mercredi 29 mai 2024

"Drone Warfare" par Thales - Une approche collaborative pour le combat collaboratif avec et par les drones

Travailler ensemble, de manière ad hoc, pour garantir le développement de drones de contact (moins de 150 kg) intégrant le meilleur de différentes entités qui aujourd’hui foisonnent en France. Évidence sur le papier, cela ne l’est pas forcément dans les faits, du fait même d’un éclatement de la filière française des drones, et d’une maturité encore relative du marché (côté offre comme côté demande). Mais c’est le pari que tente Thales et un ensemble de partenaires, PME et start-ups, via l’initiative Drone Warfare. L’évolution rapide du besoin demande une forte agilité en développement et en introduction des solutions au sein des forces, le but ultime, en lien avec les autres systèmes utilisés dans la bulle aéroterrestre.
 
 
Cet écosystème regroupe différents plateformistes ou équipementiers, ayant des briques d’intérêts : détecteurs infrarouges miniaturisés de Lynred, boules optroniques légères gyrostabilisées de Merio, interfaces standardisées d’Hexadrone… Avec l’appui de Thales, systèmier-intégrateur, sur d’autres points forts : liaisons de données stables et sécurisées, intégration de l’IA embarquée via cortAIx, etc. Quelques focus permettent de mieux comprendre l’intérêt d’une telle démarche, avec des avantages attendus allant au-delà des seuls aspects liés aux drones. 

Opérer avec et par les drones et les robots grâce aux fonctions de systèmier-intégrateur
 
D’importants travaux de développement sont menés actuellement par Thales sur la Vectronique Commune Scorpion - Nouvelle Génération (VCS NG) pour permettre l'intégration des drones aériens et des robots terrestres au sein du du programme Scorpion. Ce cœur numérique battant qui permet le combat collaboratif. Une première démonstration sur un blindé Griffon standard est prévue dès cette année, pour avancer sur « la marsupialisation » du combat terrestre, avec une plateforme mère, ici un Griffon, ayant des capacités déportées (observation, frappe, etc.).
 

Version ROEM du drone Spy'Ranger avec les antennes caractéristiques, sur les côtés, de collecte des signaux éléctro-magnétiques

A ce jour, des applications opérationnelles matures sont attendues à partir de 2025, à un standard 1, et en 2027 pour un standard plus avancé. Les capacités de calculs (CPU) déjà embarquées dans les Griffon produits et livrés aux forces permettent d'intégrer de nouvelles fonctions de ce type, en affichant sur les Interfaces Homme Machine (IHM) les retours des drones/robots ainsi qu’en ayant les capacités de les orienter/contrôler. Des briques algorithmiques seront aussi intégrées, avec des premiers développements avancées pour des options de scan de zone, par exemple. Si l'intérêt opérationnel se confirme bien, une telle capacité sera intégrée via des incréments de contrats encore à négocier. L'initiative Drone Warfare doit permettre de faciliter de tels développements en favorisant une certaine standardisation des solutions, en partie au niveau des systèmes de gestion ou des Universal UAS Management Systems, par les stations comme par l’avionique embarquée.

 Les développements de Toutatis, la solution souveraine de munition téléopérée de contact
 
En parlant d’avionique, le travail conjoint réalisé depuis novembre 2022 par Aeromapper (intégrée au sein de Thales depuis quelques semaines) et Thales sur la munition téléopérée (MTO) Toutatis porte ses fruits. L’objectif est de permettre à la France de commencer à rattraper son retard dans le domaine, avec déjà la 5ème version de cette MTO. Toutatis intègre une avionique Aries, développée par Aeromapper, certifiée SAIL II, et garantissant un haut niveau de redondance. Aeromapper est spécialiste de ces solutions ayant développé la suite Cerbère, certifiée elle SAIL III, une première en Europe, qui autorise le vol au-dessus de zone habitée (via triplexage et du fait de l’absence de point unique de défaillance). Un premier contrat à l'export (pays non précisé) a été signé, et entre 500 et 1.000 munitions doivent être produites en 2025, sauf si d’autres contrats sont signés d’ici là et conduisent à devoir augmenter les cadences. Le positionnement, sur un créneau différent de la Switchblade (qui connaitrait actuellement quelques difficultés d'utilisation sur le front ukrainien du fait de l'environnement éléctro-magnétique) en termes de masse et élongation doit lui permettre de trouver son marché. La MTO sera fabriquée en France, notamment à La Ferté Saint Aubin pour la charge militaire de 1 kg, et à Élancourt pour l’assemblage finale de la plateforme.
 

Actuellement, des vols d'essais sont menés toutes les semaines. Après des vols avec guidage terminal sur des cibles fixes, les premiers vols pour le guidage terminal sur des cibles mobiles doivent avoir lieu très prochainement. Évoluant en piqué dans sa phase terminale (à plus de 160 km/h), moteur éteint pour plus de discrétion, Toutatis est prévu pour fournir 30 minutes de playtime sur zone à 10 km de portée (avec une vitesse de croisière de l’ordre de 100km/h). MTO portable, le déploiement est garanti, pour des questions de protection des équipages, en moins de 2 minutes. Des scénarios de déploiement depuis des véhicules blindés légers sont aussi à l’étude. Des vols en essaim à 9 munitions (avec 3 trinômes, comme unité de base de communications entre drones) sont aussi prévus en 2025, tandis que se poursuit le développement de l’automatisation du vol en se passant de GPS (via comparaison d’images et autres solutions).

"Marsupialisation" toujours, la PME française Aviation Design est en cours de développement du drone hybride tactique léger Epervier, en carbone, qui, dans sa baie d’armement, pourra embarquer 2 munitions Toutatis. Elles seront largables en vol, tout en maintenant les capacités d’observation ROIM du drone. Les premiers largages sont prévus cette année pour une finalisation du développement attendue en 2025. Via la livraison et la fabrication sous licence de drones de frappe en Ukraine depuis quelques semaines, la PME gagne en maturité sur tous les aspects de vol en environnement brouillé, à la fois via des vols préprogrammés mais aussi via d’autres solutions.
 

Une coordination qui doit porter ses fruits via les futurs programmes
 
Pour cette initiative de fusion des compétences, l’heure de vérité sera évidemment les succès commerciaux et opérationnels des solutions, avec d’ores et déjà des produits « combat proven » des uns et des autres. Il faudra que les solutions développées fassent leurs preuves dans un environnement changeant et complexe. Il est ainsi intéressant de noter qui sont les acteurs déjà présents aujourd’hui, ceux qui ne le sont pas, ceux qui regardent cela avec prudence et ceux qui rejoindront ou pas l’initiative dans les prochaines semaines et les prochains mois. Aujourd’hui, un ensemble d’accords de type MoU sont signés, couvrant des points très variés allant du technique au commercial (notamment à l’export), en passant par le marketing, etc. In fine, l’approche ouverte et collaborative de Drone Warfare doit permettre la nécessaire massification lors de la phase d’industrialisation, via des méthodes et des processus qui auront pu être pensés dès la phase amont du fait de la proximité créée.
 
Les programmes d’acquisition à venir en France comme à l’export seront les vecteurs qui permettront de pleinement rentabiliser ces efforts et de valider le pari, avec des attelages qui naitront de cette approche, via cotraitance, sous-traitance, etc. En France, c’est notamment le cas pour le programme SDTL (Système de drone tactique léger), dont l’appel d’offres (ou RfP) ne devrait pas tarder à sortir dans les jours qui viennent, avec des évaluations (normalement) prévues fin 2024/début 2025 des solutions retenues pour le dernier round. C'est sur le terrain, et avec le retour des utilisateurs, que l'approche collaborative et ouverte devra montrer toute sa pertinence.

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