lundi 16 novembre 2015

Gestion de crise 2.0 - Pour que des leçons apprises soient maintenant retenues… (+MAJ)

Quelques réflexions personnelles, très critiquables donc, d’un spectateur engagé (et français) ayant suivi ces tristes événements avec une "certaine distance", puisque via les médias sociaux et traditionnels (TVs notamment). Sur un des volets, plutôt pratique et parmi bien d'autres, de la réponse à ces évènements.

Déjà hier, et encore plus aujourd’hui et demain, il est plus que nécessaire de réfléchir (quitte à être contredit), proposer et agir, pour la résilience individuelle, familiale, professionnelle et collective. Selon nos responsabilités respectives, il n’est en effet plus possible de seulement constater (ou alerter). 
 
 
Ce préalable étant posé…

Brève chronologie commentée

21h20 : première explosion aux environs du Stade de France (cf. une chronologie ici).

21h25 : premières fusillades dans Paris intra-muros.

23h38 : premiers messages sur le compte Twitter de la Préfecture de Police (plus de 220.000 abonnés) : "Suite à plusieurs événements graves la préfecture de police recommande dans les prochaines heures / A ceux qui se trouvent à domicile, chez des proches ou dans des locaux professionnels en IDF d’éviter de sortir sauf nécessité absolue / aux établissements recevant du public, de renforcer la surveillance des entrées et d’accueillir ceux qui en auraient besoin / d’interrompre les manifestations ou évènement en cours en extérieur".
 
 
23h49 : premier message (de communication plutôt politique) sur le compte Twitter de l’Elysée (plus d’1 million d’abonnés) : "Le président @fhollande est actuellement à @Place_Beauvau avec @BCazeneuve pour faire un point sur la situation".

00h15 : premier message sur le compte Twitter de la ville de Paris (plus de 800.000 abonnés) indiquant que : "Fusillades à Paris, nous vous invitons à ne pas sortir de chez vous en attendant les instructions des autorités cc @prefpolice". Il est repris sur la page Facebook de la ville qui compte, c'est assez significatif, plus de 2,7 millions abonnés.

00h29 : premier message (très repris, et inspirant de nombreuses réactions ensuite) sur le compte Twitter de la BSPP : "En raison des événements qui touchent actuellement Paris, merci de ne pas encombrer les lignes d'appels d'urgence". Il est repris sur leur page Facebook (plus de 84.000 abonnés).
 
 

00h40 : l’assaut final est lancé dans la salle de spectacle Bataclan, sans qu’aucun message officiel (au-delà de certaines consignes orales sur les lieux) appelle à ne pas diffuser les positions des forces de l’ordre (et des militaires présents parmi les primo-intervenants), pour ne pas éventuellement renseigner, les adversaires. De tels messages, pouvant être déjà prêts, ont pourtant circulé lors des événements de janvier 2015.

00h58 : premier message sur le compte Twitter de la Police Nationale (plus de 128.000 abonnés) : "[#rumeurs] Ne relayez pas de fausses informations. Suivez uniquement les comptes officiels @Place_Beauvau @prefpolice @PNationale", repris par le compte de la Gendarmerie nationale (plus de 143.000 abonnés) ou celui du ministère de l’Intérieur (plus de 249.000 abonnés). Plusieurs comptes officiels des forces de sécurité commençant alors à s'unir pour maximiser la diffusion.

01h22 : premier message en Anglais et en Allemand de la Police nationale afin de ne pas participer à la diffusion de fausse rumeur. Il faudra attendre le lendemain à 10h37 pour qu’un message en Anglais d’appels à témoins soit diffusé, et qu’un autre indique comment demander des informations. Les nombreux non-francophones (touristes, résidents, etc.) n’étaient jusqu’à présent, hélas, peu ou pas visés, malgré une présence certaine dans les environs des événements.
 

01h38 : les chaines d’information continue auraient été sommées par les autorités d’arrêter de diffuser des images en direct, notamment celles relatives à de possibles interventions policières (surtout que des informations sur la présence d’une troisième équipe circulait alors, ou qu’une seconde vague, nécessitant l'action des forces de sécurité, pouvait être redouté). C'est la conséquence plus ou moins directe de l’absence de bon sens et de sens des responsabilités de la part de ces médias, et/ou de la proclamation de l’état d’urgence annoncée par le Président vers 00h55 qui permet de telles remarques.

02h02 : premiers messages sur la page Facebook de la Police nationale (367.000 abonnés), puis à 02h32 sur celle de la Préfecture de Police (62.000 abonnés environ), qui commencent à diffuser ses premiers messages relatifs à ces événements (ne pas diffuser de rumeurs, vérifiez vos informations, etc.), sur des pages ayant, à 1ère vue, un impact bien moindre, et ne nécessitant donc pas la diffusion des messages principalement orientés vers les personnes sur les lieux des attaques.

Pour une meilleure future gestion de crise 2.0

Il aura donc fallu attendre plus de 2h15 (une éternité !) pour qu’un premier acte de communication 2.0 émane des autorités officielles chargées de la sécurité, et que, petit à petit, ces dernières passent résolument en mode "gestion de crise 2.0". Le premier message est d’ailleurs peu ou pas calibré, par sa longueur (coupé en 4) et son ton (très administratif), pour une plateforme comme Twitter, montrant sans doute le manque d’anticipation face à une telle situation, du moins pour ce volet.

Nul n’est question ici de minorer "le brouillard de la guerre" lors du déclenchement de tels évènements l’effet de sidération qui s’est emparé des personnes présentes, mais également des primo-intervenants, pouvant fausser le compte-rendu initial à leurs supérieurs, et donc les décisions. Néanmoins, alors que la première information reste sur le moment relativement peu partagée, les fusillades à Paris sont rapportées dans les 10 minutes qui suivent par de nombreux journalistes, et tout aussi rapidement par certains comptes officiels de médias et d’agences de presse. Ils permettent de se faire une image suffisante dans un premier temps de ce qui se passe : des individus armés se déplaçaient dans Paris, faisant de nombreuses victimes. Des recherches via la géolocalisation des tweets permettent rapidement de localiser certaines personnes concernées par les événements.

Ainsi, malgré ces éléments de sidération inhérents à toutes les crises, il doit être possible de réagir en moins de 2 heures, sans attendre que « la crise » s’installe dans la durée (comme en janvier), surtout si, dans le cadre de ces modes d’actions d’attaques dynamiques, les forces de sécurité tentent de très rapidement y mettre fin (cf. l’assaut quasi immédiat au Bataclan) pour ne pas offrir dans la durée une tribune à leurs auteurs. Il s'agit bien ici de reprendre le concept de "golden hour" bien connu dans le milieu de la médecine d'urgence : la majorité des blessés graves polytraumatisés ou victimes d'hémorragie décédant dans les premières heures, il y a donc un taux optimal de survie si ils sont pris en charge dans l'heure suivant l'accident. Pour ces situations d'urgence (attentats ou autres), la majorité des victimes ont lieu très rapidement, suite aux fusillades, à l'utilisation des ceintures d'explosifs, ou au sein du Bataclan, froidement abattu. Il est donc bien nécessaire de préserver le maximum de vies humaines dans les premiers instants, durant cette première heure (non 2h après).

Cette réaction proactive en moins de 2h, de nombreux utilisateurs de ces plateformes, simples Français (@visov1, @actudefense, @rpdefense, etc.), ont prouvé, à leur petit niveau et à leur manière, que cela était possible. Ils n’ont pas hésité, de leur propre chef, à diffuser des conseils et des consignes, tenter de répondre à des questions, interpeller directement certains utilisateurs suite à des actions jugées inappropriées, renseigner des témoins sur place sur des mesures à prendre, etc. Nul débat ici sur la responsabilité individuelle vs. celle de l’Etat, mais la constatation que les outils de l'Etat devrait pouvoir anticiper et ainsi orienter bien mieux l’action collective, en la rendant plus efficace.

Est-ce parce que nous étions vendredi soir et qu’aucune cellule ne veillait ? Ou qu’aucun système de permanence et d’alerte ne permet d’avoir du monde sur le pont notamment à la Préfecture de Police en moins de 2h ? Même dans la capitale de la France ? Alors que nous sommes en plan Vigipirate renforcé et que l’occurrence de tels événements était plus qu’anticipé par les spécialistes et responsables.

Est-ce parce les process n’étaient pas prévus, malgré l’épisode de janvier 2015 ? Que les leçons n’ont pas été apprises et retenues de la « crise » précédente (bien plus longue, et nécessitant moins de réactivité) ? Ou alors, est-ce parce que les process pré-établis n’étaient pas assez réactifs ? Nul besoin dans de tels cas "de plusieurs signatures d’autorités sur des parapheurs" pour pouvoir agir…

Est-ce encore parce que certains doutent encore de l’utilité de ces outils ? Les médias sociaux n’étant pourtant pas un monde à part, déconnecté du réel, mais permettent bien de rentrer en communication en quasi instantanée avec des acteurs de ces crises. Est-ce que certains pensent que diffuser de tels messages pourraient surtout créer de la panique et non, au contraire, avant tout préserver des vies ? Est-ce parce que certains se reposent uniquement sur les médias traditionnels dont nous avons vu, encore une fois, le manque de sens des responsabilités dans bien des cas ?
 

Comme pour d’autres volets des réponses, les priorités doivent être anticipées. Est-ce, par exemple, pertinent d’indiquer quelles sont les lignes de métro qui sont coupées (comme ce fût le cas), sans indiquer auparavant que la priorité est de se mettre à l’abri avant de communiquer, si possible fuir la scène pour éviter des sur-attentats, ne pas saturer les réseaux téléphoniques, ne pas propagez de "fausses informations ou de fausses rumeurs" (sic), diffusez les consignes de sécurité à ces proches, etc. En Français mais également en Anglais. Et cela, sans parler un langage peu compréhensible par le quidam en évitant tout jargon (comme dans "Numéro appel CIP pour toutes informations 08 00 40 60 05" à 00h34 par la Préfecture, où les initiales complexifient plus que simplifient…). 
 


Des messages courts, percutants, préétablis, voir illustrés, à répéter, doivent être préparés (et le sont souvent, donc doivent être disponibles et prévus). Des conseils pratiques visant différents publics : ceux qui sont touchés directement ou indirectement, ceux qui peuvent compliquer les opérations de secours, etc. Car, si de tels messages ne sont pas forcément directement lus par les personnes sur place, ils peuvent être communiqués par des tiers, renforçant l’effet boule de neige, et pouvant atteindre par rebond les personnes les plus directement concernées. Les médias entre deux témoignages, souvent insignifiants quand ils sont à chauds, pourraient d’ailleurs diffuser certains de ces conseils réellement utiles.

Participant à notre résilience, notre capacité à surmonter la crise, il s’agit au final de rappeler à chacun des conseils pratiques sans qu’il soit question d’avoir un bac+7 en médecine, 15 ans de sport de combat derrière soit, un permis de port d’arme, etc. Ce qui sert pour un attentat est évidemment utile pour d’autres événements extraordinaires, au sens littéral du terme : bousculade, tempête, crue, accident ferroviaire, routier, etc. Au final, cela permet de ne pas amplifier par notre action la terreur ou la sidération, mais bien de la limiter, chacun étant responsable de tous et tous étant responsables de chacun. Pour que définitivement, nous ne leur donnions pas, dans nos réponses et nos actions inappropriées, ce qu’ils souhaitent…

MAJ 1 : le gouvernement publie le 03 décembre 2015 une infographie pour "comment réagir en cas d'attaque terroriste" (d'ailleurs déclinable, dans les réflexes indiqués, à bien d'autres situations).

Action à relever, même si, une vision plus active aurait été préférable, avec, un point 4 consistant à "agir" : aider les autres à s'échapper et se cacher, secourir les victimes (après avoir été initié aux gestes de premiers secours, par exemple, ou, mieux, s'être formé au PSC1), guider les secours et proposer son aide, et, éventuellement (dans la mesure de ses moyens), se battre.

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