération de 2021, tous indiquaient la nécessité que "cela flotte" plus (et… indirectement moins cher), vus les enjeux actuels. 

Comment l’innovation participe et peut participer à cet effort de guerre ?

Etre ouvert à l’innovation

Fondée en 2019 par trois connaissances travaillant dans le milieu maritime plutôt civil, MaDfly propose des services par engin télépiloté répondant aux contraintes d’accès de ce milieu pour les interventions en intérieur, en extérieur et en sous-marin. Grâce à des drones aériens, flottants ou sous-marins, les inspections de structures hautes, de soutes, de coques ou autres sont rendues plus rapides, plus sûres et moins coûteuses. Comme le dit Thierry Guillot, un des co-fondateurs, "nul besoin de monter des mètres d’échafaudage pour vérifier l’intégrité d’une structure en hauteur, voir les traiter via un drone relié à un tuyau, de mettre en place une nacelle élévatrice pour traiter une face, puis tourner le navire le long du quai pour traiter l’autre face, etc." Le drone permet également de nettoyer les bordées de coques côté quai et côté mer, ce qui n’est pas possible de réaliser avec une nacelle. Les immobilisations sont moins fréquentes ou longues, les opérations mieux anticipées, les risques pris moins nombreux, etc. Et, si les gains financiers sont parfois difficilement quantifiables, nous y reviendrons, les centres de coûts voient leur montant diminuer. Dans le domaine, les technologies (systèmes de mesure d’épaisseur de coques, de traitement des données recueillies pour la cartographie, d’aide au pilotage en milieu clos, etc.) se développent rapidement pour aller toujours plus loin dans ce qui est réalisable et utile pour des opérations de MCO, obligeant à une veille permanente pour rester à la page.


Voici une possible innovation dont il est nécessaire d’évaluer les plus-values et les limites avec son éventuelle utilisation. D’où les expérimentations en cours. Pour cela, il est nécessaire d’avoir tout un écosystème en mesure de capter les bonnes idées. Jean-Marc Quenez, du bureau Innovation-Performances au sein de la Direction centrale du Service de Soutien de la Flotte (SSF), rappelle que le SSF, en charge du soutien des navires, s’est structuré depuis 2018 en se dotant d’un comité de sélection de sujets innovants (dit Comité Bougainville, qui se réunit 10 fois par an), avec en plus de la portion centrale parisienne, des référents à Brest et à Toulon. Les innovations remontées via différents canaux sont présentées, et le comité (avec des experts techniques, logistiques, etc.) en sélectionne pour conduire des expérimentations. Une quinzaine par an sont menées, au niveau de la direction centrale, en plus d’autres menées par les responsables en charge des contrats de soutien de classe de navires. De plus, les chantiers en charge du MCO peuvent également en mener sur fonds propres ou sur fonds partagés, en étant conseillés par le SSF. Les principaux domaines sont ceux des données et de sa manipulation (numérisation des opérations, visualisation, etc.), nous y reviendrons, et celui des outils (impression 3D, tablettes connectées, lunettes connectées, caméras, robots de nettoyage, de décapage, de peinture, etc.). Avec déjà des avances notables dans le domaine de la télémaintenance (notamment depuis la crise de la covid pour faire appel à des experts restés en métropole) ou encore pour les travaux de nettoyage de coques pour améliorer l’état de la carène et minimiser la résistance. Globalement, cette phase d’expérimentation, avec recueil de retours d’expérience, est aujourd’hui plutôt bien menée, selon les différents acteurs.

mercredi 9 novembre 2022

Revue Nationale Stratégique - Caramba encore raté... (+MAJ)

Décevant.

Il faut saluer la grande qualité des rédacteurs des Revues Stratégiques précédentes de 2017 et 2021 qui, selon ceux de la nouvelle Revue Nationale Stratégique, ont vu tout juste, comme cela est plusieurs fois souligné dans le document récemment publié. Nécessitant finalement, selon les auteurs de la version de 2022, de ne (quasi) rien changer, à part accélérer ce qui a été déjà décidé. Jamais très bon quand nous sommes collectivement face à un mur… A se demander pourquoi lancer un nouvel exercice cette année alors que les constats sont déjà là (relativement prévisibles), ou qu'il est fait appel de manière récurrente, et comme peu jusqu'alors, à d'autres documents quasi similaires récents : Concept Stratégique de l'OTAN et Boussole Stratégique européenne. A moins que cela ne soit les solutions aux problèmes et les réponses aux constats qui ont été ni trouvées ni mises en œuvre depuis lors.

Certains paragraphes relèvent plus du ‘Bullshit Bingo’ qu’autres choses, en tentant d'additionner en un minimum de phrases le maximum de menaces ou de concepts. Leur rédaction ayant été sans doute laissée à certaines administrations concernées (ou intérêts particuliers défendus, parfois industriels), en pleine exercice d’autojustification ou descriptif de leurs missions, de leurs périmètres et de leurs évolutions en cours. Le manque d’harmonisation de l’ensemble s’en ressent d’autant plus, avec certains éléments, soit redondants à quelques lignes d'intervalles, soit attachés à certaines zones géographiques spécifiques qui pourraient sans effort (et raisonnablement) être attachés à bien d’autres zones. Ou à certains milieux ou certains champs, alors qu'ils s’avèrent plus généraux que particuliers. Avec des éléments micro-tactiques, très fouillés, pas inintéressants, côtoyant des grandes envolées, bien peu utilisables. Les délais courts y sont peut-être pour quelque chose.

Plus que ces questions de forme et aussi de fond, l’impression générale est que l'exercice mené, peu collégial, laisse en suspens bien des questions, avec surtout un scepticisme grandissant sur la capacité à poursuivre certaines courbes comme avant, qu’importent les difficultés conjoncturelles ou structurelles observées. Les alertes n’y font rien, alors que pourtant il s'agissait de tirer les conséquences d'un certain nombre d'alertes reçues en peu de temps : politique, sécuritaire, sociétale, militaire, environnementale, etc.

vendredi 14 octobre 2022

Musée de l'Armée (Invalides) - Exposition "Forces spéciales" jusqu'au 29 janvier 2023

Comment concilier la représentation de la pâte humaine qui est au cœur du sujet "forces spéciales" et le matériel qui est lui aussi omniprésent ? L'Histoire et le Temps (quasi) présent ? La discrétion inhérente au sujet et le pari de faire voir au grand public ?
 

Ce ne sont pas les moindres des défis relevés ces 2 dernières années (oui, 2 ans de préparation) par les équipes du Musée de l'Armée en lien étroit avec le Commandement des Opérations Spéciales (COS) pour proposer cette exposition sur les Forces Spéciales. Exposition qui coïncide avec les 30 ans de la création de ce commandement, tirant notamment les enseignements des opérations de la 'Guerre du Golfe'. Soit plonger dans l'histoire profondément humaine de ces hommes et femmes, notamment par la vidéo. Donner à découvrir par les yeux un peu de leurs objets, parfois très rarement vus, du quotidien.


Au-delà des chiffres (3 grandes salles, quelques 250 objets exposés, choisis après des visites dans chacune des 16 unités, plus de 6H d'entretiens présentés sur de nombreux dispositifs multimédias - qui seront disponibles à la fin de l'exposition dans le domaine public - sur les 80H d'entretiens menés, etc.), il faut retenir l'agencement des éléments dans une muséographie (très) travaillée : en horizontal comme en vertical, entre ombres et lumières, entre dépouillement - avec un touchant, très simple, In Memoriam pour les 28 membres des forces spéciales morts en opérations depuis 1992 - et reconstitution plus fouillée (d'un poste de commandement d'une Task Force, d'une salle de groupe avec des casiers d'équipements, d'un poste avancé médical, etc.).
 
Même les sièges à disposition sont de "couleur locale".
Avec des banquettes de C-160 Transall, appareils récemment retirés su service.

De 1942 à nos jours, les pièces d'intérêts, au-delà de pièces parfois beaucoup plus communes, ne manquent pas : entre les prêts des unités - plus de 70% des objets présentés, celles de collectionneurs ou industriels partenaires, et même 3 pièces en provenance de proches partenaires en opérations  - Grande-Bretagne et États-Unis, avec notamment une tenue d'un des opérateurs de la SEAL Team 6 portée lors de l'opération Neptune Spear qui conduira à la mort d'Oussama Ben Laden en mai 2011.
 

mercredi 7 septembre 2022

Armée de Terre - A propos de la prochaine sortie du bois sur le sujet robotique

Le responsable du sujet robotique au sein du bureau Plans (en charge de l’avenir à moyen-long terme, pour résumé) de l’état-major de l’armée de Terre (EMAT) est récemment revenu sur la construction et l’intégration progressives d’une capacité robotique au sein des forces terrestres françaises.

La grande étape à venir étant la formalisation et la présentation d’ici la fin de l’année des besoins de l’armée de Terre pour de tels équipements. Etape de « sortie du bois » sur le besoin opérationnel, le fondement de toute action, après une intense phase de maturation et d’exploration, en lien notamment avec le Battle Lab Terre, et d’expérimentation, notamment avec la section exploratoire robotique (SOR) Vulcain.

Un besoin opérationnel qui ne remet pas en cause fondamentalement les grandes réflexions actuelles quant à l’avenir des forces terrestres, mais permet à la fois d’apporter un plus sur certains facteurs de supériorité opérationnels (FSO), notamment l’endurance et la masse, ouvre de nouvelles perspectives à travailler, notamment en termes de coopération, et son lot de défis (notamment pour la compréhension).

Le tout en intégrant la responsabilité éthique, avec non pas des SALA (qui ne seront pas développés pour les armées françaises), mais des SALIA (systèmes d’armes létaux intégrant de l’autonomie), comme présentés notamment dans l’avis émis par le comité d’éthique de la défense en avril 2021. CE qui conduit au fait que le commandement conservera l’appréciation de situation permettant la poursuite de mission, sera responsable de l’emploi des robots, et supervisera les fonctions critiques. Des grands principes qui demandent concrètement de s’assurer, avec les industriels, que cela est réalisable techniquement, dans les situations rencontrées en opérations.

Au final, le projet Vulcain, sur les aspects de robotique, permet d’espérer intervenir sur 2 axes forts : augmenter la profondeur tactique des effets (en distance de frappe, en capacités de renseignement, etc.), et augmente les possibilités de saturation sur l’adversaire (physique, électronique, cognitive…). Encore faut-il alors passer chacune des capacités selon le double prisme du : Qu’est-ce que je veux en faire ? L’analyse fonctionnelle. Et combien cela va me coûter ? L’analyse de la valeur. Une équipe robotisée de désignation des feux dans la profondeur peut avoir un sens tactiquement, mais peut perdre tout avantage dès lors que les contraintes et les coûts s’envolent. A quels couts permets-t-elle d’entrer dans la bulle adverse, de se prendre des coups et d’y rester ? Notamment parce que, pour le moment, une capacité robotisée coute globalement, via son empreinte RH, plus chère qu’une capacité non robotisée. D’où le besoin de laisser maturer la partie automatisation jusqu’en 2030, pour espérer faire de réelles économies, en atteignant de réelles plus-value. La charge cognitive consentie doit être acceptable, soit une notion d’efficacité forte : « si je mobilise 3 personnels sur la gestion du robot, il faut que cela apporte beaucoup ». Heureusement, « il existe des systèmes à haute VA qui sont atteignables avec une autonomie réduite ».


Ainsi, selon l’armée de Terre, dans le domaine, les forces terrestres sont à un carrefour dans le choix des effets à atteindre, et les décisions qui sont en train d’être prises conditionneront l’architecture générale qui sera retenue et sur laquelle les besoins seront travaillés conjointement avec la Direction Générale de l’Armement (DGA). Notamment quant au choix de l’architecture générale entre : unités entièrement robotisées, unités mixtes, robotique comme outil de l’arrière, robotique tactique, opérative ou stratégique, etc.

C’est dans ce cadre que le projet Vulcain est lancé, projet qui a vocation à nourrir l’expression du besoin robotique de l’armée de Terre (sans être un programme d’armement en tant que tel), pour permettre de mettre en œuvre une capacité de robotique tactique à l’horizon 2040. Pour la préparation de l’avenir, il doit orienter les travaux de préparation de l’avenir et tout particulièrement les aspects robotique du projet Titan, visant la modernisation de la composante « lourde » des forces terrestres, ainsi que la cohérence et la connectivité interarmées (et non plus uniquement interarmes). Pour sa part, le programme MGCS intègrera une robotique qui lui est propre (des ailiers autonomes, et une capacité d’agression), qui est réfléchit pour la cohérence dans l’approche Vulcain, mais qui est bien pour le coup une opération d’armement en tant que tel.

mercredi 10 août 2022

Innovation - Le démonstrateur Scarabée d'Arquus

Ai eu la possibilité de faire récemment quelques tours de pistes d'essais sur le plateau de Satory dans le démonstrateur de blindé Scarabée d'Arquus, pendant une petite heure. Passant notamment après l'actuel chef d'état-major de l'armée de Terre (CEMAT) qui avait embarqué dedans quelques semaines auparavant.

Démonstrateur (et non prototype), même si les puristes des définitions pourraient en débattre, permettant de développer, tester, intégrer et faire gagner en maturité un certain nombre de technologies. Certaines jusque là plutôt issues du monde civil et parfois déjà matures pour ces cas d'usage, mais passées à cette occasion dans un environnement militaire représentatif.

Principalement (et sans être exhaustif) dans le domaine de la propulsion (avec l’hybridation, notamment via un moteur V6 de 300 ch en thermique et 100 ch en électrique, avec 3 batteries différentes), de l'architecture (avec un groupe moto propulseur d'un seul tenant placé à l'arrière notamment), de l'ergonomie (avec, par exemple, la gestion des différents modes de propulsion par le pilote), etc.

Le fruit des efforts visible aujourd'hui est le résultat d'un programme "secret" débuté discrètement avec moins d'une dizaine de personnes concernées en 2017, défrichant les grands choix architecturaux, à un blindé beaucoup plus mature à ce jour pouvant bénéficier des technologies de tout un groupe industriel (avec une équipe dédiée restreinte, et un budget évidemment non extensible). Avec quelques heures de travail et des milliers de kilomètres d'essais déjà de réalisés.

Le Scarabée est aujourd'hui autorisé par la Direction générale de l'Aviation civile (DGAC) à embarquer dans des avions civils avec les batteries installées, suite à un long et exigeant processus de certification quant au respect des normes de sécurité, ce qui constitue une première mondiale civile et militaire, et vient valider les progrès réalisés dans la sécurisation de différents ensembles (notamment face aux risques d'incendie des batteries, de résistance aux variations de pression, etc.).

Les 400ch cumulés pour environ 7 tonnes à vide se ressentent vite dans les phases de roulage dynamique réalisées (sans préparation particulière autre que de baisser les suspensions réglables pour les phases les plus dynamiques). Permettant de passer, départ arrêté, à 30km/h sur une pente à 40% d'une quarantaine de mètres, d'atteindre les 125km/h en ligne droite sans forcer (les 135km/h ayant été dépassé sur d'autres essais), d'avoir des accélérations incomparables à un départ arrêté de VBL (même en version Ultima), etc. Avec en impression de conduite, comme passager, des phases de transition de toute électrique à hybride ou thermique très naturelles, une capacité de "boost" pour une accélération forte, un silence impressionnant en mode tout électrique, etc. Le résultat d'un bon rapport poids/puissance (voir même très bon rapport), et surtout du couple disponible pour gérer les variations, et du gros travail réalisé pour hybrider et permettre d'utiliser conjointement les différents modes (les pas des différents ensembles devant se rejoindre pour basculer de l'un à l'autre et maximiser leur apport conjoint).
 

Le Plateau de Satory en concentré sur une image. Pistes d'essais (dont ses fameuses rampes de différents pourcentages), démonstrateurs de blindés (dont le Scarabée d'Arquus), hélicoptères (dont les EC145 Airbus Helicopters des Forces Aériennes de la Gendarmerie Nationale), unités (dont le GIGN - Groupe d'Intervention de la Gendarmerie Nationale des gendarmes de l'inter' étaient au bout du treuil en entrainement - non visibles car cachés dans les arbres)

Avec un important travail de réalisé récemment (en plus du passage il y a quelques mois maintenant du tout thermique ou tout électrique à hybride) sur l'ergonomie du poste de pilote (placé à l'avant, face à de larges vitres - utiles aussi pour l'équipage placé derrière qui a une impression de moindre enfermement comparé à d'autres blindés) et sur l'interface homme/machine pour gérer les transitions entre les différents modes de propulsion, le suivi des batteries, les choix d'assistance de conduite, des réserves de puissance, la facilité du pilotage (hier via joysticks pour certains modes de déplacements, à assistance sur le volant aujourd’hui), etc.

En plus de la capacité "crabe" avec des roues et des essieux avant et arrière orientables (permettant de tourner quasiment sur place et de se déplacer quasiment en latéral, une fois le mode enclenché d'un simple clic) qui offre des capacités opérationnelles en terrain compartimenté/accidenté/tout-terrain assez évidentes pour se déplacer plus finement, se sortir d'un mauvais pas, faire des demi-tours dans des rues encaissées, se déplacer lors de "coups d'œil" en phase d'observation ou d'acquisition de cibles, etc.

 Avec les portes sur des gonds visibles, les anciennes portes sur glissière étant parmi les options disponibles pour les potentiels clients intéressés. Le côté innovant du blindé n'était pas forcément là-dessus, mais mobilisait jusqu'alors les conversations (et les critiques) en passant à côté du reste...

En plus des pistes et des terrains d'essais du constructeur largement utilisés, des essais en tout-terrain ont aussi été menés ces derniers mois sur le camp de Canjuers notamment. Avant des essais par temps chaud potentiellement à venir (en plus des passages du blindé dans des chambres représentant des températures très hautes et très froides déjà menés). Et peut-être des essais avec de l'armement plus tard (même si à ce jour, la disponibilité des champs de tirs pour les réaliser est un sujet).

La Section Technique de l'armée de Terre (STAT) a pu faire quelques essais avec le véhicule pour en découvrir le potentiel, et le véhicule tourne très régulièrement pour des démonstrations pour des autorités et d'éventuels prospects. Avec d'ores et déjà des marques d'intérêts (à concrétiser) certaines de certains.

Il y a à ce jour encore des travaux de fiabilisation et de développement prévus dans les mois à venir. Notamment encore sur la partie suspension, motorisation dans certaines conditions, etc. Et une feuille de route en auto-financement (principalement) très fournie (avec aussi des apports sur la partie blindage/protection qui pourraient venir des programmes européens type FAMOUS 1 et 2), et quelques autres surprises... Des travaux sont ainsi réalisés avec des nouveaux pneus Michelin plus résistants, par exemple. 

Enfin, un travail est encore en cours sur les configurations possibles (même si cela sera surtout les possibles clients qui orienteront les choix définitifs), quant aux réserves, assez importantes, d'emport (autour d'une grosse tonne), les armements embarquables (avec un arceau central prévu pour gagner de la masse sur le toit) et déjà plusieurs configurations en interne et en externe qui sont pensées, et pour certaines déjà dévoilées (anti-char, anti-drone, anti-aérien...). Des essais ayant déjà été réalisés en roulage avec des tourelleaux réels (notamment de la gamme Hornet) ou des poids représentatifs placés en hauteur pour vérifier les conditions d'utilisation (le centrage, l'impact sur la tenue de route, etc.). La maintenance étant aussi un sujet avec évidemment déjà des premières réflexions pour faciliter les opérations (groupe moto-propulseur d'un seul bloc pour être facilement déposable, accès facilités à certains composants, etc).

Et évidemment encore à pleinement finaliser avec les futurs utilisateurs des réflexions permettant de déterminer les avantages et les contraintes sur les cadres d'emploi et les avantages tactiques permis : l'hybride pour les phases d'approche discrètes - jusqu'à 10km en tout-électrique, la capacité de servir de groupe électrogène en soutien pour recharger des batteries, le rechargement permis en phase de roulage et d'utilisation représentative, l'apport d'une éventuelle remorque, etc. Et des réflexions sur l'aspect modulaire de ce démonstrateur en l'état très complet : faudra-t-il toutes les options pour toutes les missions envisagées ? faudra-t-il toutes les capacités (déplacement en "crabe", hybridation complète, autant de chevaux, etc.) ? faudra-t-il les réserver au fer de lance de la force dans l'échelon de découverte et de frappe (en mode "hit and run") et d'autres véhicules pour les aspects "liaison" ? faudra-t-il le généraliser comme blindé léger/médian du futur ? Des points encore à trancher comme sur tout bon démonstrateur, fortement sollicité pour défricher.

Crédits des photos : FSV / MA. Il n'y avait pas de photos ou de vidéos autorisées durant les phases d'essais. Mais de quoi se rattraper avec d'autres présentations prévues dans les prochains mois... A suivre.

mardi 2 août 2022

Publication - "Pour une BITD de haute densité au service d’un modèle cohérent" (DSI Hors-Série n°85) (+MAJ)

Dans le numéro Hors-Série de DSI n°85 consacré à "Guerre de haute intensité - Quelles adaptations pour les forces armées françaises ?" actuellement en kiosque, vous pouvez retrouver un article sur les réflexions et adaptations à mener sur l'articulation forces-DGA-BITD et sur le pourquoi, le quoi et le comment atteindre un modèle cohérent.
 
En remerciant le rédacteur en chef, Joseph Henrotin, de m'avoir aimablement titillé sur le sujet dans la continuité de certains précédents articles publiés sur ce blog (notamment celui ci, qui a eu quelques échos et a suscité quelques réactions...), et d'avoir bien voulu accueillir au final, le fruit de mes réflexions personnelles (qui n'engagent que moi).

MAJ 1 : Le sommaire complet est disponible ici.

"La simultanéité de certains facteurs oblige à une vaste réflexion sur l’articulation forces armées - Direction Générale de l’Armement (DGA) - Base Industrielle et Technologique de Défense (BITD) et sur les actions entreprises. Avec une adaptation des réponses apportées au pourquoi, au quoi et au comment, faite de manière couplée, car les efforts, actuels et réels, sur l’un ou l’autre des constituants du système, ne pourraient suffire à eux seuls à faire face aux grands enjeux qui se présentent.

Nul besoin de sur-noircir l’actualité et le futur prévisible d’un certain nombre de facteurs endogènes et exogènes ayant un impact sur ceux qui orientent, développent, produisent, utilisent et soutiennent les équipements, matériels et produits utiles aux forces armées pour observer une conjonction de tendances, voir un effet domino, qui oblige à une adaptation. Si ces événements de nature très différente ne doivent pas forcément inquiéter en tant que tels, leur convergence interroge sur la pertinence de maintenir les orientations actuelles ou de choisir une simple évolution progressive, et non une évolution majeure. Envolée du coût des matières premières (non compensé pour le moment par des capacités de production hier non rentables qui aujourd’hui le redeviennent), difficultés logistiques d’approvisionnements, multiplication des zones de tensions et élévation du niveau de ces mêmes tensions, raréfaction en cours de certaines ressources, concurrence exacerbée à l’exportation avec des acteurs industriels non plus émergents mais pleinement émergés complexifiant l’atteinte du modèle économique marché domestique / marché export, difficultés et enjeux de recrutement mais aussi de fidélisation des talents, etc. Leur addition, en peu de temps, et l’incertitude qui pèse sur leurs évolutions à court ou moyens termes doivent obliger à penser autrement pour résoudre au mieux une équation complexe.

Au-delà du confort opératif mis à mal depuis quelques années pour les forces armées, avec une épée qui a pris une longueur d’avance sur la cuirasse (l’attaquant ayant tendanciellement un temps d’avance sur le défenseur) et une généralisation de certaines capacités nivellantes, le confort productif connu jusqu’alors est lui aussi en train de s’étioler. Hier, le cadencement globalement sous optimal (en qualité, en coûts, en délais) des capacités de développement et de production, sans revenir sur de multiples exemples connus de programmes en retard, trop chers, ou aux spécificités techniques non atteintes, pouvait éventuellement être une situation quasi-supportable (et encore, puisque des vies étaient en jeu). De plus, l’innovation technologique, permanente, brandie comme la garantie principale permettant de conserver un temps d’avance sur les risques, les menaces et les adversaires, pourrait être devenue aujourd’hui, par bien des aspects, plus une source de faiblesse qu’une source de force (de contraintes plus que d’opportunités). Avec des conséquences aujourd’hui non maîtrisées sur la complexification de la mise en œuvre des systèmes et donc la hausse des coûts d’entrée pour les utilisateurs et les maintenanciers (temps de formation, opérations plus complexes de maintenance…), la hausse des coûts de production, d’utilisation et de soutien, la réduction des effets de masse du fait des couts unitaires sur toute la durée de vie, etc. Enfin, l’assurance relative actuelle de la disponibilité des alliés (avec leurs capacités de production, la maitrise de certaines technologies ou la détention de certaines capacités), de leurs stocks, de l’accès aux matières premières ou transformées, des sources d’énergie disponibles, des outils productifs peu touchés à ce jour (en étant plutôt loin sur les arrières des lignes de front et peu visés par des approches indirectes : sabotage, piratage, etc.) et de la sécurité des flux (surtout perturbés, mais encore peu menacés, même si de premières alertes apparaissent) n’est en rien forcément une garantie pour demain [...]".
La suite est à lire dans le magazine. Commentaires bienvenus.

mardi 21 juin 2022

Eurosatory 2022 - Accompagner les pionniers de la DefTech française

Il y a 4 ans, l’accélérateur GENERATE de l’association professionnelle GICAT (Groupement des industries de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres) faisait ses grands débuts en public au sein de l’Eurosatory Lab, zone dédiée aux start-ups sur Eurosatory, le salon international de la Défense et de la Sécurité terrestres et aéroterrestres.

Des premières promotions de GENERATE, ils étaient encore quasiment tous là lors de l’édition 2022 qui vient de s’achever. Au milieu des quelques 100 startups, généralement duales, réunies sur ce même espace. Avec bien peu de cessations d’activités ou de pivotages vers d’autres secteurs dans l'intervalle. Le taux de pertes étant estimé à environ 2%, un taux considéré comme bas comparé à d’autres secteurs (qui sont entre 3 et 5%, ou plus).


Une DefTech de haute densité

Ces pépites de la DefTech française ont donc survécu aux différentes vagues pandémiques, aux vallées de la mort du développement de leurs produits, et à quelques autres embuches, notamment propres à des cycles de vente plutôt longs dans ce secteur si particulier. Tout en ayant assuré dans l’intervalle (notamment en 2018-2020), leurs premières levées de fonds, dites d’amorçage, avec des montants allant de 500.000€ à 1.500.000€. En attendant celles des membres des autres promotions de GENERATE, la 12ème promotion ayant été récemment intégrée, pour un total d’environ 80 startups couvées depuis 2017 (et 56 officiellement actuellement dans le programme d'accélération).

D’ores et déjà, certaines, plus rares, comme Preligens, ex-Earthcube, spécialiste dans l'analyse de données géospatiales assistée par intelligence artificielle, ont réalisé des tours de table plus conséquents, de plusieurs millions d’€. En plus de son outil Robin intégrant à ce jour 7 algorithmes de reconnaissance automatique (capables de détecter, classifier et identifier, avec des forts taux de succès validés lors d’appels d’offres auxquels ils ont participé, plus de 90 types d’appareils, certaines batteries anti-aériennes - et bientôt d’autres moins répandues, des navires – ainsi que leur état : à quai, sur docks, etc.), a lancé son outil Zebra de baptême terrain automatique, appui précieux notamment pour l’Etablissement Géographique Interarmées (EGI), pour identifier et donner un nom aux routes et bâtiments en quelques minutes, et ainsi faciliter les opérations.

Clore cette phase de levée de fonds d’amorçage ne fût généralement pas un long fleuve tranquille, avec un processus long (généralement bien plus d’une année), chronophage (des dizaines de pitchs pour évangéliser dans des univers financiers souvent non acculturés au milieu de la défense et de la sécurité), frustrant (avec plus d’un refus dans les dernières lignes droites pour des questions de compliance), etc. Conduisant à mettre parfois grandement en péril le fragile édifice d'innovation construit, qui malgré tout se révéla plutôt résilient. Tout en prenant pas forcément l'envol qui aura été possible avec quelques coups de pouce.

vendredi 6 mai 2022

Des stocks (du déstockage) et des flux, d'aujourd'hui et de demain

Une donnée d’entrée sur l’analyse des opérations en Ukraine et en Russie, et sur l’efficacité perçue ou réelle de tel modèle d'armée ou telle capacité, est la prise en compte, il est vrai pas simple à ajuster, de la question des stocks et des flux matériels (sans même parler de la question des ressources humaines).

Soit intégrer la disponibilité assurée dans le temps (court/moyen/long terme) de telle ou telle capacité avant de tirer les conclusions, faites par certains, que finalement, cela ne change pas grand-chose sur le modèle poursuivi ou les concepts d’opérations, les faiblesses capacitaires identifiées, leur priorisation, et la manière d’y remédier. Il est possible que telle ou telle capacité semble fonctionner, encore faut il, en préalable, avoir l'assurance de la détenir (à temps et en nombre).


Crédits : FSV / MA.

Sans minorer la part des Ukrainiens (dans les stocks initialement détenus, en partie recomplétés en propre par réparation et production, ou dans l’extension, plutôt horizontale, de ces derniers en allant chercher des matériels autres : drones civils, technicals, réemploi de matériels capturés…), force est de constater la part prise par les alliés. Alliés ayant des stocks relativement « conséquents » (car mis en commun), disponibles (car non utilisés ailleurs) et acheminables (via des moyens logistiques lourds, rares, eux-mêmes disponibles). Avec un effort logistique, si ce n’est pas colossal, du moins très important en lui-même (et peu à pas perturbé, pour le moment).

Or, après le précédent Irak-Syrie ayant lui aussi impacté parfois des stocks similaires, Libye de manière plus relative avant lui et après certaines "campagnes expéditionnaires" usantes et abrasives, combien de fois, dans quels délais et avec quelle ampleur des alliés seraient capables de soutenir et de réitérer un tel effort pour parvenir à soutenir tel ou tel allié (permettant d’éviter d’être ainsi en première ligne) demain ou après-demain ?

dimanche 1 mai 2022

Pour une révolution dans les affaires militaires (françaises) ! (+MAJ)

Alors que s’annoncent dans les semaines à venir la réalisation d’une revue stratégique (sous une forme ou une autre), les travaux préparatoires pour les éventuelles lois de finances rectificatives (LFR) de 2022, puis la nouvelle loi de finances initiale (LFI) de 2023, avant, à plus long terme, la finalisation de la future loi de programmation militaire (LPM) en 2025, ces travaux, si menés lucidement, sont autant d’occasion d’interroger les orientations stratégiques actuellement prises, et d’éventuellement les modifier. Non de manière cosmétique en décalant sur la gauche ou sur la droite tel échéancier physico-financier. Non par tel ou tel arbitrage garantissant avant tout un "acceptable" équilibre interarmées pour contenter tout le monde ou un saupoudrage industriel pour ne léser personne. Mais bien avec une urgente nécessité d’évolution plus radicale.

 
Sisyphe en tenue camouflée
 
La recherche effrénée d’atteindre un modèle d'armées dit complet, par réparation, par modernisation, pour la verticalité, ou par extension horizontale des capacités détenues, apparaît de plus en plus comme l’horizon indépassable d’une forme de confort. Un confort en fait mortifère, tel Sisyphe, pour le système concerné, et plus globalement pour la collectivité. Une atteinte d'un modèle complet et non un maintien d'un tel modèle, tant sont nombreuses aujourd’hui les ruptures capacitaires plus ou moins temporaires, ou les capacités tellement réduites qu'elles ne sont plus en mesure de produire un quelconque effet un peu sérieux (même de manière combinée). Comme dans le jeu de la taupe, une fois une rupture est comblée une autre apparait, plus urgente que jamais. Surtout que, vu le modèle extensif poursuivi, le champ des possibles à couvrir a tendance à augmenter plutôt drastiquement avec les nouveaux milieux et nouveaux champs (nouveaux, ou du moins pris en compte de manière plus prégnante). Champs et milieux dont la couverture n'est parfois même plus interrogée à l'aune de la balance contraintes / opportunités. Ainsi, sans choix tranchés d'évolution, avec aucun potentiel abandon décidé (choisi et non contraint), il s’agit en permanence de renouveler les anciennes capacités quasi point par point, sans faire autrement, et en plus d’augmenter la gamme des capacités détenues.
 

samedi 26 mars 2022

Exercice HEMEX ORION 2023 - Réussir à faire les choses en grand et le faire savoir (+MAJ 20/04/2022)

Durant les premiers mois de 2023 devrait se dérouler en France l’exercice ORION, grand exercice de niveau division, qui doit faire la démonstration des capacités françaises dans le domaine, et donnera l’occasion d’un nouvel état des lieux et d’un point d’avancement sur certains chantiers de régénération et de modernisation, notamment, des forces terrestres. ORION étant l'acronyme pour "Opération d’envergure pour des armées résilientes, interopérables, orientées vers la haute intensité, et novatrices". #passionacronyme Dans la continuité de précédents jalons récents, comme l'exercice Warfighter 21-4 mené l'année dernière aux États-Unis.


Cet exercice, complexe, s’inscrit dans une actuelle hausse de l'effort de préparation opérationnelle, afin que les forces terrestres soient mieux préparer. Et qu'elles se préparent à des opérations relativement différentes dans la forme de celles connues au cours des dernières années. Avec des engagements plus durs, des changements d’échelles, et dans différents champs. D’où le renforcement nécessaire des moyens consacrés à la préparation opérationnelle, avec un changement d’échelle des exercices, en rehaussant les difficultés (une durée des exercices s’allongeant, une coordination nécessaire de diverses capacités, des forces adverses renforcées, etc.) et l’ampleur : "La haute intensité, ce n'est pas que le nombre de chars. C'est la saturation dans tous les domaines : flux logistiques, nombre de blessés, flux électromagnétiques… C'est le retour de la masse : il faut pouvoir s'entraîner avec de plus gros volumes de forces", expliquait le général Vincent Guionie, commandant des forces terrestres françaises.
 
Comme le précise un rapport parlementaire, reprenant l'idée de manoeuvre générale de l'armée de Terre à propos de la prépération opérationelle : "Certains domaines comme la cyberdéfense, la lutte anti-drones, la navigation terrestre ou la prise en compte des effets dans les champs immatériels sont désormais associés à tous les niveaux de la programmation opérationnelle et intégrés systématiquement dans l’élaboration des exercices interarmées ou interalliés. En outre dans le cadre de la Haute Intensité, l’armée de Terre opère un durcissement de l’entraînement des forces terrestres. Elle augmente la complexité de ses entraînements par la constitution d’une force d’opposition à niveau égal, apte à la défier dans tous les domaines du combat mais aussi par la réalisation de grands exercices du niveau divisionnaire, dont la première occurrence, ORION, se tiendra en 2023. Par ailleurs, elle adapte les conditions intellectuelles et matérielles de sa préparation opérationnelle, en mettant en œuvre de nouvelles méthodes de formation et d’entraînement fondées sur la maîtrise de la technologie, la résilience face à sa disparition, l’initiative et l’endurance".

D'un déroulé longue durée

L’exercice HEMEX-ORION (HEMEX pour Hypothèse d'engagement majeur - Exercice) est prévu en plusieurs temps, entre février et mai 2023, avec quatre séquences principales :
  • La phase O1 consistant en une période de planification opérationnelle ;
  • L’activité O2 comprenant la projection et l’intervention d’une force équivalente à l’Échelon national d’urgence (ENU), récemment modernisé, qui garantit une capacité de réaction autonome aux crises ;
  • La phase O3 prenant la forme d’un séminaire interarmées et interministériel, permettant d’étudier l’adaptation de la posture opérationnelle de défense en cas d’affrontement majeur (s'appuyant potentiellement sur des moyens de Wargaming) ;
  • La phase O4, à partir d'avril, qui verra l’engagement en coercition, à terre, d’une division multinationale après une campagne aérienne censé permettre la conquête de la supériorité aérienne et son maintien.
Il s’agira, sous la houlette de la 3è division, de remettre à la fois la brigade au cœur du déploiement (niveau rarement vu ces dernières années en entier), la division comme intégrateur des effets interarmes-interarmées sur les lignes de fronts comme sur les arrières, et, globalement, de faire effort important sur les soutiens. Plus que de se concentrer sur une période plus ou moins longue, il est prévu de l’inscrire dans un temps long, représentatif d’une montée des tensions, et d’un passage de la phase de contestation à celle de l’affrontement, selon le triptyque cher à l’actuel chef d’état-major des armées. Comme le résume en interview le commandant des forces terrestres, le général Guionie : "L’exercice Orion sera un rendez-vous majeur qui, durant quatre mois, va nous permettre de retranscrire tout l’enchaînement d’une crise. La séquence majeure pour l’armée de Terre étant la dernière, à savoir celle qui se déroulera au mois d’avril. Cette phase verra le déploiement d’une division dont l’objectif sera de figer une situation et d’empêcher un adversaire de mettre en œuvre une politique du fait accompli".

mercredi 16 mars 2022

Retours et perspectives - Un an après l’exercice Warfighter 21-4 et quasi un an avant l'exercice HEMEX Orion 2023 (+ MAJ)

« L'armée française n'est pas prête pour un combat de haute intensité », « Pourquoi l’armée française ne serait pas préparée pour une guerre contre l’Ukraine », ou encore, de manière plus prudente, sous la forme interrogative, « L'armée française est-elle prête pour les conflits de haute intensité ? ». Les titres d’article et les développements associés ont fleuri ces dernières semaines sur le sujet, suivis de commentaires plus ou moins définitifs. Il serait possible d’apporter de la mesure et de la nuance en évoquant notamment le fait que si le cas se présentait, la question ne serait plus vraiment rhétorique, mais que, puisqu’il aura été décidé d’y aller, cela serait fait, avec ce qu’il y a. Et que les développements observés pourraient apporter des réponses bien surprenantes par rapport aux avis précédemment émis. Du fait même de l’aspect caméléon de la guerre ou de la difficulté à la positiver : la non quantifiable friction, les forces morales, les relations dans l’étonnante trinité peuple/armée/gouvernement, l’apprentissage et l’innovation sous contraintes, etc. En espérant ne pas avoir à connaître, si possible, ce révélateur de l’affrontement des volontés, il est toujours possible de s’en approcher par des voies détournées, bien que parcellaires.


Du cadre général

Il y a quasi un an, du 6 au 15 avril 2021, s’est tenu l’exercice Warfighter (l’édition dite 21.4), durant 10 jours et 9 nuits, menée, notamment pour la partie française, à Fort Hood au Texas (USA), sous la direction de l'US Army’s III Corps (US). La 1st Armored Division (US), la 3rd Division (UK) et la 3è division (FR) ont mené un exercice de simulation multi-sites de postes de commandement, sans troupes déployées. Exercice représentant un effort majeur pour l’armée de Terre française, alors qu’un effort particulier était fait depuis peu pour remettre un pied vers l’exigence de « la haute intensité ». Comprise comme « un affrontement soutenu entre masses de manœuvre agressives se contestant jusque dans la profondeur et dans différents milieux l’ensemble des champs de conflictualité (physique et immatériel) et dont l’objectif est de vaincre la puissance de l’adversaire ». Cet exercice s’intégrait en particulier dans le Strategic Vision Statement (SVS) signé entre les chefs d’état-major de l’armée de Terre et de l’US Army en 2015, donnant une feuille de route pour développer l’interopérabilité. Si l’armée de Terre britannique était à sa 4è participation à ce genre d’exercice, dans le cadre d’une vision stratégique similaire, il s’agissait d’une première pour l’armée de Terre française.

Environ 1.000 militaires français étaient engagés, soit 550 joueurs et 450 pour l’environnement de soutien et de transmissions. Un chiffre et un ratio soutenus/soutenants intéressants en soit quant à la taille d’un PC de division, cf. ci-dessous, qui, en temps normal, compte environ 300 personnels, et fût renforcé, et étayé pour l’occasion pour représenter un environnement représentatif des unités placées sous son commandement. Avec un PC pensé pour commander l’équivalent de 25.000 militaires (échelon de commandement intégré, troupes de manœuvre et soutien national associé). La division française, qui combattait côte à côte avec les divisions américaine et britannique, comptait dans ses rangs une brigade américaine (la 2/4 ID), soit 800 hommes, représentés par leur PC, en plus de la 2è Brigade blindée et de la 11è Brigade parachutiste côté français.

Il s’agissait d’un exercice non mené à un tel niveau par l’armée de Terre depuis de longues années. Les plus anciens se rappelant les ambitieuses manœuvres comme "Moineau Hardi" (Kecker Spatz), "Damoclès", ou "Fartel" dans les années 80/90. Ou plus récemment (et encore), de Joint Sword en 2006, mené en Allemagne (sur le camp de Wilflecken, avec l'Etat-Major de Forces (EMF) n°4 sous commandement d'un corps d'armée néerlandais. Un exercice Warfighter 21-4 qui a demandé 2 ans de préparation côté français, avec 8 mois d’entraînement intensif au niveau division, avec des préexercices notamment en Allemagne, avant l’échéance. Et un exercice qui n’avait pas été joué avec un tel volume de forces (réel et simulé) depuis 35 ans côté américain. Il s’agissait d’un exercice de type Command Post eXercise/Computer Assisted eXercise (CPX/CAX) programmé par l’US Army Forces Command (FORSCOM) et conduit par le Mission Command Training Program (MCTP) pour entraîner, évaluer et certifier des états-majors de corps et de divisions. Avec un scénario s’appuyant sur capacités de simulation, cf. ci-dessous, en plus de l’environnement humain composé d’arbitres et de conseillers, pour opérer face à un adversaire réaliste et à parité : celui-ci détient plus de drones que les forces amies, il maitrise les cyber-attaques, il possède une artillerie nombreuse et avec une très forte allonge, ses blindés sont supérieurs en qualité et en quantité aux blindés amis, la désinformation est permanente, etc. Le scénario choisi visait à réagir suite à un Etat qui avait occupé illégalement une large partie de l’Est de l’Europe, qui souhaitait tenir le terrain, les forces amies devant le reprendre, et le tenir jusqu’à ce que des forces amies simulées viennent relever et/ou renforcer les forces joueuses.

lundi 7 mars 2022

Du Génie dans les opérations en Ukraine (en cours - 07/03/2022)

Réserves introductives d’usage évidemment : avec le brouillard de la guerre obscurcissant des pans entiers des opérations, un manque de recul surtout sur les aspects micro-tactiques des opérations (et une meilleure visibilité – toute relative - sur le niveau opératif et stratégique), de nombreux biais possibles d’analyse, une situation dynamique et évolutive, des courbes d’apprentissage en cours des deux côtés...

Le Génie est une arme servant, "en gros", à garantir la liberté d’action des forces amies et à réduire la capacité de manœuvre adverse. Elle peut, en théorie, mettre à disposition de la force, en phase offensive comme en phase de stabilisation, une boite à outils de capacités extrêmement variées.

Intégrant les composantes "combat" et "infrastructures" (qui sont séparées en France), l’arme du Génie dans les forces armées russes est une subdivision propre, qui a, comme d’autres composantes, connue une modernisation relative au cours des dernières années (en quantité - en partie, et en qualité), notamment matérielle (nouveaux robots de déminage, ponts modernisés, blindés de bréchage…).

 Crédits : Oryx.

Protection sommaire sur un moyen de franchissement du Génie de l'armée russe.

Les unités russes du Génie, au déclenchement de la nouvelle phase d’invasion de l’Ukraine en février, bénéficient, en théorie, du retour d’expérience des opérations menées en Ukraine depuis quelques années (avec un fort focus sur la partie protection de la force) et en Syrie (avec un fort focus sur la partie déminage / dépollution).

Alors que les moyens du Génie étaient bien observés (notamment via le renseignement d’origine image des satellites) dans la phase de montée en puissance/pré-positionnement/entraînements pré-déclenchement des opérations, il y a, à ce jour, une très faible observation depuis de l’engagement de moyens Génie : rares ponts mobiles (sur camions ou blindés, type TMM-3 ou PMP) - peu ou pas utilisés, peu ou pas de blindés de déminage/bréchage, peu de moyens d’aménagement du terrain type tracteurs, bulldozers, etc. (des KamAZ, ou BAT-2), peu de moyens de déminage portatifs, quelques matériels de génie d'assaut, etc. Que cela soit dans les images/vidéos des pertes sur le terrain, des convois circulant en territoire ukrainien, des images de la communication opérationnelle russe (plus nombreuses depuis quelques jours pour reprendre l'offensive aussi dans ce domaine), etc.