Quels liens entre les vols de sportifs extrêmes en combinaison ailée (ou ‘wingsuit’), ceux des pilotes de voltige aérienne et le monde de la défense ? Clairement un certain niveau d’exigence, mais aussi des drones. Et même des drones volant à plus de 300 km/h, permettant par leur maniabilité et leur fiabilité d’assurer des prises de vues au plus près des parachutistes et des avions filmés, et éventuellement de répondre à d’autres besoins du fait de leurs caractéristiques.
A la croisée des deux mondes
C’est en mêlant ces deux mondes que s’est créée en 2024 la société française Asterodyn. Elle combine les expériences de pilotes de ces drones ultra-rapides de captation de vidéos, d’ingénieurs développant depuis quasi 10 ans ces machines sur-mesure pour répondre à ces besoins bien spécifiques et de spécialistes des services aériens, experts notamment en navigabilité et maintenance. La société propose maintenant une gamme de plusieurs drones véloces destinés à un usage militaire. Certains fondateurs, en école d’ingénieurs ensemble, avaient beau avoir pris des chemins bien différents ces dernières années, ils se sont finalement retrouvés autour d’un même projet, portés par les mêmes valeurs.
Les drones de cette gamme, pilotés au moyen de lunettes type ‘First Person View’ (FPV), volent aujourd’hui. Leur design permet à la fois des accélérations fulgurantes (0 à 300 km/h en moins de 2 secondes), des vols sur place d’une grande stabilité, et plus globalement un faible niveau de vibration (pour éviter des images non nettes lors des prises de vues pour les usages civils). Les charges utiles embarquables peuvent être variées entre caméras de différentes sensibilités, boules optroniques, charges de renseignement électromagnétiques, demain des charges explosives, etc. L’énergie cinétique dégagée en impact direct, vues les vitesses des drones, est aussi pensée pour suffire en tant que telle sur certains cadres d’emploi, notamment pour des drones anti-drones.
Des drones qui volent, notamment depuis des appareils à voilure fixe ou tournante
Du fait même du milieu d’origine des fondateurs et des premiers usages civils, ces drones ont déjà été employés dans des scénarios d’emploi variés, avec parfois avec plus de 200 vols à leur actif pour certains modèles : vols en haute montagne, en haute altitude, en milieu urbain (entre des arches de ponts, etc.), en étant lancé à la main depuis un avion, un hélicoptère ou un ULM par la porte ou la tranche arrière, etc.
Certains modèles de drones récemment développés ont aussi été mis en œuvre lors d’expérimentations par des militaires français, pour certains en étant largués et pilotés depuis un hélicoptère utilisé dans les armées françaises. D’autres vols doivent avoir lieu prochainement pour ces mêmes usages, suite à des premières livraisons en cours à des fins d’expérimentations. La société aujourd’hui commence à sortir d’une logique de production quasi artisanale à une production en proto-série. Le tout en favorisant dès le début un sourcing français ou européen, parfois complexe à obtenir pour certains composants, mais vu comme absolument nécessaire vus les usages.
L'intelligence artificielle embarquée au juste niveau
Du fait du niveau de l’expérience nécessaire pour utiliser à sa juste mesure ce type de drones rapides, une aide au pilotage est jugée absolument nécessaire par la société pour permettre une plus large diffusion au sein des forces armées, et réduire le temps de maitrise des drones par les futurs opérateurs de drones. La saturation cognitive engendrée par le pilotage rapide oblige pour certaines phases (notamment le ciblage) de s’appuyer sur des aides. Ainsi, pour garantir la supériorité informationnelle et décisionnelle, des briques logicielles employant l’intelligence artificielle sont en cours de développement.
Asterodyn s’appuie pour cela sur la société française HawAI Tech, spin-off du CNRS (Centre Nationale de la recherche Scientifique) et de l'INRIA (Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique). Des premiers vols avec une IA embarquée de guidage, pour développer notamment des solutions anti-drones voire anti-aéronefs, sont prévus pour cette année. HawAI Tech, en plus de fournir ces puces de calcul à basse consommation d’énergie (qui rivalisent avec celles du géant NVDIA), proposera ces solutions pour automatiser la planification des missions, en s’appuyant sur ses modèles d’IA probabilistes (donc explicables).
Le retour du temps des CL-289 ?
Les vitesses atteintes, de l’ordre de 400 km/h via de la propulsion électrique multicoptére, visent à répondre aux exigences opérationnelles demandées face à la densité de plus en plus importante de la lutte anti-drones cinétique et non-cinétique lors de missions offensives. La ligne de front n’est plus une mince bande de quelques centaines de métres, mais bien une large bande de plus de 10 à 15 km, avec une forte densité de brouillage, qu’il faut franchir « en force » ou via des manœuvres combinatoires et complexes pour ouvrir des brèches, et pouvoir frapper dans les arrières. Pour rappel, plus de 95% des drones utilisés actuellement en Ukraine sur les 1,6 millions de drones utilisés en 2024, sont de type munitions téléopérés de courte portée (MTO-CP) dans la frange des 5 à 10 km de distance. Avec un autre mode de propulsion, des vitesses supérieures sont aujourd’hui atteintes par des drones équipés de micro-turbines (sur le modèle de ce que développe EOS Technologie, par exemple), avec là aussi la volonté de pouvoir frapper dans la profondeur du dispositif ennemi, à plus de 100 km de la ligne de front.
Tout l’enjeu est alors de disposer de drones qui, plus que de répondre parfaitement au besoin, sont suffisamment adaptés au besoin et à couts maitrisés (plus que consommables), en développant les synergies sur le vecteur à la fois de renseignement et de frappe. Autant de défis à relever pour les industriels en s’appuyant sur un futur centre d’entrainement tactique de drones prévu pour l’armée de Terre. Un centre qui, avec une réglementation dédiée, permettra d’assurer à la fois les expérimentations et les entrainements nécessaires pour maitriser de tels équipements.
Il y a plus de 30 ans, l’armée de Terre mettait en œuvre le CL-289, un drone véloce, sorte de missile pré-programmé. Son successeur de nouvelle génération pourrait avoir du sens aujourd’hui pour la reconnaissance à basse altitude et dans la profondeur, pour participer à la boucle d’acquisition et de délivrance des feux. Un sacré défi à relever à haute vitesse.
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