mercredi 13 mai 2009

Dernières nouvelles du front


En Afghanistan, de récents articles anglo-saxons ont fréquemment mis en avant ce qui pourrait s’apparenter à une rupture ou juste à un effet de mode alarmiste. Depuis la fin du mois d’avril, les journalistes relèvent l’apparition de nouveaux moyens anti-aériens aux mains des insurgés. Les voilures tournantes de la Coalition, indispensables pour le transport tactique (hommes ou matériels), les EVASAN et l’appui, seraient visées.

Les hélicoptères de la Task Force Helmand, armée par les troupes de Sa gracieuse Majesté, seraient les plus menacés pour deux raisons. Tout d’abord, le Helmand est la région la plus pourrie d’Afghanistan actuellement. Les insurgés conservent la capacité de monter des opérations contre des Platoon-houses (la FOB britannique tenu par une grosse section renforcée) en mobilisant des colonnes convergentes de dizaines de combattants. De plus, le récent retrait d’Irak et la fréquence des pertes au combat offrent un contexte exploitable pour influencer le soutien de l’opinion publique britannique et la forcer à faire pression sur son gouvernement.

Les 8 500 Britanniques bénéficient de l’apport de huit hélicoptères Chinook. Le relief relativement plat de la zone d’opération permet à ces hélicoptères de voler sans difficulté et sans restriction de charge : une section complète avec armes et bagages à 40 personnels. Imposant par sa masse et au déplacement relativement lent, ce sont des cibles abordables pour des insurgés sans moyens sophistiqués. Pour les pilotes, il faudra comme avant s’adapter à la menace avec des plans de vol aléatoires, l’escorte d’hélicoptères d’attaque Apache, des altitudes et des vitesses d’évolution variées, les contre-mesures, etc. Ce n’est pas sans rappeler l’Irak (un ou deux années après l'offensive et juste avant la grande mode de la lutte anti-IED) où des cellules insurgés s’étaient spécialisés dans la destruction d’hélicoptères et avaient réussi à en abattre plusieurs en quelques jours.

Fin avril et début mai, les forces de la Coalition ont découvert une demi-douzaine de mitrailleuses lourdes montées sur des pick-up ou des tracteurs. Ce seraient des modèles soviétiques de calibre 14,5 mm monotubes (ZPU-1s) ou bitubes (ZPU-2s), déjà rencontrés durant la guerre du Vietnam. Un chasseur et un drone américains en ont détruit deux sur les hauteurs bordant la ville de Lashkar Gah où est installé le QG de la TF Helmand. La base est fréquemment visitée par des autorités: “The Taliban almost had a "spectacular" success when they hit a British Chinook which was carrying Gulab Mangal, the governor of Helmand, with AAA hidden in a wadi dry river bed. The pilot, Flt Lt Alex Duncan was awarded the Distinguished Flying Cross for landing the aircraft safely after a round punched a large hole in a rotor and damaged the hydraulics”.

Les services de renseignement tentent de remonter la piste de ces équipements récemment acquis par les Taliban, sans doute grâce au contrôle des juteux bénéfices du trafic d’opium. Plusieurs pistes sont étudiées : une filière chinoise via le Pakistan ou par les 70 km de frontières communes Afghanistan-Chine, l’achat auprès des trafiquants d’armes de la région frontalière iranienne, directement auprès de certains services de Téhéran ou même du Hezbollah.

Il faut noter que les journalistes abordent la question sans tomber dans le piège de la facile analogie avec les fameux missiles Stinger, « livrés en masse par la CIA à la résistance anti-soviétique » (sans oublier les SAM 7 par exemple). De récents témoignages d’acteurs ont contredit ce qui est avant tout une facilité historique pour expliquer le dénouement final des dix années de présence soviétique. Ex-militaire de la 40ème Armée soviétique et ancien chef de guerre afghan viennent confirmer d’un même cœur cette thèse : il y a eu ces missiles sol-air dans les dernières années du conflit (à partir de 1986 précisément et pour plus d'informations lire les pages 65-67) mais cela n’a pas été déterminent pour le retrait (déjà décidé avant) ou la défaite (selon les points de vue) des Soviétiques.

L’ISI pakistanais était responsable de l’acheminement de ces MANPADs via le Pakistan. Il semble qu’il s’en appropriait une bonne moitié et distribuait le reste aux factions (souvent les plus fondamentalistes) qu’ils soutenaient, principalement issues des immenses camps frontaliers de réfugiés. Certains ont donc bien été utilisé contre les hélicoptères Mi-8 ou Mi-24. Mais c’est durant ces années d’emploi que les Soviétiques obtiennent les meilleurs résultats de contrôle de l’Afghanistan (le long des grands axes de communications) avec un taux de pertes en chute constante. Et comme le dit le colonel Kulakov (interprète à l’époque, aujourd’hui professeur à l’académie militaire de Moscou et invité récemment par le CDEF), une fois la surprise passée, les pilotes se sont adaptés en surveillant autant les crêtes que les fonds de vallée, en ayant des plans de vol non routiniers et des progressions en binôme, etc.

Ainsi, on est bien loin du folklore distrayant mais peu réaliste du film : La Guerre selon Charlie Wilson.

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