vendredi 28 juin 2019

Opération Barkhane - Petites histoires de militaires une chaude journée d'avril à Tombouctou (Mali) (+MAJ 11)

NB: For an English version available, see here.

Le 14 avril 2018, le camp de la MINUSMA à Tombouctou (centre du Mali), appelé "Super Camp", et l'emprise attenante de l'opération française Barkhane situés non loin de l'aéroport subissent après 14H une attaque complexe, coordonnée et massive.

Après une dizaine de tirs de mortiers et de roquettes type CHICOM, 3 véhicules piégés repeints aux couleurs de l'ONU ou des forces armées malienne (FAMA) ont tenté de forcer les entrées, censés ouvrir la voie à une petite vingtaine d'éléments djihadistes d'infanterie du Groupe de Soutien à l'Islam et aux Musulmans (GSIM) qui, pour certains porteurs de ceintures explosives et déguisées avec des uniformes, voulaient profiter de la situation chaotique pour pénétrer dans l'enceinte fortifiée (postes de garde, murs d'enceinte, chicanes, bastion walls, barbelés, etc.). 22 assaillants (tous repoussés) seront identifiés à l'issue du travail de renseignement.

Crédits : privés. Après l'attaque. Ils ne sont pas passés.

Il y en aurait des choses à raconter sur les actions ce jour des rares militaires français présents au début de l'attaque... Abritant habituellement l'équivalent d'une compagnie d'infanterie avec ses appuis et ses soutiens (un sous-groupement tactique interarmes - ou S-GTIA), l'emprise française était ce jour là quasi vide, les patrouilles à l'extérieur dans les environs se succédant ainsi que les opérations longue durée (à plus de 600 km plus à l'Est). Le S-GTIA du DIA PMO 4 - détachement interarmes du partenariat militaire opérationnel 4 (principalement constitué autour d'éléments de la 13è DBLE - demie-brigade de la Légion étrangère, pour qui s'était son 1er gros déploiement depuis sa réinstallation en 2016 au Larzac - au sein du groupement tactique désert Infanterie Monclar) était déployé depuis plus d'un mois sur l’opération KOUFRA 3 dans le Liptako malien aux alentours de Ménaka, à plus de 5 jours de route, la zone d'effort du GTIA.

Le début de la journée avait été marquée par la 1ère visite sur place du nouveau REPCOMANFOR Barkhane (représentant au Mali du commandant de la force Barkhane, dont le PC est situé à N'Djamena), récemment arrivé sur le théâtre. La visite s'était cloturée par un déjeuner avec les chefs de détachement avant le retour vers Gao par avion du REPCOMANFOR.

Lors des premiers tirs de roquettes et obus, la sirène d’alerte du GA10 (système de détection des obus ou roquettes, radar Ground Alerter de 10 km de portée environ, couplé au SL2A, ou (système de localisation de l'artillerie par acoustique) fait son officie et prévient de l'arrivée imminente, permettant au personnel présent de réagir et de gagner les abris ("shelters").

Alors que vers 15h, le 1er véhicule explose à l'entrée du camp français et cause par le souffle de l'explosion les premiers blessés français (notamment un sous-officier gravement blessé à la tête), un second véhicule s'approche, refusant de s'arrêter et entraînant la réponse des personnels de garde.

Pour les uns, c'est le début d'une importante consommation de leurs chargeurs de FAMAS ou de HK pour arrêter le véhicule qui sera finalement stoppé par les tirs nourris.

Un légionnaire, d'origine népalaise, manœuvre son blindé VAB (modèle Génie) après la 1ère explosion pour bloquer les accès à d'éventuels autres voitures piégées, puis monte dans la tourelle de 12,7mm à droite du poste de pilotage pour vider quelques bandes de munitions.

vendredi 14 juin 2019

L’embuscade de Tongo Tongo (Niger) vue côté français (+MAJ 19112021)

Le 4 octobre 2017, une patrouille américano-nigérienne tombe dans une embuscade à Tongo Tongo (au Sud du Niger). Le bilan est lourd : 4 membres des forces spéciales américaines sont tués et 2 sont blessés sur les 11 américains présents (+1 interprète local), 5 militaires nigériens sont également tués et près de 8 sont blessés sur la trentaine présente. Dès le 17 octobre, une vaste enquête est lancée par le commandement américain en charge de la zone, AFRICOM, pour en comprendre les causes et les responsabilités, ainsi que déterminer les enseignements (une vingtaine au final) et les voies d’amélioration pour éviter que cela ne se reproduise.

Plusieurs versions de rapports d’enquête sont rédigées, et certaines sont en partie publiées : une première en mai 2018, et plus récemment début juin 2019, après une réouverture de l’enquête centrée sur les responsabilités, les récompenses et les sanctions nécessaires. Ces rapports sont publiés sans les sources primaires malheureusement (photos, entretiens, transcrits radios, annexes, etc.), contrairement à d’autres rapports similaires réalisés précédemment. Ils sont en grande partie "redacted", c’est-à-dire en cachant les informations les plus sensibles. Ils n’en sont pas moins intéressants, notamment pour tout ce qui concerne l’intervention des militaires français, venus au secours de cette patrouille prise sous le feu.
Pour mener ce travail, les enquêteurs ont menés une série d’entretiens qui les ont conduits notamment dans des implantations françaises de la zone : Niamey (Niger), N’Djamena (Tchad) ou Ouagadougou (Burkina Faso). Parmi les 143 témoins et acteurs interrogés, il est indiqué que les enquêteurs ont interrogé ou reçu les témoignages de pilotes de Mirage 2000, du JFAC (structure de commandement et de conduite des opérations aériennes de la zone, basée à Lyon-Mont-Verdun) et d’autres acteurs français non précisés. Plongée dans les lignes qui suivent dans une masse d’acronymes et de terminologie militaire (pas loin de 10 pages de glossaire pour 176 pages de rapport) pour tenter d’éclaircir le volet français. Notons que les horaires sont donnés en heure locale au Niger (GMT +1).

Cadre général : Ordre, contre-ordre, (tragique) désordre

Pour fixer le cadre, des éléments de l’Operational Detachment-Alpha 3212 du 2nd Battalion, 3d Special Forces Group compose, avec quelques renforts, la Team Ouallam (Ouallam étant le lieu où ils sont basés). Une patrouille formée avec leurs partenaires nigériens (qu’ils s’emploient à former, conseiller et accompagner sur le terrain) appuie une opération de contre-terrorisme contre un chef ennemi (lié à l’État islamique dans le Grand Sahara). L’effort principal devait être mené par une autre unité nigéro-américaine de forces spéciales (dite Team Arlit). Une succession d’événements fait que la mission est modifiée (les hélicoptères Super Huey de la Team Arlit devant rebrousser chemin), et la Team Ouallam est désignée comme l’unité menante de la mission qui se déroule vers Tiloa (Sud du Niger).