Réussir à se saisir des idées remontées
par les utilisateurs pour en accompagner la phase de maturation et les conduire
jusqu’à un éventuel passage à l’échelle.
Un projet de Munition TéléOpérée
(MTO) dite ‘Fronde’ a été développé par un sous-officier, membre du Groupement
des Commandos Parachutistes (GCP) du 1er régiment de Hussards
parachutistes (RHP), avec son binôme, pilote à ses heures perdues de drone de type FPV (First Person View).
La dénomination de Fronde est en lien avec l'histoire décrite dans l'Ancien Testament du jeune David qui terrasse le géant Goliath avec sa fronde.
Par la veille personnelle faite sur
les médias sociaux et l’expérience accumulée au cours d’une quinzaine d’années
d’opérations, le potentiel d’un tel système couplant drone et munition a tout
de suite sauté aux yeux de ces militaires. L’idée de coupler une plateforme existante et une munition disponible en nombre remonte à quasi 2
ans, avant que les vidéos de l’emploi de ces systèmes fleurissent après
leur utilisation massive dans les récents conflits, notamment dans les
opérations en Ukraine et en Russie post février 2022.
Avec son idée, le sous-officier porteur du projet a aussitôt pris
contact avec le référent innovation présent dans chaque régiment de l’armée de
Terre pour être accompagné dans la rédaction d’une fiche HAPPI, le réseau social interne de l'innovation, décrivant succinctement
le potentiel de l’idée, et proposant une approche capacitaire de type DORESE
(doctrine, organisation, équipements, soutien...). Entre un sous-officier ayant une formation
initiale avant de rentrer dans l’armée dans les procédés industriels et un référent
innovation passé par l’École Polytechnique, le courant est bien passé pour
avoir une approche technique d’amélioration de l’existant, tout de suite porté
vers un possible passage à l’échelle en petite/moyenne série.
Dans le cadre du soutien au niveau central de l’innovation participative, un budget de quelques dizaines de milliers d’euros a pu être
récupéré. Il a pu être complété par une partie du budget d’innovation décentralisée
à la main de chacun des chefs de corps depuis quelques années. L’objectif est d’ailleurs dans les
années à venir d’augmenter ces montants annuels (de l’ordre de 10.000€ et plus),
pour permettre d'encore plus amplifier le soutien possible à de l’innovation décentralisée.
Le budget a notamment permis de développer un FabLab
régimentaire, avec l’achat de moyens de CAO (conception assistée par ordinateur), des imprimantes 3D,
etc. Et ainsi réaliser les plans du système au standard 1 et de développer
notamment le système de mis à feu du standard 2, couplant un système de
sécurité physique et un système de circuit électrique (ouvert puis, lors de la
mise à feu par l’opérateur, se fermant pour initier la charge). D'autres
projets portés par la récemment créée cellule d'anticipation et d'innovation du régiment (rattachée
au Bureau Opérations Instruction du régiment) peuvent maintenant aussi profiter
de ce FabLab.
Pour conserver une approche à coûts maitrisés, le projet s’appuie
pour la partie munitions sur les grenades à fusil existantes (type APAV 40), encore détenus dans des
volumes importants. L’embout servant à être mis sur le canon ou le frein de bouche des armes
individuelles est retiré (car inutile) pour gagner en poids et donc en durée
de vol pour le drone porteur, et il permet l’initiation de la charge par le
système sécurisé de mise à feu développé. Ces grenades à fusil, parfois
complexes d’emploi pour avoir une bonne précision avec les armes individuelles,
gardent néanmoins des pouvoirs de pénétration intéressants, en perçant une
épaisseur de blindage non négligeable. Et surtout, elles existent déjà.
Même approche pour le porteur qui a été repris chez un
droniste français, connu pour sa capacité à concevoir des produits sur-mesure,
grâce à une forte expérience du développement agile. Le drone est de plus déjà
connu des autorités, offrant donc des garanties certaines pour la sécurité des vols, et donc limitant le temps
nécessaire pour obtenir certaines autorisations quant à la fiabilité du système.
Quelques modifications mineures sont réalisées, notamment pour fixer la charge
utile embarquée, mais en nombre réduit pour ne pas perdre un temps précieux
dans le développement du projet.
![](https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgoO51eNcAPNZstBtJOZ8u0Mfsy3j2cIGpCcu9L99IjN_dq8JA2d7hepJPK7AjFZEc9BsJeB7WalwCALtrf67NXy3ZqzYQfA9SjPIcIIQXGrS2Rv_wx_12c8ltSCKHW-DqJ7RYp9UHmMFjHchDHb2L24KOQpO5Ij-N5a_vQGDhx2b61RW4QpJNaag3Z7PpK/w300-h400/1732120524219.jpg)
Après des premiers essais de vol
pour la précision du système il y a quelques mois, des premiers tirs dynamiques
de la version 2 sont prévus pour début 2025, avec la Direction générale
de l'armement - Techniques Terrestres (DGA-TT). Si les essais sont
concluants, et qu’un Acte Technique peut-être signé par la DGA, un éventuel
passage à l'échelle pourrait être décidé : à la fois sur la modification de
la charge pyrotechnique, sur l’acquisition des plateformes et sur l’industrialisation
de l’interface charge/porteur.
A ce stade, le système coûte autour de 6.000€ (porteur, manette de pilotage et de visualisation, et charge), est moins lourd et moins encombrant qu’une roquette de type AT4, tout en pouvant porter plus
loin et avec un pouvoir de pénétration non négligeable. Une solution pertinente surtout si les efforts
actuellement menés sont poursuivis quant à la résistance au brouillage des flux pilote/MTO. De quoi potentiellement déployer rapidement une capacité au sein des unités de combat, surtout qu’il a été estimé, après essais
auprès une population représentative de possibles utilisateurs, qu’environ 3 semaines étaient nécessaires pour passer
de télépilotes novices à télépilotes un minimum opérationnels. Les premières formations de pilotage de drones FPV devraient prochainement être lancées en 2025 par l'armée de Terre, notamment au sein de l'Ecole des drones à Chaumont (Marne).
En jouant de l'alliance de l'innovation participative,
issue des forces, et de l'innovation planifiée, issue plutôt de l’extérieur, ce
projet illustre bien l’enjeu que doit relever l'ensemble des acteurs participant à l'adaptation de l'armée de Terre, au premier rand duquel le Commandement du combat futur (CCF), pour permettre d'être prêt autant que possible "dès ce soir" et encore plus demain à s'engager dans le combat aéroterrestre.