mercredi 23 décembre 2015

Rétrospective 2015, ainsi qu'un joyeux (et saint) Noël (un peu en avance...)

Avec un peu d'avance, un très joyeux (et également saint) Noël à vous tous.
Une pensée très particulière pour tous ceux qui seront, au loin ou au près, et pour nous, loin de chez eux en ces moments particuliers.
Nous ne les oublions pas, ni eux, ni leurs proches.
#FiersDeNosSoldats
 
 
2015 se termine. Une année particulière, l'Histoire devrait sans doute le confirmer, qui sans avoir marqué de ruptures sera celle de plusieurs évolutions.Plus que jamais, pour "faire face", il semble nécessaire de penser pour comprendre et surtout, cela est plus qu'un impératif, de proposer (nous y reviendrons en tout début d'année). A son très humble niveau, ce blog entend participer à ces réflexions et propositions, ici et également sur les comptes liés sur Twitter ou sur Facebook. N'hésitez pas à rejoindre les discussions.
 
Malgré un rythme moins régulier (la paternité, toussa toussa...) que par le passé, une trentaine d'articles ont été rédigés durant l'année, dont voici ceux que vous avez le plus apprécié (et dont la relecture, plusieurs mois après leur rédaction, nécessite une bonne dose d'humilité...) :
 
1/ Irak - Qui sont les nouveaux élèves et frères d'armes des militaires français (et la partie 2) pour découvrir la mission, encore peu connue, des Français formant actuellement en Irak des militaires irakiens. Les articles les plus lus cette année, de loin, qui devraient être mis à jour (déjà en partie ici).
 
2/ Lecture - Paroles de soldats - Les Français en guerre (1983 - 2015), sur un recueil de témoignages, certains extrêmement forts, qui permet de découvrir plusieurs facettes des dernières opérations, rappelant également le rôle des conjoint(e)s aux côtés de nos militaires.
 
3/ Comment les armées innovent ? L'exemple de la motorisation après la 1ère Guerre mondiale, entretien avec Candice Menat, pour découvrir les processus d'innovation au sein des armées britanniques, françaises et allemandes quant à l'introduction du char.
 
4/ Bingo (à peine imaginaire) - Lutte contre le terrorisme en France, pour enfin tout comprendre, et anticiper, les réaction françaises suite à des attaques terroristes. Bingo rédigé il y a 3 lois anti-terroristes de cela, mais toujours d'actualité...
 
5/ Syrie - Décryptage : des avions qui volent, plus qu'ils ne tirent ?, avec l'incontournable Defens'Aero, pour, notamment, mesurer les évolutions récentes concernant le récit officiel des opérations menées en Syrie (une année très com', cf. également ici).
 
5/ Gestion de crise 2.0 - pour que des leçons apprises soient maintenant retenues..., pour que les outils à notre disposition, ici les médias sociaux, permettent de mieux réagir aux prochaines situations d'urgence que nous serons appelés à connaître.
 
Pour ceux qui souhaiteraient redécouvrir ceux de l'année dernière, c'est par ici : notamment sur l'intérêt d'envoyer des hélicoptères de combat en Irak (débat toujours ouvert), comment mener la remontée en puissance (depuis lors décidée), de la stratégie des moyens autour du système FELIN et du VAB Ultima, etc.

lundi 30 novembre 2015

Hommage au sergent-chef Guarato : sur le Pont Alexandre III le 03/12 à 09h50, et aussi par d'autres manières pour les autres...

Appartenant au CPA 10 (Orléans), le sergent-chef Alexis Guarato, militaire particulièrement chevronné (cf. bio), est mort pour la France (la demande de mention étant en cours de validation) le 26 novembre des suites de ses blessures reçues au combat.
 
 
Avant une cérémonie d'honneurs militaires entourée de ses frères d'armes à l'Hôtel national des Invalides, son cortège funèbre passera sur le pont Alexandre III (Paris) à 09h50 le jeudi 3 décembre.
 
Comme il est d'usage en pareille occasion, nous sommes tous invités à lui manifester notre hommage par une présence digne et silencieuse. Une occasion, notamment, de ne pas remettre au placard nos drapeaux français...
 
L'état d'urgence ne devrait pas (à 1ère vue) entraîner l'interdiction de ce rassemblement sur la voie publique, tout comme les consignes de sécurité sur le non-port de l'uniforme en région parisienne ne devant pas concerner cet évènement.
 
De plus...

Afin de pouvoir associer le plus grand nombre à cet hommage, notamment ceux qui sont loin de Paris (et ils sont nombreux...), il est possible, entre autres exemples, de se rendre le même jour devant le monument aux morts de votre commune pour un instant de recueillement, de demander au maire de votre commune de placer les drapeaux en berne ou encore de laisser, au moins, jusqu'à ce jour votre drapeau français à votre domicile.

Pour montrer publiquement notre solidarité et notre hommage, nous vous invitons à diffuser une photo de ce monument aux morts ou d'un drapeau français pris en photo sur un monument public ou à votre domicile sur les réseaux sociaux.
 
Cette photo pourra être accompagnée de la mention "Hommage aux morts pour la France" ou "Nous ne les oublions pas", associée au hastag #MPLF pour "Mort pour la France".

Nous ne l'oublions pas, ni lui, ni ses proches, ni ses frères d'armes, notamment ceux blessés lors du même incident.

NB : Il s'agit de respecter lors de cette démarche d'hommage décentralisé, non proposé officiellement mais pensé pour associer le plus grand nombre, le même principe que celui qui guide l'hommage à Paris : aucune récupération politique, et une présence digne, silencieuse et fraternelle.

vendredi 27 novembre 2015

Lecture - "Le RAID, 30 ans d'interventions" (Jean-Marc Tanguy)

Pourquoi est-ce le RAID qui intervient dans ce cas là, et non le GIGN ?
Que font les chiens, comme Diesel, au sein de cette unité ?
Y a-t-il des femmes au sein du RAID ? Pourquoi sont-elles moins nombreuses qu'avant ?
Pourquoi le RAID est-il déjà intervenu à l'étranger lors de prises d'otage ?
Quelles sont les relations du RAID avec les unités des forces spéciales françaises ?
 
  
Ces derniers jours, et sans doute, hélas, encore demain, les femmes et les hommes du RAID ont été et devraient être sous les projecteurs des médias. Avec ces opérations à haute visibilité, parties émergées de leur quotidien, des questions récurrentes sont posées par chacun d'entre nous, trouvant des réponses souvent plus ou moins précises, quand elles ne trouvent pas des débuts de réponses via de "sacrés mythos"...
 
Venant raconter 30 ans d'opérations, des premières opérations jusqu'à l'assaut de l'Hyper-Casher en janvier dernier en passant par l'assaut face au gang de Roubaix ou l'arrestation d'Yvan Colonna, le journaliste Jean-Marc Tanguy quitte dans cet ouvrage le ton grognon que nous lui connaissons parfois, pour prendre un style très didactique afin de faire toucher du doigt au lecteur ce qu'est le système RAID.
 
 
En plus des illustrations prises en entraînement ou en opérations, soit par l'auteur ou issues des archives, faisant bien de cet ouvrage un vrai "beau livre", l'auteur nous emmène également au cœur de la machine humaine qu'est le RAID via des portraits de quelques unes des figures de l'unité, les connues, ou les plus discrètes. Les amateurs de détails techniques y trouveront aussi en grande partie leur compte : armes, véhicules, organisation, drones, etc.
 
Un ouvrage, oscillant entre encyclopédie, livre d'histoire et album illustré, a ne pas faire traîner dans un coin poussiéreux, mais bien à garder sous le coude pour s'y rapporter dès que nécessaire.
 
PS : en complément, ne pas hésiter à écouter l'entretien avec Jean-Michel Fauvergue, patron du RAID. 35 minutes qui présentent brillamment les grands enjeux d'aujourd'hui et de demain. Plus que chaudement recommandé.

mercredi 25 novembre 2015

Attentats du 13 novembre - La France a plus à perdre qu'à gagner de demander l'activation de l'article 5

Par Thibault Lamidel (Le Fauteuil de Colbert) et Florent de Saint Victor (Mars Attaque).
 
Contrairement à ce que certains préconisent (cf. notamment ici), la France ne doit pas demander suite aux attentats du 13 novembre l’activation de l’article 5 du traité de Washington, cette garantie de la défense collective de l’Alliance atlantique.
 

Camouflet politique certain vis-à-vis de l’Alliance, le Président de la République mandatait, le 16 novembre devant le Parlement réuni en Congrès, le ministre de la Défense pour recourir à l'article 42-7 du Traité sur l'Union européenne, non à cet article 5.
 
Il stipule que : "Au cas où un État membre serait l'objet d'une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l'article 51 de la charte des Nations unies. Cela n'affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres. Les engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l'instance de sa mise en œuvre".
 

lundi 16 novembre 2015

Gestion de crise 2.0 - Pour que des leçons apprises soient maintenant retenues… (+MAJ)

Quelques réflexions personnelles, très critiquables donc, d’un spectateur engagé (et français) ayant suivi ces tristes événements avec une "certaine distance", puisque via les médias sociaux et traditionnels (TVs notamment). Sur un des volets, plutôt pratique et parmi bien d'autres, de la réponse à ces évènements.

Déjà hier, et encore plus aujourd’hui et demain, il est plus que nécessaire de réfléchir (quitte à être contredit), proposer et agir, pour la résilience individuelle, familiale, professionnelle et collective. Selon nos responsabilités respectives, il n’est en effet plus possible de seulement constater (ou alerter). 
 
 
Ce préalable étant posé…

Brève chronologie commentée

21h20 : première explosion aux environs du Stade de France (cf. une chronologie ici).

21h25 : premières fusillades dans Paris intra-muros.

23h38 : premiers messages sur le compte Twitter de la Préfecture de Police (plus de 220.000 abonnés) : "Suite à plusieurs événements graves la préfecture de police recommande dans les prochaines heures / A ceux qui se trouvent à domicile, chez des proches ou dans des locaux professionnels en IDF d’éviter de sortir sauf nécessité absolue / aux établissements recevant du public, de renforcer la surveillance des entrées et d’accueillir ceux qui en auraient besoin / d’interrompre les manifestations ou évènement en cours en extérieur".
 
 

mardi 10 novembre 2015

Comment en 1915 un bouchon de champagne peut sauver une vie - Hugues Colonna de Giovellina (1888-1965)

Certains combattants de la Première Guerre mondiale n’étaient ni maréchaux, ni nettoyeurs de tranchées ou encore même ni originaires des colonies. Ils n’étaient pas non plus parmi les fusillés pour l’exemple, as de l’aviation ou footballeurs d’un soir lors d’une trêve à Noël. Hors de ces figures très symboliques, d’autres combattants plus ordinaires ont eux-aussi été plongés dans ces situations extraordinaires de ce bien tumultueux 20ème siècle.

C’est le cas d’un de mes arrière-grand-pères maternels, Hugues Colonna de Giovellina.


Meknés (Maroc) - Au 3ème régiment de Spahis marocain (1929-1932)
Fonds privés

Son bref (et incomplet) portrait qui suit répond à un besoin, en partie personnel, sans doute amplifié par ces années de Centenaire de la Première guerre mondiale, de comprendre, ou d’au moins connaître. Mais il se veut aussi une illustration des possibilités de plus en plus faciles de retracer ces parcours, en s’appuyant sur les différentes sources (cf. ici) : archives militaires, départementales ou judicaires, photographies, entretiens oraux, presse de l’époque...

Fils de général des Troupes coloniales

Hugues Colonna est né le 7 novembre 1888 non loin d’Angers. Sa mère, Marceline Gibon, est quant à elle fille d’un général tué à Woippy (Moselle) en octobre 1870 après avoir chargé à la tête de ses troupes. Son père, Lucien Colonna, est alors commandant au 1er régiment d’Infanterie de Marine basé à Cherbourg, mais déployé dans les colonies en Asie. Accepté à l’école spéciale militaire de Saint Cyr (Yvelines) quelques mois après le déclenchement de la guerre franco-prussienne de 1870, il y avait suivi une instruction rapide, raccourcie faute d’instructeurs. Après une première partie de carrière, plutôt monotone, au sein du 16ème régiment d’Infanterie de ligne, ponctuée de quelques déploiements intérieurs notamment lors des derniers soubresauts de la Commune de Lyon en 1871, il demande à être affecté aux Troupes coloniales en 1882.

Il débute alors un cycle intense de déploiements, en Asie, à Madagascar, à la Réunion et en Afrique équatoriale française (AEF) participant à plusieurs "colonnes" (mode tactique de l’époque pour la pacification) au Tonkin, Annam, Soudan, Sénégal, etc. Il finira sa carrière comme général de brigade au poste de Commandant supérieur des troupes de l’AEF, nommé en 1914 par Joseph Gallieni, alors président du Comité consultatif de défense des colonies. Consultable auprès du Service Historique de la Défense (SHD), son dossier militaire est celui d’un officier colonial de l’époque, où sont répertoriées, par exemple, des décorations aujourd’hui peu courantes comme celle de Grand officier de l’ordre du Dragon de l’Annam.

Turbulent engagé dans un régiment de Dragons

Mon arrière-grand-père passe sa jeunesse en partie hors de Métropole (notamment à Hanoi) souvent loin d’un père parti lors de longs séjours. Plutôt doué pour le dessin, il souhaite, selon la consultation des lettres échangées avec son père, se préparer à une carrière d’architecte. Il débute en tout cas en septembre 1907 une année en classes préparatoires au lycée Saint Louis (Paris). Finalement, il choisit une tout autre voie, plutôt en rupture avec les directives familiales, et s’engage pour 5 ans en novembre 1908 au 24ème régiment de Dragons basé à Dinan, sans tenter le concours d’officier, n’étant pas certain d’intégrer la Cavalerie, arme très prisée et demandant donc d’être bien classé à la sortie de Saint Cyr.

Aux convocations chez le proviseur au cours des années scolaires (dont une pour "malaxage de surveillant"), succèdent une longue collection de "jours d’arrêts simples" ou de "consignes au quartier", en plus de la copie répétée de l’adage, toujours su par cœur 40 après, du Règlement de discipline générale : "La discipline faisant la force principale des armées, il importe que tout supérieur…". Son livret d’homme de troupe (consultable après demande de dérogation), est assez illustratif avec, en moyenne, plus de 100 jours de salle et de police ou jours au quartier par an de 1908 à 1913. 1911 est une année record avec 211 jours de punitions. Grimpant pourtant en grade (brigadier, maréchal des logis), il est nommé aspirant en août 1913, et rejoint l’Ecole de Cavalerie (Saumur) dont il sort… 94ème sur 95.

Un cavalier devenu temporairement fantassin

Au déclenchement de la 1ère Guerre mondiale, il est sous-lieutenant au 18ème régiment de Dragons à Dôle (Jura). Il sera un des premiers officiers à qui il sera accordé de changer d’arme pour servir au sein de l’infanterie, au 90ème régiment d’Infanterie, comme lieutenant à titre provisoire. Comme le montre son dossier militaire, il est aussitôt engagé sur le front de la Marne. Peu apprécié de son colonel (un proche parent de Jean Jaurès, qu’il décrit dans ses lettres, contrarié par l’arrivée de ce cavalier, de surcroit d’un bord politique opposé au sien), il est d’abord rattaché à l’état-major régimentaire en charge de dessiner des croquis panoramiques (toujours ses compétences pour le dessin…) afin d’établir les plans de feux, lors d’opérations dans la région de Nancy et Sedan, puis dans la Meuse et l’Aisne.

Déplacé en octobre dans la région d’Ypres (Belgique) dans le cadre de « la course à la mer » vers la Mer du Nord, une fois le front stabilisé plus à l’Est, il reçoit le commandement d’une section, notamment suite aux nombreuses pertes subies par son régiment (environ 45% de ses effectifs environ en 3 mois). Après-guerre, il racontera à son fils, les conditions plutôt difficiles de cette période, qui obligent à se terrer derrière des betteraves plutôt que dans des trous gorgés d’eau. En novembre, il gagne une première citation à l’ordre du 9ème corps d’armée suite à une opération s’étant terminé par une charge à la baïonnette.

Un bouchon de champagne peut sauver une vie

Fin décembre, les lignes françaises sont plusieurs fois enfoncées après de violents combats au corps-à-corps. Echappant jusque-là aux blessures malgré plusieurs face-à-face avec des combattants allemands, il est finalement blessé "à son poste de commandement dans la tranchée" le 2 janvier, avec "une plaie du séton antéro-postérieur de la région thoracique droite par balle". Pour simplifier, son poumon est transpercé de part en part. Il racontera que ses camarades n’ont rien trouvé d’autres pour arrêter l’hémorragie qu’un bouchon de champagne, reste des festivités de la veille.

Après avoir été jugé intransportable, car trop faible suite à une inflammation de la membrane entourant le poumon, il est finalement évacué vers l’hôpital de Dunkerque, puis vers celui de Versailles, où sa mère, engagée à la Croix Rouge, a réussi à le faire venir. Son fils, mon grand-père, rapportera que son supérieur, le général Dubois (à la tête du 9ème corps d’armée), allant le décorer à l’hôpital de la Légion d’honneur dans la semaine suivant sa blessure, déclarera à la cantonade "Dans la Cavalerie, ils ont tous comme lui !". Il retournera d’ailleurs dans cette arme, non plus à cheval mais motorisée.

Au sein des automitrailleuses des cavaliers et… des marins

Se remettant d’abord au Centre d’enseignement et de conception des automitrailleuses, organisme dans la région de Versailles (Yvelines) dont peu de traces sont disponibles après quelques recherches, Hugues Colonna regagne ensuite le front, notamment au sein du 3ème puis du 14ème GAMAC (groupe d’automitrailleuses et d’autocanons). Ce sont des unités particulières puisque mixtes et composées de cavaliers et de marins, ces derniers étant engagés (au moins jusqu’en février 1916), notamment pour leurs compétences sur les canons de 37mm installés sur ces premières automitrailleuses. L’été 1915 est d’ailleurs celui d’une relative effervescence technologique dans le domaine (cf. pour le cadre général). Comme lieutenant, il change plusieurs fois d’affectations, notamment au 27ème régiment de Dragons ou au 24ème bataillon de Chasseurs alpins, employé tour à tour par la 6ème, la 8ème ou la 2ème division de cavalerie.

Pour connaître son activité jusqu’à janvier 1917 (alors que son dossier militaires est plutôt laconique sur les événements), il est possible de se référer à un ouvrage rédigé en 1918 par un des officiers commandant aussi au sein de son unité, Mémoire d’un engagé volontaire (numérisé par Google) de Jean-Baptiste Binet-Valmer (futur combattant dans les chars, et homme politique après guerre). Il est possible de recouper les faits avec les Journaux de marches et d’opérations (JMO) décrivant les mouvements, avec plus ou moins de détails et de fidélité, de chacune des unités (disponibles en ligne).

Ainsi, nous y apprenons que son unité est peu de fois utilisée avec ces automitrailleuses (garées sous bâche dans une grange à Maixe (Lorraine) proche de la ligne de front), en-dehors d’un mouvement de mise en alerte lors de la bataille de la Somme ou de rares opérations où il amène ses automitrailleuses au plus près du front pour tirer quelques coups (comme à Bauzemont en Lorraine). Plus souvent, ils servent des mitrailleuses du modèle Saint Etienne (décrites comme plus sensibles que celles de marque Hotchkiss), bientôt décrites sur une base de données dédiée, utilisées en point fixe pour appuyer les mouvements des fantassins. Dans l’ouvrage est également décrit une scène de trêve tacite locale suite à des pluies diluviennes ayant inondées les tranchées, où Français et Allemands sortent pour écoper sans que les uns ou les autres ne se tirent dessus.

Après avoir reçu dans son unité en 1917 la visite dans les Vosges du "général en chef des armées françaises" Philippe Pétain le félicitant pour "la bonne tenue" de son unité, il rejoindra plus tard à pieds (sans ses véhicules) la Somme pour les dernières offensives d’aout 1918, finissant la guerre entre Cambrai et Valenciennes. Sur les 6 derniers mois, il reçoit 5 citations à l’ordre de la 66ème division d’Infanterie ou du 30ème corps d’Armée, dont certaines pour des actions offensives lors du franchissement du canal de la Sambre ou l’appui "bien coordonné" de percées sur des dizaines de kilométrés.


Portrait peint au 24ème bataillon de Chasseurs alpins (1917 - 1918)
Fonds privés

De l’occupation de la Ruhr…

A la sortie de la guerre, et après quelques mois au 3ème régiment de Hussards, Hugues Colonna est déployé à Mayence (Allemagne) de 1919 à 1921 au sein du 6ème régiment de Cuirassiers puis au 14ème régiment de Chasseurs. Il se marie durant cette période, avec Germaine de la Guillonière, une veuve de guerre dont le premier mari avait été tué dans les tous premiers jours de la guerre. Plus exactement, le 8 septembre 1914 du côté de Fère-Champenoise (Marne) avec le 66ème régiment d’Infanterie, comme le rapporte la base librement consultable des Morts pour la France de Mémoire des Hommes.

Durant ces années dans la Ruhr, Hugues Colonna est fait officier de la Légion d’honneur en 1920 pour ses actions durant la dernière année de la Guerre. Il rejoint ensuite pour le cours des capitaines l’Ecole d’application de la cavalerie de Saumur où il se trouve bien éloigné, selon ses propos, des jeunes lieutenants, de 5 à 10 ans plus jeunes que lui, ayant pour l’immense majorité peu ou pas connue la guerre. A la sortie, il retourne au 24ème régiment de Dragons (Dinan) pour y diriger tour à tour 4 escadrons différents, retrouvant la tranquillité d’une vie provinciale de garnison. Son seul fils, Hugues-Elie, mon grand-père, y naitra en 1925.

… à la démobilisation de 1940, en passant par le Maroc

Par lassitude de cette vie de garnison, il se propose pour le Maroc, qu’il rejoint en janvier 1929 à la tête d’un escadron du 3ème régiment de Spahis marocains, découvrant une nouvelle subdivision de l’arme de la cavalerie. Avec les Dragons, les Hussards, les Cuirassiers, les Chasseurs, il les aura donc quasiment toutes connues. Il rentre peu en Métropole (son fils ne le voyant qu’une fois en 3 ans), et ne peut faire venir en 3 ans que 2 fois son épouse durant 2 mois. Stationné avec son escadron notamment à Bou-Denib (région de Meknès), il participe à quelques-unes des opérations de pacification de l’époque dans le Grand-Atlas, notamment face aux continuités de l’insurrection menée par Abd El Krim, les combats de Tarda en septembre 1930 ou à la frontière algéro-marocaine. Les informations sur la période dans son dossier militaire sont plutôt laconiques, et mériteraient d’être complétées, notamment en recroisant les informations des JMO de l’époque. Il existe, pour le moment, encore moins de bases de données que pour le premier conflit mondial (cf. par contre celle sur les décédés).


Au centre, avec le 1er escadron au 29ème régiment de Dragons (1932 - 1939)
Fonds privés

Il regagne la France en 1932 au sein du 29ème régiment de Dragons, avant de gagner le 7ème GRAC (groupe de reconnaissance des corps d’armées), à nouveau avec des automitrailleuses dont il est nommé commandant adjoint en septembre 1939. Là aussi, les informations disponibles sont très parcellaires, seules sont connues sa participation aux opérations d’aout 1939 à juin 1940, et sa dernière citation à l’ordre de la division par le général de la 18ème région, en août 1940, pour avoir réussi à s’évader. Il est finalement définitivement rayé des contrôles le 20 août 1940, gardant seulement rang d’officier de réserve comme chef d’escadrons. La lassitude post 1ère Guerre mondiale, certains drames familiaux avec la mort de proches, les évènements post-armistice et son caractère peu diplomate qui ressort de ses notations de ses supérieurs, le conduisent à mettre fin à sa carrière militaire.

Un (très) difficile après-guerre

Responsable bénévole de "La famille du Prisonnier" de l’Eure-et-Loir (il habite dorénavant Chartres), Hugues Colonna s’investit dans cette association rattachée au Secours national de soutien aux proches de prisonniers (formalités administratives, envoi de colis, accueil de prisonniers évadés, etc.). Comme ancien combattant, il est également nommé commandant adjoint de la défense passive, sa maison, en plus d’être réquisitionnée, servait d’abri anti-aérien pour 40 personnes. Les relations qu’il entretient avec les autorités, françaises ou allemandes, pour ces deux postes lui valent, notamment à partir de 1943, un certain nombre d’inimités, qui iront jusqu’à la réception de lettres de menaces émises par des groupes locaux de FTP (francs-tireurs-partisans), ou de trois, explicites, petits cercueils en bois… Alors qu’il refuse à l’été 1944, par lassitude, la proposition de prendre le commandement d’un régiment de Spahis ou de Tabors marocains, la maison de son frère est attaquée par des hommes en armes au nom de ses liens familiaux. Il décide alors de se présenter aux autorités pour tenter de régulariser cette situation devenue ingérable pour sa famille, pensant que cela ne serait que des formalités de vérifier l’absence de faits reprochables.

Il en est rien, et après 10 mois d’internement préventif, son procès, a lieu en juillet 1945 à Chartres. La consultation de la presse locale, comme le journal L’Indépendant d’Eure-et-Loir, permet d’avoir des éléments sur le climat de l’époque dans lequel se déroule ce procès. Il est finalement reconnu coupable de l’équivalent de "haute-trahison", notamment suite aux accusations portées par un ancien prisonnier, qu’il avait pourtant fait libérer, et que d’autres prisonniers eux-aussi libérés par ses soins, n’ont pas osé contredire. Il lui est notamment reproché un accord de principe, sans suite, qu’il aurait donné en mai 1944 à la Milice départementale, espérant faire ainsi cesser les menaces que subissait sa famille.

Sa peine est de 20 ans de travaux forcés et 10 ans d’indignité nationale, conduisant à l’interdiction de vote, au retrait du passeport, à la radiation de l’ordre de la Légion d’honneur, à la confiscation des biens, à l’interdiction du territoire, etc. Il est incarcéré dans différentes maisons d’arrêt à Blois en août 1945, puis Poissy (Yvelines), dans le camp de Noé près de Toulouse de très sinistre réputation, puis à Rouen. Déclaré "mort civilement" en 1946, il est finalement gracié en mars 1948 par le président Auriol, puis est amnistié en 1950. Il se refusera toujours à réclamer sa Légion d’honneur, plutôt désabusé, et il finira sa vie à Versailles, mourant le 15 févier 1965.

Ainé d’une famille où les 5 frères cumulent 18 citations

Au final, en tentant de dresser brièvement le profil de son entourage et de son enfance, il est difficile de voir en lui l’archétype d’un individu hors-sol où les événements de l’époque (1870, la 1ère Guerre mondiale, puis la Seconde) et les proches, notamment sa famille, n’ont aucune conséquence sur les choix faits, dans la continuité comme dans la rupture avec certains cadres. Ainsi, sur les 8 frères et sœurs de la famille, les 5 garçons seront tous officiers (dont l’un chez les fusiliers-marins).

Par exemple, Jacques, le troisième, ment sur son âge de plusieurs années pour pouvoir s’engager en 1915, dans des régiments d’artillerie puis au sein de la, plus pittoresque, 55ème compagnie automobile d’aérostiers. Le dernier, Jean, chef d’escadron, sera grièvement blessé en Syrie avec son unité d’automitrailleuses lors de combats à Soueïda durant "la révolte druze" en 1926, avant de l’être à nouveau en France en 1940. Il est souvent présenté comme, un des plus jeunes récipiendaires de la Légion d’honneur, son dossier n’étant malheureusement pas disponible pour le vérifier sur la base publique Léonore. Au final, Ils sont 4 à être soit chevalier soit officier de la Légion d’honneur, et cumule 18 citations à eux 5, principalement obtenues lors des deux conflits mondiaux.

Merci à M. pour le très précieux travail, notamment dans les archives.

NB : en cas de questions, de remarques ou de demandes de précisions, n’hésitez pas à le faire savoir en commentaires.

mercredi 4 novembre 2015

France - Le budget consacré à la dissuasion est-il un budget privilégié ? (Julien Malizard)

Dans un court article à consulter, Julien Malizard, chercheur à la chaire Economie de Défense (IHEDN), s'intéresse à la dissuasion française d'un point de vue économique (dans cette lettre [PDF] de la FRS), après plusieurs études également à lire notamment sur les effets macroéconomiques des dépenses de défense (traduire : leurs effets directs ou indirects sur la croissance économique).
 
 
Conscients des limites de la méthode de sciences économiques pour aborder pleinement un tel sujet, il prévient dans son préambule des difficultés persistantes des économistes à évaluer la valeur économique du service "défense" (et/ou "sécurité"). Il note néanmoins qu'une telle approche permet d'apporter des éléments de débats, notamment certaines vérités contre-intuitives.
 

samedi 10 octobre 2015

Syrie - Décryptage : des avions français qui volent, plus qu’ils ne tirent ?

Par Loïc Lauze (Defens’Aero) et Florent de Saint Victor (Mars Attaque

Suite à l’annonce sur Europe 1 par le ministre de la Défense (en personne...) d’une seconde mission aérienne de frappes en Syrie par des appareils français dans la nuit du 8 ou 9 octobre, le service de communication de l’Etat-major des armées (EMA) a diffusé une courte séquence vidéo (de moins de 2 minutes). 


Avec presque aucun commentaire, ces images (comme d’autres avant elles) peuvent parfois être difficilement compréhensibles. En quelques lignes nous vous proposons d’apporter quelques éléments de compréhension (ce qui est montré, ce qui n’est pas montré), tout en les restituant dans le contexte de l’opération Chammal (cf. dossier de présentation loin d'être à jour ou exhaustif...) menée face à l’organisation Etat islamique (EI). 

Un entre-aperçu orienté d’une base aérienne en opérations 

Tournées par les preneurs de vue des armées (« les soldats de l’image »), ces séquences sont prises sur la base aérienne 104 d'Al Dhafra aux Emirats arabes unis (EAU). La France y concentre une partie de son dispositif aérien dans la région. Contrairement à la Jordanie (qui abrite une seconde base abritant, officiellement, trois appareils de type Mirage 2000-D et trois Mirage 2000-N), la base émiratie a l’avantage d’être une implantation ancienne pour les aviateurs français (une présence depuis 2008) et déjà dotée d’installations modernes, où se côtoient militaires émiratis, américains, etc. 

vendredi 9 octobre 2015

Blog - Un nouveau : Bureau d'infos de Défense (BID)

Comme relevé par Olivier Berger (Défense globale), un petit nouveau dans le paysage...
Sans savoir vraiment si c'est un Le Gorafi de la Défense ou un Duffel Blog à la française.
A suivre sur la pente, potentiellement glissante mais aussi amusante, du ton décalé sur les questions de Défense...

vendredi 18 septembre 2015

BHL à l'IHEDN - Vous n'avez pas honte ?

L’IHEDN a donc jugé pertinent d’inviter Bernard-Henri Lévy à un prochain « Lundi de l’IHEDN ».

Cette institution, sous tutelle du Premier ministre, est en charge de former, sensibiliser et rayonner sur les questions de Défense, de Politique étrangère et d’Economie de Défense. En somme, être un phare de la pensée stratégique française, en France et à l’étranger.

Après avoir pris connaissance de ce choix et être passé par l’étonnement (voir plus certainement la colère), la raison invite à se demander si cela ne pourrait pas être l’occasion pour les auditeurs de la conférence de mieux comprendre le phénomène « BHL » (qui ne peut-être ignoré), à des fins de culture générale et de réflexion intellectuelle. Comme le veut la mission de l’IHEDN, finalement.

Or, cela se révèle faux, biaisé et non pertinent à bien des égards.


Mai 1940, le retour...

Cela serait tout d'abord oublier que cette institution a une fonction politique (voulue ou subie), notamment du fait de sa tutelle administrative (mais aussi de son Histoire, du choix des invités précédents, etc.). Le célèbre "Les propos tenus n'engagent que leur auteur, et non l'IHEDN ou les services du Premier ministre" n'est qu'une mince précaution, sans véritable poids dans les faits. Y passer, c’est recevoir un tampon qui accrédite le propos, renforce la réputation, et in fine valorise les agissements. Cela indique une certaine conformité entre l’invité et la vision politique, malgré les récents efforts d'ouverture (bienvenus) à des propos plus iconoclastes (mais toujours sensés).

Le format même de l’événement, qui tient plus lieu de la leçon magistrale (avec peu de questions suite aux propos préliminaires - souvent longs - de l’intervenant) que de la vénérable disputatio (avec un réel contradicteur), se prête mal à autre chose qu’à cela. Sans réelle critique (positives ou négatives). Au final, offrir une tribune (à quelqu’un qui n’en a pas véritablement besoin, du fait de ses réseaux), sans véritable contradiction.

Cela serait également oublier l’invité en lui-même et ce qu’il pourrait apporter de pertinent sur « Les défis du 21ème siècle » (thème de son intervention). Des défis dont il est, par les agissements, au moins autant responsable pour certains (toutes proportions gardées) qu’une possible partie de la solution si il lui prenait l’envie de s’y intéresser (parfois, à nouveau…).

mardi 8 septembre 2015

Com' 2.0 Défense - C'est une Révolution !

Après avoir râlé (souvent même...) sur la lente prise en compte des outils que sont les médias sociaux par les organismes de communication officielle du ministère de la Défense et des armées, comment ne pas mettre en avant plusieurs récentes initiatives montrant que les temps ont bien changé ? Enfin !
 
La page Facebook officielle de l'armée de Terre a partagé hier une vidéo amateur d'une musique tournée par deux marsouins du 21ème RIMa (Fréjus) à propos de leur mission dans le cadre de l'opération Barkhane (au Sahel).
 
 
La vidéo a eu 1,6 millions de vues en moins d'une semaine (cf. ici, maintenant), soit bien plus qu'aucune vidéo institutionnelle produites par les services officielles de com' ces dernières années. Il s'agit, dès que l'indispensable est préservé (la sécurité des personnels déployés), d'accompagner le mouvement plutôt que d'essayer de tout verrouiller et/ou contrôler.
 

lundi 7 septembre 2015

La France en Syrie - Vers l’infini et au-delà !

Le Président de la République a donc décidé de déployer un peu plus de puissance militaire française au-dessus de la Syrie. Espérons sincèrement, qu’après l’envoi obligé d’appareils Mirage 2000-N (jusque-là réservés à la dissuasion nucléaire) pour tenir le rythme opérationnel uniquement au-dessus de l’Irak, il ne soit pas nécessaire pour tenir parole de déployer des appareils Alphajet, des Epsilon ou des Xingu...

Pour le moment, le plan visant à épuiser durablement l’armée de l’Air, espéré dans les rêves les plus fous de l’organisation de l’Etat islamique, se déroule « nominalement ». Car ces décisions sont prises sans attendre « la remontée en puissance » française, débutée récemment mais dont les effets ne seront pas visibles avant plusieurs mois / années.


Au-delà de ces considérations techniques, les considérations stratégiques sous-tendues par une telle décision posent également question. Qu’avons-nous appris de nos 20 dernières années de chevauchées militaires pas forcément victorieuses, et de celles menées par nos plus proches alliés ? Il est permis de se demander si nous en avons réellement tiré quoique ce soit…
 
Et cela, alors même que ce (nouveau) revirement met à bas (un détail…) toutes les justifications savamment distillées depuis un an pour expliquer la posture singulière française sur les opérations menées en Irak et en Syrie, et sur sa participation active à la réduction d’une nébuleuse présente sur plusieurs continents. Alors, comment expliquer (et évaluer en partie), cette décision ?
 

jeudi 27 août 2015

Bingo (à peine imaginaire) - Lutte contre le terrorisme en France


Cliquez sur l'image pour agrandir...

Principe :

Se joue à plusieurs suite à un attentat (car il y en aura sans doute d'autres...) ou une tentative d'attentat - la seconde situation étant la plus espérée - afin de "créer du lien social".

Evidemment avec "un esprit du 11 janvier" tout en ayant pris sa dose de #pasdamalgam toussa toussa...

1 point de gagné dès qu'une des situations décrites se produit (donc restez vigilants...). 1 autre point gagné en cas de bonus.

Le 1er participant à atteindre 20 points aura le droit de se dire dans sa tête que "c'est loin d'être gagné..."

Rappel :

En rire, ce n'est pas avoir peur, et c'est donc déjà ne pas perdre... #résilience (cf. ici)

jeudi 23 juillet 2015

Lecture - Comprendre l'arme du Génie (par Christophe Lafaye)

Il y avait déjà eu des publications sur les capacités de la cavalerie (voir ici et ) ou sur les hélicoptères et les hommes de l'ALAT (voir ici et ), il semble y en avoir une récente sur les capacités de l'artillerie (une prochaine lecture ?). Toutes ces publications, chacune dans leur style - très différent, permettaient de mieux comprendre ce que sont les armes, au sens de subdivisions par spécialités de l'armée de Terre française.


Aujourd'hui, un vide est comblé avec la publication du numéro d'Histoire et Stratégie sur l'arme du Génie de 1945 à nos jours, rédigé par Christophe Lafaye, officier de réserve et doctorant (militaire et chercheur, donc ! Si si, ils en existent bien, et ils produisent en plus !), que vous avez déjà pu lire ici au sujet des sapeurs français au combat en Afghanistan.

Si le Génie ne détient peut-être pas le titre de l'arme la plus méconnue des armées, force est de constater que l'ensemble de ses capacités (et elles sont nombreuses, comme le montre la lecture de la revue) ne sont pas forcément toutes connues, que cela soit celles liées au combat (déminage, franchissement...), à la sécurité (unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile, pompiers de Paris...), ou aux infrastructures.

jeudi 16 juillet 2015

Parrainage et jumelage - De l'intérêt des Autres...

Les efforts internes pour accroître l’efficacité des armées françaises tendent à atteindre un optimum au regard des circonstances actuelles (budget consacrable, rythme opérationnel, idées nouvelles, etc.). Les risques encourus avec ces réformes sont dans de nombreux cas supérieurs aux avantages possibles. Il serait donc nécessaire de développer, ou du moins étudier avec plus d'attention les opportunités offertes par l’autre levier, la croissance externe, pour poursuivre dans le champ lexical financier.
 
Des relais de croissance au service de la finalité opérationnelle

Il ne s’agit pas pour les armées d’acquérir stricto sensu d’autres armées étrangères (ou d’autres services de sécurité, par exemple) dans le cadre d’une OPA organisationnelle agressive. Cela consisterait plutôt à renforcer les relations avec d’autres acteurs de nature politique (littéralement, des parties prenantes de la vie de la cité) et d’autres unités étrangères, qu’elles aient d’ailleurs des caractéristiques proches de celles des armées françaises ou plus éloignées (dès lors qu’elles peuvent être complémentaires).

Il serait évidemment inexact de présenter de telles recherches de partenariats comme de réelles nouveautés. Ils sont néanmoins aujourd'hui, à première vue et à de rares exceptions, parfois sans cohérence d’ensemble, reposant plus sur des initiatives locales de commandants d’unité (et donc plus sensibles aux mutations et aux accointances personnelles), ou alors empreintes du poids de l’Histoire et ne dépassant pas le cadre, intéressant mais non suffisant, de la mémoire partagée et de l'héritage commun.

Concrètement cette croissance externe passe soit par le parrainage qui est le rapport privilégié établi entre une collectivité territoriale (commune, département, région, etc.), plutôt française mais pas forcément, et une unité (bâtiment, régiment, escadron, etc.), soit par le jumelage qui est le lien noué entre unités de différentes armées (au sein des armées françaises, comme entre le BPC Mistral et le 1er REC) ou (ce qui est plus intéressant dans le cadre de ces quelques lignes) avec des unités de pays différents dans le cadre d’accords de coopération.

jeudi 2 juillet 2015

Irak - Parce qu'il est loin de n'y avoir que des aviateurs dans l'opération Chammal (addendum) (+MAJ)

Depuis près de 6 mois, des militaires français issus d’unités conventionnelles entraînent, forment et conseillent des militaires irakiens (et/ou kurdes) directement sur le territoire irakien, principalement dans les environs de Bagdad et d’Erbil. Trois mois après la rédaction d’un premier point sur ce volet particulier de l’opération Chammal (cf. ici et ), où en sont-ils ?
 
Contrairement à d’autres pays européens qui n’hésitent pas à mettre en avant l’action de leurs formateurs (Grande-Bretagne, Italie, Espagne, Pays-Bas, même l’Allemagne…), ne limitant pas la couverture des opérations aux seules frappes aériennes et missions de renseignement, les autorités militaires françaises n’accordent pas d’autorisation de reportages sur le sujet (pourtant plusieurs fois demandées par des journalistes). Les informations restent donc parcellaires.
 

Pourtant, avec le départ mi-avril du Golfe Persique du groupe aéronaval autour du porte-avions Charles De Gaulle, et avant son très probable retour dans la zone (probablement avant la fin de l’année), les formateurs présents sur le sol irakien (hors forces spéciales, rarement comptabilisées) représentent, en étant de l’ordre de 130 militaires (et potentiellement jusqu'à 200), presque 20% des effectifs de l’opération Chammal. Un nombre de personnels issus de l'armée de Terre, loin d’être anodin.

Cet effort place la France dans le milieu de la liste des contributeurs, derrière les Etats-Unis avec 3.350 militaires déployés (instructeurs et responsables de la Force Protection) ou les pays ayant envoyés quelques 200 à 300 militaires comme l’Australie, la Grande-Bretagne (275) ou l’Espagne, au même niveau que ceux qui sont entre 100 et 200 comme le Danemark, l’Italie, la Nouvelle-Zélande ou le Canada, et devant ceux qui sont moins d’une centaine comme l’Allemagne, la Belgique (30) ou la Norvège.
 

vendredi 22 mai 2015

Raid des 7 bornes en Guyane - Réinvestir d'une certaine façon le Territoire national

Presque 50 jours pour faire à pieds 320 kilomètres, soit des journées de marche de 10 à 12 heures au rythme de... 1km/h environ.
 
Si l'expédition en forêt guyanaise appelée "raid des 7 bornes" qui doit débuter le 2 juin ne gagnera pas un quelconque record de vitesse du fait de la végétation et du climat, elle se rendra bien vers des territoires, non pas perdus par la République, mais peu ou pas parcourus depuis des années. En effet, plus de 7 ans qu'aucune présence humaine connue n'a été signalée dans certains endroits.
 
 
Un géographe du CNRS, François-Michel Le Tourneau, à l'origine du projet, deux autres scientifiques (notamment des botanistes), 2 guides locaux, et une quinzaine de légionnaires suivront la frontière terrestre entre la France et le Brésil. Cette ligne, partageant les eaux de l'Amazonie au Sud, et des fleuves Maroni et Oyapock au Nord, est matérialisée par 7 bornes en béton, d'où le nom, qui seront reliées d'Ouest en Est. Une première qui nécessitera d'avaler à pieds plus de 15.000 mètres de dénivelé positif.
 

mercredi 13 mai 2015

Entretien - La guerre hybride sur les flancs de l'OTAN (G. Lasconjarias et A. Jacobs)

Auteurs d’une récente note sur "NATO's Hybrid Flanks - Handling Unconventional Warfare in the South and the East" (PDF), Guillaume Lasconajarias et Andreas Jacobs, deux chercheurs du Collège de Défense de l’OTAN (Rome), ont bien voulu répondre à quelques unes de nos questions, présentant un point de vue personnel sur la question (et non celui de l'OTAN ou de leur institution d'affiliation). 

1/ Quelle distinction faites-vous entre les guerres hybrides d’aujourd’hui, comme peut l’illustrer les récentes événements en Crimée ou dans l’Est de l’Ukraine, et celles d’hier ? 

La question des "formes hybrides" dans l’histoire de la guerre est finalement un débat ancien, et très rapidement, on pourrait arguer du fait qu’aujourd’hui, nous n’observons rien de neuf mais avons une sorte de "vin ancien dans des bouteilles neuves". La notion d’hybridité renvoie à la question d’un mélange, d’une mixité entre des formes ou des éléments, au service d’une même fin : les lecteurs familiers du monde automobile connaissent d’ailleurs l’exemple de cette voiture japonaise hybride, qui fonctionne selon l’instant soit à l’électricité, soit à l’essence, les deux combustibles servant à nourrir le moteur. Dans les scénarii militaires, le Secrétaire général de l’OTAN aime évoquer la guerre de Troie et le cheval du même nom pour désigner le rôle de la ruse et du camouflage dans l’histoire : nous voyons donc bien que ce n’est pas là chose nouvelle. Celui qui a popularisé cette notion, Frank Hoffman, relève des dizaines de cas, à tous les échelons et dans toutes les périodes historiques, de ces formes mélangées et mixtes. Le principal problème tient à des définitions qui sont imprécises : on ressort la notion de combat asymétrique, de combat hors-limite (des colonels chinois Liang et Xiangsui), de guerre de 4e génération, voire de techno-guérilla ou de guerre non-linéaire, mais nous n’avons aucune définition qui fasse consensus. 


Cette absence de définition est une limite que nous pouvons dépasser en observant l’importance de certains éléments que l’action russe en Crimée et en Ukraine a renforcé. Clairement, le point essentiel tient dans le rôle joué par les dimensions non-militaires du conflit, par exemple au travers d’actions économiques et sociales, le tout soutenu et appuyé par des actions médiatiques et de communication. Les acteurs sont aussi différents : comme il s’agit de jouer sur l’ambigüité et sur un effet de seuil - nous entendons par-là un niveau qui conduise à une escalade et à une intervention armée d’autres acteurs extérieurs -, on use de parties autres au conflit, des groupes de miliciens, des terroristes ou des criminels, tout en employant des forces spéciales camouflées, les "petits hommes verts polis" de Poutine. Les forces régulières sont en soutien, elles peuvent même entrer en action, mais uniquement en dernier recours, et sans jamais déployer toutes leurs capacités. Un rappel qu’a fait utilement le général Gomart (DRM) dans son audition à l’Assemblée nationale en montrant qu’effectivement, les Russes n’avaient pas déployé d’antennes médicales ou de commandement et de C2… 

De fait, si nous devions insister sur un point, ce serait la notion de simultanéité : on conduit des actions politiques ambiguës et des opérations qui ne le sont pas, en utilisant des acteurs étatiques comme non-étatiques, des tactiques non-conventionnelles avec des armements de dernière génération, et cela dans un environnement physique et psychologique où on frappe les esprits d’abord, les corps ensuite.


mardi 5 mai 2015

Histoire - L'Escadron Bleu en 1945 - Des volontaires françaises pour rapatrier les prisonniers de guerre

Eléonore Charrié, étudiante en Master 1 de Relations Internationales de l'université Lyon 3, s'est intéressée à un pan méconnu de l'immédiat après Seconde Guerre mondiale : les activités d'une unité française de volontaires de la Croix-Rouge servant de conductrices-ambulancières pour rapatrier les militaires français détenus dans les camps de prisonniers d'Europe de l'Est.
 
 
Elle nous en dit plus sur ses travaux de recherches, qui donnent lieu du 8 au 10 mai à une exposition à la mairie de Fontenay-le-Fleury (Yvelines), avant d'être sans doute présentée ailleurs en France dans les mois à venir. Elle donnera également une conférence sur ce thème le samedi 16 mai (10h45), toujours à Fontenay-le-Fleury (cf. le programme).
 
1/ Comment en êtes-vous venue à vous intéresser aux conductrices-ambulancières de cet Escadron Bleu ?

Lorsque je suis arrivée aux Etats-Unis à l'été 2012, je me suis présentée à l'Army Women's Museum, sur la base militaire de Fort Lee (Virginie), à la recherche d'une place en tant que "volonteer" pour l'été. La directrice du musée, le Dr Françoise Bonnell, m'a tout de suite mise dans la confidence : elle ambitionnait de préparer une série d'expositions consacrée aux femmes militaires dans différents pays du monde, sur la période post-Seconde Guerre mondiale jusqu'à nos jours. Puisque j'étais au musée, nous commencerions par la France. J'ai donc appelé quelques personnes qui pourraient m'aiguiller dans mes recherches, à commencer par mon grand-père, général de l'armée de Terre à la retraite. Il m'a donné les coordonnées d'un ami de la famille, Hugues Watin-Aaugouard, un ami de la famille, dont la mère avait servi pendant la Seconde Guerre mondiale. Je n'en savais pas plus à ce moment-là.
 
En rentrant en contact avec lui, je me suis rendue compte que ces femmes n'étaient pas des militaires, mais des engagées volontaires de la Croix Rouge Française. J'ai tout de même demandé à en savoir plus. A l'été 2013, je m'étais entretenue plusieurs fois avec certains des enfants de ce fameux Escadron bleu et avait récupéré photos, journaux de bord, articles de journaux et lettres d'époque. En parallèle, je continuais mes recherches, plus générales, sur les femmes françaises militaires. Jusqu'à ce que le Dr Bonnell m'annonce, en juin, qu'elle abandonnait son idée de départ, et que nous ferions l'exposition sur l'Escadron Bleu. L'exposition a été mise en place pour la première fois début septembre 2013, et est restée au musée jusqu'en mars 2014.
 

mercredi 29 avril 2015

Comment les armées innovent ? L'exemple de la motorisation après la 1ère Guerre mondiale, avec Candice Menat

Ayant récemment soutenue sa thèse intitulée "Réflexions sur la guerre motorisée dans l'espace européen à travers la littérature militaire : France, Allemagne, Grande-Bretagne (1919-1935)", Candice Menat a bien voulu répondre à quelques questions sur la comparaison des processus d'innovation entourant l'introduction du char au sein de ces différentes armées. Merci à elle.
 
1/ Tout d'abord, pourquoi s'être intéressée à ce processus d'innovation là, notamment via cette approche comparée ?

Il s'agissait de "cibler" une tranche chronologique particulière montrant comment s'exerce l'influence de l'armement sur l'histoire. Dans les multiples analyses produites à propos de la dynamique de l'innovation militaire sont fréquemment évoqués la poudre, le nucléaire, assez rarement le char de combat en tant que tel, au stade de sa naissance et de sa première phase de développement. On se focalise surtout sur les résultats de son fonctionnement en binôme avec l'avion à partir du début du second conflit mondial (ce nouvel art de la conduite de la guerre dénommé Blitzkrieg), or le rôle de la machine sur le champ de bataille remonte à une époque plus lointaine.
 
 
Source : collection Pierre Touzin.
 
Une approche comparée a été privilégiée, car, malgré un ardent patriotisme, même au plus fort de la Première Guerre mondiale, aucune des (grandes) puissances belligérantes ne fonctionne en autarcie. Trois grands pôles se dessinent : la France et la Grande-Bretagne comme nations conceptrices du char de combat, et l'Allemagne comme nation la plus réactive pour contrer cette invention nouvelle dirigée au premier chef contre ses fantassins.
 

vendredi 24 avril 2015

Budget de Défense - Non, les sociétés de projet, coûteuses, ne sont pas la seule solution !

Contrairement à ce que disent leurs défenseurs, les sociétés de projet actuellement étudiées ne sont pas la seule solution pour parvenir au niveau du budget de la Défense (31,4Md€) comme promis par le chef des armées. Pour combler ce budget, d'une mission régalienne s'il en est, via des ressources dites exceptionnelles, devenues ordinaires depuis plusieurs années, ces sociétés dédiées doivent permettre d’acquérir en 2015 pour 2,2Md€ de matériels jusqu’alors détenus par les armées, pour ensuite leur louer. Cela permettra de décapitaliser des actifs en étalant dans le temps les coûts. Cette mesure est censée éviter au ministère de la Défense une cessation de paiements dès cet été. Le 29 avril, un conseil de Défense doit définitivement trancher en faveur ou non d’une telle solution.



A droite, un navire de guerre FREMM n'ayant pas à connaître lors de son utilisation de "risques de dommages élevés" (sic), donc potentiellement concerné par ces contrats type "sale and leaseback".

Une solution conjoncturelle à un problème structurel

Ces sociétés sont un palliatif conjoncturel, non une solution structurelle, et ne font que repousser les choix et arbitrages à faire pour parvenir à l’adéquation entre missions et moyens. Si les missions sur le territoire national ou en opérations extérieures sont jugées prioritaires, qu’elles ne peuvent être réduites et demandent même une baisse dans la baisse des effectifs au sein des armées (jusqu'à 18.500 personnes), il est cohérent de fournir les financements nécessaires. C’est-à-dire 31,4Md€ "plus quelque chose" comme le demande le chef d’état-major des armées pour régénérer sans user, et rendre pérenne notre modèle de Défense avec les nouvelles orientations (Vigipirate, renseignement, cyberdéfense, aéromobilité, etc.). Par contre, il est incohérent d’annoncer, sans financements liés, de nouvelles mesures en cours d’année, alors que certains paris sur l’effectivité des financements, connus depuis plusieurs mois, ne sont déjà pas tous gagnés. 

Certains parlementaires, de la majorité et de l'opposition, qui pointaient du doigt en 2012 les écarts d’exécution de la précédente loi de programmation militaire sont étrangement parfois les mêmes aujourd’hui à défendre ces sociétés. Or, ces dernières ne font que repousser encore plus la fameuse "bosse budgétaire", qui inclut notamment la dette interne de la Défense, ce "report de charges" d’impayés d’une année sur l’autre qui s’établit à 3,5Md€ environ (et augmente plus qu'il ne diminue). Si elles décalent dans le temps les paiements, elles renchérissant les coûts globaux (via la rémunération du capital, les assurances, etc.) de programmes d'armement, ayant déjà pourtant connus des dérapages.

La France, un État-stratège ?

Ces sociétés sont aussi l’illustration d’un État français as de la godille, et non stratège. Sont-elles temporaires ? Permanentes ? Des services de maintenance sont-ils inclus ? Sont-elles limitées aux appareils de transports A-400M et aux frégates FREMM, présentés comme des matériels n’ayant pas à connaître "de risques de dommages élevés" (sic) ? Appelées à s'étendre à d'autres matériels (ravitailleurs, satellites) les années suivantes ? A quelques semaines de leur possible mise en œuvre effective, les réponses varient encore. Leur périmètre changeant, un entre-deux entre l’externalisation de capacités entières hors du cœur de métier (rentable sous certaines conditions) et une possession en patrimonial des matériels, n’est pas le moindre des revirements. Le fait même de faire appel à un tel montage l’est également. 

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 donnait, dans son introduction, comme préalable à l’autonomie stratégique un équilibre entre assainissement des finances publiques et effort consacré à la défense. Or, pour capitaliser suffisamment ces sociétés, il pourrait être nécessaire de faire appel à des établissements de crédits, pas le moindre des paradoxes, quand bien même la France emprunterait actuellement à des taux historiquement bas. En effet, les industriels de la Défense ont été peu intéressés par une participation à ces montages, pas assez rémunérateurs, ne concernant l'export (où l'Etat se porterait en partie garant), ou bénéficiant déjà pour certains d’autres solutions pour le faire à l'export. En plus des emprunts, le reste du capital serait obtenu via des cessions de participations de l'État au sein d’entreprises, manœuvre que l’Agence des participations de l’Etat (APE) juge comme "un investissement non avisé". Un État-stratège se séparerait-il vraiment d’actifs rentables, via les dividendes, pour payer plus chers des matériels, tout en amplifiant la dette plutôt qu’en la remboursant ?



Ravitailleur Voyager mis à la disposition de la RAF par la société Air Tanker via la PFI (Private Finance Initiative), contractualisation peu éloignée des sociétés de projet, et considérée comme un frein à de possibles coopérations France-GB, selon le général Mercier (CEMAA).

Quand nos enfants payeront demain la Défense d’hier

Ces sociétés sont également le symptôme du désengagement progressif des contingences politiques de la part des militaires français. Depuis la déclaration publique du chef d’état-major des armées en novembre 2014 sur le fait que de tels montages seraient des "usines à gaz", les militaires ne seraient qu’"un peu étonnés" d’un tel montage, selon l’expression du Directeur général de l’Armement (DGA). Sans plus, dès lors que leurs matériels sont disponibles en nombre et sans restrictions d’emploi (notamment dans le cadre des opérations ou de coopérations internationales, pour la formation ou l’entretien mutualisés). Ce qui serait en passe d’être presque acquis.

Simples experts (plutôt compétents aux vues des récentes opérations) de leurs domaines, ils ont créé un vide dans leurs relations avec les décideurs, les opinions publiques et la scène stratégique, n’ayant que peu de prises sur les débats en cours, quand bien même ils seraient au cœur de "la défense institutionnelle" de leur domaine. En effet, ces sociétés qui les concernent ne sont pas qu’une simple décision technique, mais bien une décision d’ordre politique, engageante et prise en connaissance de cause par les responsables actuelles. Elle touche en profondeur à notre modèle de Défense. Si les investissements d’aujourd’hui servaient jusqu’alors à bâtir la défense de demain, les investissements de demain pourrait potentiellement, via ces sociétés, servir surtout à rembourser la Défense d’hier.

Une autre voie, plus cohérente, est pourtant possible

Au final, ces sociétés ne sont donc pas la réponse à la problématique et l’unique solution comme prétendus par ceux qui, au nom du consensus national sur la Défense, ne veulent pas entendre de voix discordantes. En effet, une décision politique, courageuse, peut conduire à d’autres arbitrages. Autres que ceux de ne pas en faire, en ne tranchant pas dans les missions, ou d’en faire des juste suffisants ou des incertains (espérer plus d'économies sur les carburants du fait du prix encore bas du baril, miser sur suffisamment de projets finançables par la vente de fréquences 700MHz, décaler des paiements de matériels dont les livraisons sont retardés après des succès à l'exportation, etc.).



L'appareil de transport A400-M, un programme industriel ayant déjà connu quelques retards et surcoûts, et dont la possession sera mécaniquement encore plus coûteuse via ces sociétés.

Un créneau politique favorable existe pour que les armées bénéficient dès cette année, de la part de ceux qui les sur-emploient, des crédits nécessaires à leurs missions, en quantité et en qualité. Ceux qui récriminent, en partie à juste titre, à mettre en œuvre de telles sociétés, seraient avisés de proposer un budget ne reposant pas en grande partie sur des montages aussi bancals. Une loi de finances rectificative, parallèle à "la densification" de la loi de programmation militaire prochainement présentée au Parlement, peut permettre de concrétiser ces choix dans les finances publiques.

Dans le cas contraire, une fois validées, ces sociétés seront une excuse facile pour proposer un budget de Défense toujours plus réduit en crédits budgétaires, et reposant toujours plus sur des ressources exceptionnelles (déjà 5,2Md€ d’ici 2017), trouvables via une multiplication de sociétés de projet. Un autre créneau politique s’ouvrira aussi à qui voudra prouver que le sens de l’Histoire, que certains convoquent pour défendre ces sociétés, est fait de continuités mais aussi de ruptures, et donc de possibles ré-internalisations via la clôture de telles sociétés.

mardi 7 avril 2015

Entretien avec Olivier Schmitt - A propos des opérations en coalition : l'union fait-elle la force ?

Cet entretien avec Olivier Schmitt, chercheur post-doctoral au Centre d'Etudes et de Recherches Internationales de l'Université de Montréal (CÉRIUM) et auteur du récent Focus stratégique "L’union ou la force ? Les défis des opérations multinationales contemporaines", a été réalisé en collaboration avec le blog Ultima Ratio.
 
 
1/ Malgré des épisodes historiques difficiles, rappelés par Foch dans la célèbre citation qui lui est attribuée "J’ai beaucoup moins d’admiration pour Napoléon depuis que j’ai commandé une coalition", comment en sommes-nous venus à idéaliser le fait que l'action en coalition doit être le plus souvent recherchée ?
 
Toute action de politique étrangère doit à la fois prendre en compte les rapports de force, mais aussi les idées et normes dominantes du système international dans lequel elle s’inscrit. Le contexte international actuel est marqué par la valorisation symbolique de l’action multinationale comme critère de la légitimité. On le voit bien chaque fois que sont dénoncés "l’unilatéralisme" américain, russe, ou autre : l’action collective est connotée positivement, pas l’action individuelle. Cette donnée normative n’efface pas les logiques de puissance, mais s’y superpose. 
 

mardi 24 mars 2015

Le succès du Yemen - Quand un Navy SEAL est beaucoup plus mesuré qu'un président

"This strategy of taking out terrorists who threaten us, while supporting partners on the front lines, is one that we have successfully pursued in Yemen and Somalia for years."
 
 
Le président Obama doit peut-être se mordre les doigts de ne pas avoir fait preuve de plus de mesure dans son appréciation de la situation au Yémen, peu de temps avant la fuite du président en exercice, la tenue d'une rive du détroit stratégique de Bab al-Manded par les Houthis, le récent retrait des dernières forces spéciales américaines et britanniques (et de certains services français ?), la fermeture de la majorité des ambassades, la (mortelle) course entre l'EI et AQPA par attentats interposés, etc.
 
 
Ce qui est dit est dit, et la mention de "successfully pursued" risque de lui coller à la peau. Plus intéressante est sans doute l'appréciation de la stratégie mise en œuvre, notamment dans le cadre des efforts internationaux actuels visant à contenir (plus que réduire ou neutraliser) des menaces à l'encontre d'intérêts américains, mais également en partie français. Comme organisation "apprenante" et attirée mimétiquement par des modèles étrangers, il n'est pas inutile de se pencher sur cet exemple.
 
Pour en tirer des leçons et mettre en perspective, l'entretien publié par le réputé "Combating Terrorism Center" (CTC) de West Point est de ce point de vue extrêmement éclairant alors que les militaires français sont engagés en Irak dans une mission, que les responsables politiques espèrent eux aussi à l'empreinte réduite, en menant à la fois des opérations spéciales (formation et combat), des missions aériennes (renseignement et frappes) et de la formation via des unités conventionnelles.