lundi 24 mars 2025

Mission (pas totalement) impossible - Sur les matériels d'origine française au sein des forces armées américaines

OK guys, il y a des matériels américains (des systèmes complets ou des sous-systèmes) en service au sein des forces armées françaises, parfois critiques et avec des restrictions. Mais quid de matériels d'origine française au sein des forces armées américaines ? Sans en faire là aussi en faire une liste exhaustive, quelques remarques en miroir d’un récent passage sur Le Collimateur : "Que ferait-on sans les Américains ? Dépendances et matériel".
 
 
Le 'Buy Americain Act' (et tout le corpus juridique approchant : l'Amendement Berry pour favoriser l'acquisition de certains produits en provenance des Etats-Unis, les Defense Federal Acquisition Regulation Supplement (DFARS), sorte de code des marchés publics de la défense, le Committee on Foreign Investment in the United States (CFIUS) pour le contrôle des investissements étrangers…) restreint les acquisitions faites à l’étranger. Si cela laisse la place à un certain nombre d’exemptions (sous conditions), il est nécessaire de les justifier à la fois côté acheteur (avec un droit regard du Congrès américain, qui fait particulièrement son travail sur le sujet capacitaire, en ayant à la fois l'expérience et les moyens) et côté fournisseur. Aussi, en respectant un certain nombre d’alinéas (comme sur le pourcentage de la valeur du bien créé sur le sol américain, via la localisation du design, de la production, et/ou de l’assemblage, le partage des droits de propriété intellectuelle, la présence de citoyens américains pour le "US eyes only" empêchant la sortie de certaines informations contractuelles ou techniques hors des États-Unis, etc.), il y a une américanisation possible des équipements des forces armées américaines.

En moyenne, 200 à 300 millions de $ de biens à usage militaire sont importés par an par les États-Unis depuis la France depuis une dizaine d’années. Un montant qui est relativement stable d’ailleurs.

jeudi 13 mars 2025

Asterodyn - Des drones hyper-véloces français utiles quand la haute vitesse fait la différence

Quels liens entre les vols de sportifs extrêmes en combinaison ailée (ou ‘wingsuit’), ceux des pilotes de voltige aérienne et le monde de la défense ? Clairement un certain niveau d’exigence, mais aussi des drones. Et même des drones volant à plus de 300 km/h, permettant par leur maniabilité et leur fiabilité d’assurer des prises de vues au plus près des parachutistes et des avions filmés, et éventuellement de répondre à d’autres besoins du fait de leurs caractéristiques.

A la croisée des deux mondes

C’est en mêlant ces deux mondes que s’est créée en 2024 la société française Asterodyn. Elle combine les expériences de pilotes de ces drones ultra-rapides de captation de vidéos, d’ingénieurs développant depuis quasi 10 ans ces machines sur-mesure pour répondre à ces besoins bien spécifiques et de spécialistes des services aériens, experts notamment en navigabilité et maintenance. La société propose maintenant une gamme de plusieurs drones véloces destinés à un usage militaire. Certains fondateurs, en école d’ingénieurs ensemble, avaient beau avoir pris des chemins bien différents ces dernières années, ils se sont finalement retrouvés autour d’un même projet, portés par les mêmes valeurs.

Ces machines compactes, à propulsion électrique via leurs 4 ou 8 moteurs, atteignent actuellement des vitesses maximales entre 350 et 400 km/h, peuvent franchir des distances de l’ordre de 10 à 15 km, tout en emportant une charge utile de 300 grammes à 2 kg pour une masse en vol, selon les modèles, entre 1,5 et 10 kg.

Les drones de cette gamme, pilotés au moyen de lunettes type ‘First Person View’ (FPV), volent aujourd’hui. Leur design permet à la fois des accélérations fulgurantes (0 à 300 km/h en moins de 2 secondes), des vols sur place d’une grande stabilité, et plus globalement un faible niveau de vibration (pour éviter des images non nettes lors des prises de vues pour les usages civils). Les charges utiles embarquables peuvent être variées entre caméras de différentes sensibilités, boules optroniques, charges de renseignement électromagnétiques, demain des charges explosives, etc. L’énergie cinétique dégagée en impact direct, vues les vitesses des drones, est aussi pensée pour suffire en tant que telle sur certains cadres d’emploi, notamment pour des drones anti-drones.

vendredi 7 mars 2025

Podcast - "Que ferait-on sans les Américains ? Dépendances et matériel" (Le Collimateur)

Alexandre Jubelin, animateur du podcast Le Collimateur sur les questions de défense, m'a fait l'honneur de m’accueillir pour discuter autour de nos dépendances vis à vis du matériel d'origine américaine pour nos forces armées. C'est à écouter ici.
 

Au-delà des grandes masses (catapultes, Hawkeye, drones...), il est aussi nécessaire de "soulever le capot" et de se plonger plus en détails : communications, composants, hardware et software... Par ailleurs si certaines composantes de nos forces armées sont particulièrement sensibles à ces dépendances, des mesures de désensibilisation ont déjà été lancées depuis plusieurs années pour réduire ces dépendances. Néanmoins, le temps politique et de l'émotion n'est pas le temps de l'industrie et des capacités. Cela prend du temps, des moyens, et dans un budget de défense fini, et non sans limites, des choix et des priorités sont nécessaires dans l'analyse risques/bénéfices des chantiers à lancer pour atteindre cette souveraineté, qui consiste à choisir ses dépendances plus qu'à toutes les supprimer.

DCS, FMS, EAR, ITAR, GPS Code M, PRS de Galileo... J'espère avoir simplifier quelques réalités complexes, sans approche simpliste. N'hésitez pas en cas de questions et commentaires.

dimanche 16 février 2025

Arastelle - Faire simple pour permettre la persistance des micro-drones via un système filaire

Face à la durée très relative des batteries d’un micro-drone de 1 kg environ, quelle réponse apporter à cette limitation de leur emploi ? Leur mettre un câble d'alimentation, mais pouvoir très facilement passer d’un mode à l’autre, selon le besoin.

C’est ce que propose la start-up française Arastelle avec un dispositif simple pour rendre filaire certains drones, en les reliant à une source d’énergie avec un adaptateur et un fil ne nécessitant aucune modification du hardware et du software, et permettant donc d'utiliser un drone standard, parfois déjà détenu.

 Crédits : FSV / MA

Rester simple pour apporter une réponse pertinente à un réel irritant

Installé d’un simple clic à la place de la batterie habituelle, l’adaptateur est relié par un fil, qui peut atteindre une centaine de mètres, à une caisse faisant le volume d’une valise cabine et pesant 14 kg. Cette caisse dispose de 2 batteries lithium-ion pour fonctionner de manière indépendante entre 4 et 5h, et d’un ensemble de connecteurs pour être relié à d’autres sources d’énergie (secteur, générateur...).

Le système utilisé n’interfère pas dans la partie vol (en stationnaire ou en mouvement), qui reste gérée par le drone et la télécommande habituelle, tout comme la transmission des données. Cela facilite ainsi l’intégration en n’intervenant pas dans les softwares propriétaires des fabricants de drones et ceux de capteurs/senseurs. La tension du câble qui relie le drone à la caisse est gérée finement afin d’économiser la puissance nécessaire au vol, d'en limiter autant que de besoin le bruit, et éviter un câble trop lâche qui irait s’enrouler dans des obstacles à proximité.

Ainsi, il ne s’agit pas de développer un système avec un drone ad hoc, comme d’autres propositions qui existent, mais de s’appuyer sur des drones déjà connus et maitrisés par les utilisateurs, avec un système simple, robuste, standard donc sans optionnel.

jeudi 13 février 2025

Helsing - Industrialiser et opérationnaliser l'intelligence artificielle embarquée à des fins militaires

Avec les annonces faite par la société fondée en Allemagne Helsing, quelques grandes problématiques industrielles et capacitaires semblent donc avoir trouvé des débuts de solutions, à encore confirmer sur la durée.

- Embarquabilité de l’intelligence artificielle : il s’agit de mettre sur des drones d'une vingtaine de kilos pour moins d'1 m de long et d’envergure : plus de 4 kg de charge explosive, des batteries pour la propulsion et l’alimentation des systèmes, 4 moteurs électriques à hélices, des larges gouvernes (cf. ci-dessous), une partie liaison de données, des capteurs optroniques jour/nuit « pas forcément d’une excellente qualité » (donc avec des coûts pas les plus élevés) mais dont les performances de détection, reconnaissance et identification sont fortement augmentées grâce à des algorithmes qui tournent sur des central processing units (CPU) de taille réduite qui sont installées à bord pour faire du traitement en embarqué. Tout cela doit tenir dans un volume relativement réduit, supporter les contraintes aéronautiques et être convenablement alimenté en énergie.
 

Crédits : Helsing.

- Intégration hardware / software : du fait des profils d'attaque recherchés de la munition télé-opérée (haute vitesse, virages serrés...) pour réduire les possibilités d’être neutralisé de manière cinétique avant de faire but et du fait de l’optimisation nécessaire de la charge utile embarquée, une architecture dédiée a été développée, plutôt que de repartir seulement en se basant sur des designs existants de drones (en propre ou via des compétences extérieures internalisées). L'empennage arrière en forme de croix de Saint André et les 4 moteurs à hélices placés à l’arrière garantissent la possibilité d’avoir ces profils de vol adéquats, notamment pour la phase terminale des vols. Sur le plan des ressources humaines, cela nécessite évidemment de s’ouvrir à des profils autres, alors que la société était jusqu’à présent surtout composée de data scientists, de développeurs, etc. Il s'agit en plus d'avoir pour la société qui développe ce produit une gestion plus maitrisée des coûts et des tarifs, en n'étant pas uniquement sous-traitant d'un fabricant de la partie hardware (après avoir acquis de l'expérience auprès d'autres), quand la part software et algorithmique est généralement plus complexe à chiffrer, à la fois au moment de l'achat, mais encore plus dans la prise en compte contractuelle de l'amélioration continue (A quel rythme ? A quels coûts ? Avec quelles assurances ? Etc.).

mercredi 22 janvier 2025

Drone Français - La reconquête pas à pas de la souveraineté dans les drones

Regagner pas à pas une réelle souveraineté de développement et de production sur certaines briques technologiques aujourd’hui non maitrisées et utilisées dans les drones : c’est le défi qu'entend relever la société Drone Français lancée fin 2024.

S’appuyant sur leur expérience de Multinnov, fabricant de drones pour les inspections en espaces confinés, les dirigeants de la société ont dû se confronter aux difficultés d’avoir une pleine maitrise sur les contrôleurs de vitesse électroniques (Electronic Speed Controler - ESC en Anglais) ou les cartes de vol, éléments critiques pour la maitrise de profils de vol de plus en plus complexes dans certains contextes d'utilisation. Drone Français est ainsi l’aboutissement de 5 ans d’effort dans le domaine : "Nous nous sommes dit, qu’à la vue du contexte géopolitique, une renationalisation de l’industrie allait voir le jour. Ce qui est le cas aujourd’hui. Drone Français arrive donc au moment parfait", indique Maxime Bignard, un des dirigeants à l'origine de l'initiative. Drone Français s’appuie sur le savoir-faire de Multinnov, "sinon la société n’aurait pu exister", poursuit-il. "Aujourd’hui, la majorité des dronistes français achètent des solutions asiatiques, car ils n’ont pas le choix, et assemblent avec des PCB intermédiaires. Drone Français permet vraiment d’avoir une solution optimisée et souveraine", explique-t-il.
 

Le vol en intérieur, qui est la spécificité de niche de Multinnov, a permis aux entrepreneurs de rapidement avoir une connaissance fine des contraintes technologiques rencontrées, dans des vols en espace confiné plus contraignants et demandant plus de précision que des vols en espace ouvert. « Cela nous a mis face à de réels défis d’ingénierie, que nous avons su développer sur fond propres. Les technologies disponibles n’étaient pas adaptées aux drones que nous développions, et en plus il fallait les embarquer dans des drones aux spécifications particulières. Pour le vol extérieur, les technologies utilisées sont plus facilement accessibles en se fournissant en Asie. Pour le vol en extérieur, il n’y avait pas forcément une nécessité aussi forte de faire des développements profonds », précise le dirigeant.