dimanche 28 mai 2023

Colloque drones et renseignement - Samedi 10 Juin et Dimanche 11 juin à Semoutiers (Chaumont)

Le 61e régiment d'artillerie, le régiment référent "drones" de l'armée de Terre, l'Amicale du 61è et des 6è et 7è régiments d'Artillerie et la Délégation régionale Grand Est des Jeunes IHEDN organisent ensemble des rencontres inédites sur les drones et le renseignement.
 
Elles auront lieu durant le week-end du 10 au 11 juin à Chaumont (52469, Semoutiers-Montsaon), dans le quartier du 61è RA. Avec stands d'exposition et de démonstration, et tables rondes de réflexions.

 
Nous pourrons nous y retrouver avec plaisir. Notamment autour de la table ronde n°3 du samedi 10 juin sur "État, drones et industrie : le temps du mariage de raison". 
 
 
Plus d'une trentaine d'industriels du secteur seront normalement présents lors de ces premières journées.
 
A suivre...

jeudi 25 mai 2023

Conférence - Innovation et systèmes terrestres du futur pour les soldats

Une récente conférence organisée par le COGES a permis d’aborder le sujet de l’innovation, « des ateliers aux tranchées », dans le secteur terrestre. Un secteur parfois vu, à tort, comme relativement conservateur dans le domaine. Et pourtant. Que cela soit dans la manière d’innover (comme « acte de management »), d’innover dans les produits ou les services, ou dans les concepts. 


Crédits : COGES.

Ainsi, les méthodologies ne sont pas éloignées de ce qui peut se voir ailleurs : la méthode agile (pas uniquement sur le software, mais aussi sur le hardware), les FabLabs et autres espaces de créativité via du design thinking, cette approche méthodologique dont l'objectif est d'innover ou de résoudre un problème identifié. Avec, par exemple, des réalisations concrètes conjointes pour Nexter avec les forces armées et la Direction générale de l’armement (DGA) sur le programme Dragon pour imaginer conjointement la défense Nucléaire Radiologique Biologique et Chimique (NRBC) à horizon 20 ans. Ou encore quant à l’artillerie du futur, pour des réflexions en interne Nexter. Cela a été aussi le cas avec des sprints, de quelques semaines à quelques mois, menés pour le développement de la munition de 120 mm SHARD (de type APFSDS - Armor-Piercing Fin Stabilized Discarding Sabot) dont une des données était de venir très directement concurrencer le produit d’un autre industriel. Pour cela, il était indispensable de pouvoir faire des essais de tirs en réel très rapidement, de pouvoir faire tourner des modèles numériques en s’appuyant sur les données retenues, et d’atteindre ainsi 80-90% des attentes du cahier des charges le plus vite possible. Le tout en gagnant environ 30% sur les cycles de développement jusque-là observés. La munition a été qualifiée en fin 2022, via de nouvelles campagnes de tirs autorisées sur un champ de tir situé au Portugal, détenu en propre, qui permet de réaliser des essais de manière plus souple, quoique sécurisés.


Crédits : Nexter.

Pour Arquus, l’innovation participative est particulièrement développée en interne sur la manière de produire, via les ICP (ou « idées concrètes de progrès ») soumises par les employés directement, avant de pouvoir les développer puis les appliquer. En trouvant ainsi une réelle motivation à le faire. C’est le cas sur des processus améliorés, des nouveaux outils de travail, etc. Comme le présente à une autre occasion, un responsable, cela se fait notamment via la démarche Lean Kaizen, centrée sur les améliorations jour après jour des processus, en mettant les opérateurs au cœur de la démarche. Par exemple, sur le site de Limoges, spécialisé dans la production de véhicules neufs, un important travail d’information partagée au sein des équipes a été réalisé, via la multiplication de tableaux de bord de suivi, les briefings matinaux, la mise en place d’écrans TVs sur les postes des lignes de production pour suivre des tutoriels vidéos à proximité de la réalisation des tâches, etc. 800 chantiers Kaizen ont été ouverts sur les différents sites Arquus depuis 2018, notamment dans l’optimisation des postes de travail. En plus de processus de remontées d’idées, des ateliers Kaizen dédiés ont été installées dans les différents bâtiments des sites de production pour permettre aux opérateurs d’innover eux-mêmes (avec mise à disposition d’outils et de matériaux), pour la réalisation de prototypes qui peuvent ensuite être généralisés. C’est le cas par exemple pour des chariots d’outillage (avec les emplacements pour les Equipements de protection individuelle (EPI), les outils, le support de tablette, les tableaux de bord…) développés dans certains bâtiments et ensuite industrialisés pour l’ensemble de certains sites.

Pour les produits et les services, il est à relever que l’innovation, notamment d’usage, ne se fait pas forcément avec de grands moyens, comme avec le ré-emploi et le détournement de technologies civiles comme axe parfois le plus simple. La facilité d’emploi des véhicules est ainsi un axe fort d’amélioration. C’est par exemple via l’utilisation de systèmes avec des caméras et des écrans normalement employés sur des camping-cars pour assurer la vision périmétrique autour du véhicule, notamment en déplacements, qui sont ré-utilisés sur des véhicules à l’export, « et qui font le travail », à des prix abordables. Encore faut-il avoir un bon dispositif de recueil des « irritants », comme via les équipes de démonstration qui sont très souvent au contact des clients. Des systèmes de crics gonflables ne sont-ils pas une solution efficace sur des terrains meubles ? Au-delà du détourné, il est aussi possible d’aller plus loin, notamment en puissant dans les ressources internes des filiales, et en profitant du rôle de systémier-intégrateur comme l’est Nexter via « le véhicule augmenté », présenté sur le véhicule blindé Titus il y a quelques années, et qui pourrait bien l’être sur Griffon sous peu : avec des robots terrestres de Nexter Robotics placés dans des coffres pour le transport et le rechargement, des optiques de la filiale Optsys, des drones filaires au-dessus du véhicule ou décollant depuis le toit du véhicule, etc. En ré-emploi, du côté de Nexter, c’est aussi la reprise du concept de l’obus d’artillerie Bonus pour l’appel d’offres lancé par l’Agence de l’Innovation de Défense (AID) sur les munitions téléopérés (MTO). Pour le volet Larinae (de longue élongation, au-delà de 50 km de portée), dont les résultats seront bientôt connus, Nexter propose une munition miniaturisée avec charge formée et sous-munitions qui se détachera à environ une dizaines de mètres au-dessus du véhicule ou des véhicules ciblés, et venir le ou les frapper à 2.000m/s.

En pas moins ambitieux, il y a aussi le fait de mettre le meilleur des technologies maitrisées et éparpillées au sein d’un unique véhicule, comme l’est le démonstrateur Scarabée. Que cela soit pour la partie suspension, direction, ergonomie, cellule de survie, vision extérieure, hybridation bien sûr (« utilisable dès maintenant »), etc. Pour de réels atouts opérationnels (approche furtive, effet boost, capacité de rechargement d’équipements, auto-génération d’énergie…). Qui pourront demain, si au-delà des effets d’annonce de la précédente ministre des Armées, les études de développement d’un démonstrateur basé sur un Griffon sont bien effectivement lancées, comme le précise un autre interlocuteur à une autre occasion : « depuis l’annonce il y a 2 ans par la ministre Florence Parly d’un démonstrateur de Griffon hybride en 2025, nous n’avons toujours pas reçu un seul € de contrat pour l’étude d’architecture nécessaire à l’installation du moteur hybride Renault Trucks sur un Griffon (même si la chaine cinématique ne devrait pas évoluer dans un premier temps) ». Un Groupe Motopropulseur (GMP) hybride pour chars sera présenté lors des prochains Technodays d’Arquus en mai 2023, pour chars Leclerc ou systèmes équivalents. Il s’agit de proposer des solutions « pour gérer le crépuscule des moteurs diesel » (poussé par l’application de la norme Euro 7 d’ici 2035 en Europe sur la réduction de la consommation d’oxydes d’azote). A ce jour, « les solutions Arquus rentrent pile poil dans les espaces prévus pour les moteurs thermiques, donc il n’y a pas de grande question de reprise des architectures », préçise un responsable rencontré à une autre occasion. D’autres solutions sont aussi étudiées comme des mélanges type SAF ou biocarburants / H2 brulés (type e-fuel) dans des moteurs thermiques ou l’emploi du LOHC (Liquid organic hydrogen carriers) pour du H2 liquide. Des solutions présentées comme « pas loin de la maturité haute ».

La dernière couche de ce développement continu de la plateforme Scarabée, la plus récente, étant les premiers tours de piste du Scarabée en télé-opération qui se sont déroulés récemment. Une présentation est prévue sous peu. A suivre. Il est possible de monter d’ores-et-déjà à 30 km/h pour le moment, sans perte de liaisons de données, et en maintenant les capacités de mobilité. Permettant d’aller au-delà du simple concept de mule suiveuse ou en convois, pour devenir à terme un réel équipier de véhicule-mère.

Nexter n’est pas en reste évidemment sur la robotisation, notamment autour des algorithmes d’autonomie, pour les feux et les mouvements. L’Ultro, démonstrateur jugé « bien né », pourrait offrir un produit d’entrée de gamme au final. Avec des vitesses de déplacement de 20/30 km/h, intéressantes, mais pas suffisantes pour suivre des véhicules pouvant se déplacer à des vitesses bien supérieures de l’ordre de 70 à 80 km/h. D’où, notamment, le partenariat récent avec Sogeclair sur la mule Phobos de SERA ingéniérie, qui aujourd’hui se déplace à 40/50km/h et demain pourrait atteindre les 70/80km/h. L’effort de développement remonter, au moins, à un véhicule Titus qui avait été instrumenté il y a plusieurs années avec des actionneurs pour de la téléopération. Une manœuvre utile pour défricher le sujet, et franchir des premières étapes en termes de CRL (Capability Readiness Level), comme utilisé par Nexter, à mettre en parallèle des efforts de TRL (Technology Readiness Level). Afin de mettre dans les mains des opérateurs des capacités pour qu’ils se fassent un avis, dans un environnement terrestre, fondamentalement déstructuré. Avant de se projeter sur le programme Titan, le volet Main Ground Combat System (MGCS), etc.
 

Concept Phobos en version mule / génie (pelle/treuil/cargo/reconnaissance) tractable par un véhicule Serval (Nexter / Texelis). Crédits : Nexter / Sogeclair.

Enfin, sur la partie services, un premier axe tourne autour de l’impression 3D, « sujet pour certains un peu magique, qui n’est pas sans coûts ni contraintes », selon un intervenant. Notamment en 1ère monte, même si déjà beaucoup peut être fait. Ainsi, sur un véhicule standard Arquus, il est identifié à ce stade 10% des pièces qui sont imprimables en fabrication additive. Sur un châssis de système d’artillerie Caesar, « bonne surprise », 20% des 200 pièces les plus utilisés en maintenance sont imprimables. Pour se lancer, un partenariat tripartie Arquus-Nexter-Vistory développe des containers ateliers permettant la production distribuée par fabrication additive de pièces dites « de secours » (et non détachées), à la demande, sur place, rapide, et en garantissant la propriété intellectuelle et la conformité. Soit une réelle maintenance de combat pour le maintien des capacités, pour que cela fonctionne rapidement à nouveau, le temps d’approvisionner. Une forme de système D plus qu’amélioré.

Un second axe concerne la numérisation, notamment les capteurs de type HUMS (Système de surveillance de l'état et de l'usage du matériel), premiers pas avant les jumeaux numériques, la maintenance prédictive, la continuité numérique du développement à l’emploi, la simulation en s’appuyant sur les données recueillies, etc. Des travaux sont menés par Nexter et Arquus (qui peut s’appuyer sur les travaux issus du civil, notamment au sein du Groupe Volvo AB) pour équiper (châssis et tourelles) un parc choisi d’une vingtaine de blindés VBCI du parc d’entrainement des camps de Champagne pour « démystifier le sujet des données », et voir ce que cela donne en vrai les algorithmes, la gouvernance, les flux, le stockage et le traitement, etc. Voir dans la vraie vie ce que cela donne, "en espérant que cela puisse se lancer d’ici fin 2023".

Au final, l’innovation participe aussi au positionnement de la gamme de produits proposés. Avec, comme indiqué par interlocuteur à une autre occasion, « une certaine sur-spécification des matériels en France qui ne les rendent pas forcément tous et tout le temps pertinents à l’export. Par exemple, Arquus a donc développé sur fonds propres une gamme de produits pour l’export (c’est le cas des VAB Mk3, Bastion et Sherpa), que la France pourrait acheter d’ailleurs si elle cherche à aller vers du moins complexe. Des véhicules plus rustiques, moins électroniques et moins chers, parfois plus compatibles avec les besoins et les budgets de clients ».Tout est bien histoire de compromis, au service des forces.

dimanche 7 mai 2023

De la diffusion de "l’esprit des capacités"

Le débat qui se tient actuellement autour de la Loi de Programmation Militaire 20224-2030 montre plus que jamais le besoin d’une évolution forte sur comment est mené en France le débat sur les questions de défense. Cela doit permettre de sortir d’une approche trop souvent arithmétique, à base de moins et de plus dans des comparaisons chiffrées mêlant malhabilement des torchons du 20ème siècle et des serviettes du 21ème siècle, en s’appuyant sur des trop rares tableaux incomplets (quand ils ne sont pas inexacts).
 

Ce débat est mené, il est vrai, dans un (trop) petit monde d’initiés. Il montre aussi, par effet de bord, la fragilité des connaissances employées (ou disponibles) pour le conduire à quelques trop rares (et notables) exceptions. Il s'agit donc de collectivement réussir à élever le niveau. Les torts sont partagés entre une culture capacitaire et opérationnelle sans doute moins diffusée qu’auparavant. Pour expliquer cela, pas besoin de refaire un grand retour en arrière sur la suspension de la conscription ou autres grands flashbacks historiques. Le rôle des autorités (politiques, civiles, militaires...) ou autres parties prenantes (industriels, associations, chercheurs, experts…) est aussi notable, faisant parfois tout pour se concentrer sur d’autres sujets (leurs champs restreints d'expertise), par paresse (un peu), par facilité, par choix assumés, par  "cachotterie" politique ou par gêne d'affronter une certaine vérité dérangeante. Des raisons sans doute plus fréquentes que celles parfois pointées de pure sécurité opérationnelle vis-à-vis de partenaires ou d’adversaires, il est vrai, de plus en plus curieux ou pressants, rendant ces excuses pas non plus totalement illégitimes.
 
Liée grandement à la stratégie des moyens, l’approche capacitaire et la diffusion continue de son importance, la défense d'une forme "d'esprit des capacités" (au sein de l'esprit de défense), doit pourtant regagner des lettres de noblesse. Et cela, malgré la patience nécessaire pour en dépasser le côté frustrant ou ardu, et atteindre une certaine maîtrise (toujours relative, et jamais pleine et entière tant le champ est vaste). Cela est nécessaire pour aller au-delà de grands débats peu opérants sur certaines fins poursuivies (avec des débats en plus parfois  mal menés, comme dans la dernière Revue Nationale Stratégique), ou sur certaines approches face aux évolutions d'un monde qui change (et qui continuera à changer, ce qui est assez dingue...). Il s’agit de ne plus se contenter d’approximations ou de simplismes présentés à longueur d'articles, de posts de blog, de tweets ou de commentaires. Toutes ces fausses bonnes idées simples qu’une plongée en profondeur dans la complexité d’un système de forces devrait faire rapidement disparaitre ou évoluer. Cela doit permettre de plus de mieux se concentrer sur pouvoir vs. vouloir, et se concentrer sur d'autres priorités atteignables.
 
Il faut donc sans cesse réexpliquer la complexité d’une approche où un système (et non un matériel ou un équipement) est d’abord un tout, avec porteur central, charges utiles de senseurs, capteurs et effecteurs, réseaux internes, ou encore interfaces numériques/physiques, nécessaires à une approche combinatoire, celle qui aujourd’hui fait la différence comparée à la simple accumulation ou juxtaposition de moyens. Que ce système est lui-même issu d’un système de production complexe, avec un contexte particulier de développement (scientifique, idéologique, doctrinale…), une sous-traitance en cascades, des chaines d’approvisionnement courtes ou étendues, des stocks et des flux,  des délais, des acteurs régis par des logiques économiques, avec des sujets de RH qualifiées, etc. Qu’il est aussi pris dans un système de soutien, avec des infrastructures, des outillages, des pièces de rechange, des systèmes d’information et de logistique, des moyens de tests, de la documentation et une réglementation… Avec des coûts financiers plus ou moins anticipables et identifiables pour chacun de ces éléments.
 
Ou encore réexpliquer patiemment les initiales DORESE (qui peuvent avoir des variantes, selon la précision recherchée) de la capacité opérationnelle, pour prendre en compte la doctrine (le pourquoi et le comment ?), l’organisation (quelles structures interagissent ?), la RH (quel volume et quelle formation ? LE point clé à tous les plans les plus ambitieux...), l’entraînement (quels fréquences ? quels moyens et espaces dédiés ?), le soutien (quels infrastructures ? quels plans de maintenance ? quelle logistique ?...) et l’équipement (quel environnement ? quelle interopérabilité et quelles interfaces ?...). 
 
Sans un effort pédagogique déjà fait en partie par certains et qui mériterait d’être poursuivi (par les exemples disponibles, l’accès aux données, les conférences, les auditions, les discours, les rapports parlementaires, etc.), le risque est sinon grand de manquer à la fois l’idée générale et le détail qui compte au moment donné sur le terrain, lors de la finalité opérationnelle. C'est aussi risquer de rendre finalement bien caduc et inopérant l’ensemble des efforts engagés de persuasion, de mobilisation et de juste évolution de l'ensemble. Cela serait aussi continuer à comparer numériquement des capacités qui n’ont pas grand-chose à voir du fait d’évolutions des spécifications et de l'environnement. Ces évolutions, est-ce un mal, est-ce un bien ? Est-ce nécessaire ? Optionnel ? A modifier ? A faire évoluer ? Le débat doit évidemment apporter aussi ces réponses, mais toujours dans un cadre fini (temporel, financier, social, politique, humain…) aux complexes interactions. 
 
Mais cela passe déjà par la nécessité de prendre en compte l’intérêt de comparer ce qui est comparable, de le faire pour comprendre et évaluer les avantages et les inconvénients des choix et des renoncements. D'éviter sans doute de parler de transformation d’un modèle de forces, en mode marketing, quand il s’agit sans doute plus encore de poursuite de réparation d’un modèle, en mode pessimiste, ou plus surement de mise en cohérence de ce modéle, en mode optimiste. La cohérence n’étant pas un vilain mot dès lors qu’il s’agit d'être capable de produire réellement des effets attendus, au prix de justes efforts de recomplétement et de points d'efforts prioritaires. Des mesures peu vendeuses peut-être, mais nécessaires. Il s’agit aussi par cela de ne pas créer des niveaux d’expectation sur-élevés par rapport aux perceptions et attendus, et donc d'éviter de créer des frustrations, néfastes pour un tout un tas de raisons, notamment quand à la confiance mise dans les responsables, pensant parfois plutôt bien faire. 
 
C’est peut-être à ce prix d'effort pédagogique quant à "l'esprit des capacités" que le débat gagnera en précision et en qualité. Ce débat est appelé de leurs vœux par bien des acteurs, sur un mode de quasi ritournelle, alors qu’ils ne donnent pas toujours dans le même temps les moyens suffisants de le mener, par manque d’informations surtout, d’échanges et de temps parfois. Cette maturité du débat stratégique sur les moyens (comme celui sur les fins), nous le devons à la fois pour ceux qui exécutent cette politique de défense, parfois au péril de leur vie, mais surtout pour tous ceux au nom de qui cette politique de défense est menée. Le niveau des moyens accordés et employés, et les conséquences de leur emploi, l’exigent.

mercredi 19 avril 2023

Vidéos suite à l'exposition "Forces spéciales" au Musée de l'Armée (Invalides)

La chaîne Youtube du Musée de l'Armée a mis en ligne plusieurs heures d'entretiens réalisés dans le cadre de la récente exposition sur les Forces Spéciales. Morceaux choisis entre histoires, moyens, innovation…

Noël comme femme d'un équipier du 13è RDP (régiment de Dragons parachutistes) déployé en opérations Madame. Mon plus grand respect (certains et certaines souriront - ou grimaceront - à l'évocation du portable mis en mode sonnerie qu'importe les situations, et mis à portée de main même sous la douche, pour ne pas rater un coup de fil)

Le témoignage, poignant, de la veuve du commando marine Loic Le Page mort au combat en 2006 en Afghanistan. Petite claque.

Au retour "On décore des militaires pour des faits de guerre, mais je pense qu'il ne faut pas oublier nos femmes".



30 ans du COS

Quand le respect des accords de Dayton en Bosnie (et le retrait d'une division serbe) se joue après des jours de négociations lors d'un concours de tir au pistolet entre un officier français et un général serbe (après quelques verres de slivovitz pour corser l’affaire...)

Un "record" qui teindrait encore (depuis 1974) réalisé conjointement par un membre du commando Hubert et un Navy Seals américain, en échange en France, d'une plongée de 7km en 4H10

Quand lors de l'évacuation de ressortissants français (et européens) à Brazzaville (Congo) en 1997, il a aussi fallu pour les forces spéciales aller chercher les bébés gorilles du zoo local, abandonnés à leur sort, alors que la ville était à feu et à sang...

En aout 1991, lors de l'exfiltration du général Aoun au Liban, le plus compliqué d’une mission complexe menée par les commandos-marine a peut-être été de réussir à convaincre le général d'enfiler un ciré pour l'exfiltration qui s’est faite en hors-bord...

vendredi 3 février 2023

UNIVEM - Amoureux de mécanique et passeurs de mémoire cherchent locaux !

Le véhicule de commandement, Dodge Command Car, qui a réellement vu le Général Leclerc rentrer dans Paris à l'été 1944, le seul exemplaire roulant en France de char de conception américaine Sherman entièrement rénové à l'extérieur... et à l'intérieur (avec moteur d'origine), le véhicule prototype n°1 Renault 1984 du programme de Véhicule Blindé Léger (VBL) bien connu de l'armée de Terre (le choix se portant au final sur le véhicule Panhard), une grue roulante Borckway Quickway dont il ne reste que 3 exemplaires en Europe...


Autant de pièces rares présentes au sein de la plus grande collection privée française de véhicules historiques liés à la 2ème Division Blindée (Division Leclerc) ou aux armées américaines et britanniques de la Seconde Guerre mondiale. Véhicules conservés et entretenus avec passion par les quelques 160 cotisants de l'association UNIVEM (Union Nationale des Collectionneurs de Véhicules Militaires), association loi 1901 crée en 1993, et reconnue d'intérêt général.

Hébergée depuis 2005, après avoir quittée les anciens locaux AMX d'ISsy-Les-Moulineaux, via une autorisation d'occupation temporaire (AOT) au sein d'hangars de la Section Technique de l'armée de Terre (STAT) sur le Plateau de Satory, son avenir s'est assombri du fait de difficultés administratives, notamment liées au plan d'urbanisme prévu sur le Plateau de Satory (arrivée prochaine du métro Ligne 18, évolution de l'A86 toute proche, modernisation possible des emprises de la STAT...).

Alors que plusieurs solutions étudiées n'ont pas débouchées récemment (nouveaux locaux au sein de la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres - SIMMT, du 121ème régiment du Train de Montlhéry...), l'association pourrait se retrouver prochainement sans toîts pour héberger ses pièces de collection, et sans pouvoir continuer son travail important de mémoire et de transmission.


L'association participe en effet avec ses véhicules à de très nombreux événements commémoratifs, reconstitutions, films, expositions (avec un prêt d'une Jeep SAS pour l'exposition récente sur les forces spéciales au Musée de l'armée aux Invalides), liens entre générations (via les efforts des plus anciens pour transmettre les secrets de la mécanique ,parfois un peu capricieuse sur ces véhicules, aux plus jeunes adhérents), etc. Ce qui serait fort dommage tant est grande leur disponibilité et leur passion, prouvées rencontre après rencontre avec le public.

Ainsi, l'association et sa soixantaine de véhicules sont à la recherche urgente de locaux (d'environ 1.500 m2 minimum), potentiellement de locaux privés, dans l'Ouest de la région parisienne, et jusqu'à un axe Paris-Normandie. En l'absence de mécènes, possiblement avec un loyer (modéré, évidemment, du fait de l'absence de subventions reçues par une association entièrement auto-financée). Toute piste sera étudiée, donc n'hésitez surtout pas à contacter ces amoureux de l'Histoire vivante et incarnée !

Et n'hésitez pas à les soutenir également via la signature d'une pétition.

samedi 28 janvier 2023

Lecture - "Face à la mort" (Rémy Nollet, Editions du Rocher)


"Face à la mort" (Rémy Nollet).
 
Pas de grands chapitres ici sur des interventions du GIGN ou autres forces spéciales et spécialisées. Mais des tranches de vie du quotidien connues par bien des gendarmes départementaux.
 
Avec pas moins d'humanité, de don et de service aux populations. Au plus près de la société et de son quotidien, où le banal côtoie souvent le tragique.

En rencontrant très, trop, souvent la mort, quand tout est fait pour la sortir de nos quotidiens. Or personne n'en sort indemne de ces foutues rencontres. Et il faut pourtant poursuivre, son intervention, sa vie.

C'est donc une plongée pleine d'humanité, avec des mots simples, que propose ici le colonel Rémy Nollet, en s'appuyant sur les situations réelles, vécues durant sa carrière en Gendarmerie départementale.

Pour découvrir, un peu, "l'humaine condition de ces soldats" en bleu pour reprendre les mots de la préface du directeur général de la Gendarmerie nationale, du général Christian Rodriguez. 

Pas de "recettes magiques" ou de prétentions universelles dans les chapitres sur la 1ère fois, sur celle d'un plus proche, d'un enfant, sur celle qui touche un frère d'armes, sur la 1ère annonce...

Mais des mots posés sans emphase sur ces situations personnelles si variées, et si communes pour certains. D'un homme, d'un père, d'un gendarme, d'un chef.

Un ouvrage qui trouve son origine au moment de la scolarité de l'auteur à l'Ecole de Guerre. Moment vécu par l'auteur comme un moment de prise de recul et d'intenses échanges avec les camarades de promotion, notamment des armées, aux expériences variées, et aux réflexions poussées sur cette foutue compagne qu'est la mort. Un riche moment donc qui a entraîné le début du long parcours d'écriture, dont nous bénéficions ici à travers cet ouvrage. Qu'il en soit remercié. Qu'ils en soient remerciés

samedi 31 décembre 2022

#Bestof2022 - #Retro2022 et Bonne année 2023

"Aux résultats" pour cette année 2022 :

Moins d'articles écrits que d’autres années, mais des articles plus lus en moyenne (certains rentrant en quelques mois dans le top 10 des articles les plus lus en 14 ans d’existence de ce blog)... et pour certains des articles plus commentés, avec un important ‘SAP’ (ou « service après publication ») à assurer.

Dans le top 5 :

1. En attendant (un jour) la LPM à venir :

"Pour une révolution dans les affaires militaires (françaises) !" (mai 2022)

2. LPM pas aidée par une boussole démagnétisée : 

"Revue Nationale Stratégique - Caramba encore raté..." (novembre 2022)

3. On en reparlera quand il faudra porter quelque chose de lourd... :

"Histoire - Il y a quasi 20 ans, 45 chars Leclerc étaient déployés en Ukraine pour un exercice majeur" (février 2022)

4. Orion, il devrait en être question dans les semaines et mois à venir :

"Exercice HEMEX ORION 2023 - Réussir à faire les choses en grand et le faire savoir" (mars 2022)

5. De la petite histoire dans la grande Histoire :

"Djibouti - Des marins aux bérets verts, couchés à droite et badgés à gauche, à l’origine de la célèbre "Voie de l’Inconscient"" (janvier 2022)

Au final, bonne fin d'année (agitée) et bonne prochaine année (agitée aussi, sans aucun doute) à ceux ici ou là bas, pour nous. Loin de leurs proches ou près des leurs. Aux anciens, aux actuels et aux futurs. Et aux autres, eux aussi non oubliés.

Nul doute que sous une forme ou une autre, « en vrai », sur le blog ou sur les différents réseaux  actifs (Facebook, Linkedin, Twitter, Instagram, Mastodon...), il y aura bien des occasions de se croiser. D'être d'accord ou pas. De débattre. Et d’avancer. D’ici là, 0 bonne résolution (non tenable...) prise pour améliorer le rythme de publication. Cela restera à l’envie.

Je (re)quitte la fréquence jusqu'à la prochaine vacation. Over.

mercredi 16 novembre 2022

Euronaval 2022 - Un soutien naval innovant pour une marine de combat

Lors du dernier salon mondial du naval de défense Euronaval, j’ai eu le plaisir de réunir des profils variés pour évoquer le sujet de l’innovation dans le soutien naval. Du rapport remis fin 2018 à la ministre des Armées d’alors par Jean-Georges Malcor sur le maintien en condition opérationnelle (MCO) naval, qui distribuait quelques satisfécits mais listait aussi des axes d'amélioration, en passant par les décisions ministérielles prises début 2019 qui donnait une feuille de route pour la modernisation du MCO naval, ou encore le plan stratégique Mercator de 2018 de la Marine nationale puis Mercator accélération de 2021, tous indiquaient la nécessité que "cela flotte" plus (et… indirectement moins cher), vus les enjeux actuels. 

Comment l’innovation participe et peut participer à cet effort de guerre ?

Etre ouvert à l’innovation

Fondée en 2019 par trois connaissances travaillant dans le milieu maritime plutôt civil, MaDfly propose des services par engin télépiloté répondant aux contraintes d’accès de ce milieu pour les interventions en intérieur, en extérieur et en sous-marin. Grâce à des drones aériens, flottants ou sous-marins, les inspections de structures hautes, de soutes, de coques ou autres sont rendues plus rapides, plus sûres et moins coûteuses. Comme le dit Thierry Guillot, un des co-fondateurs, "nul besoin de monter des mètres d’échafaudage pour vérifier l’intégrité d’une structure en hauteur, voir les traiter via un drone relié à un tuyau, de mettre en place une nacelle élévatrice pour traiter une face, puis tourner le navire le long du quai pour traiter l’autre face, etc." Le drone permet également de nettoyer les bordées de coques côté quai et côté mer, ce qui n’est pas possible de réaliser avec une nacelle. Les immobilisations sont moins fréquentes ou longues, les opérations mieux anticipées, les risques pris moins nombreux, etc. Et, si les gains financiers sont parfois difficilement quantifiables, nous y reviendrons, les centres de coûts voient leur montant diminuer. Dans le domaine, les technologies (systèmes de mesure d’épaisseur de coques, de traitement des données recueillies pour la cartographie, d’aide au pilotage en milieu clos, etc.) se développent rapidement pour aller toujours plus loin dans ce qui est réalisable et utile pour des opérations de MCO, obligeant à une veille permanente pour rester à la page.


Voici une possible innovation dont il est nécessaire d’évaluer les plus-values et les limites avec son éventuelle utilisation. D’où les expérimentations en cours. Pour cela, il est nécessaire d’avoir tout un écosystème en mesure de capter les bonnes idées. Jean-Marc Quenez, du bureau Innovation-Performances au sein de la Direction centrale du Service de Soutien de la Flotte (SSF), rappelle que le SSF, en charge du soutien des navires, s’est structuré depuis 2018 en se dotant d’un comité de sélection de sujets innovants (dit Comité Bougainville, qui se réunit 10 fois par an), avec en plus de la portion centrale parisienne, des référents à Brest et à Toulon. Les innovations remontées via différents canaux sont présentées, et le comité (avec des experts techniques, logistiques, etc.) en sélectionne pour conduire des expérimentations. Une quinzaine par an sont menées, au niveau de la direction centrale, en plus d’autres menées par les responsables en charge des contrats de soutien de classe de navires. De plus, les chantiers en charge du MCO peuvent également en mener sur fonds propres ou sur fonds partagés, en étant conseillés par le SSF. Les principaux domaines sont ceux des données et de sa manipulation (numérisation des opérations, visualisation, etc.), nous y reviendrons, et celui des outils (impression 3D, tablettes connectées, lunettes connectées, caméras, robots de nettoyage, de décapage, de peinture, etc.). Avec déjà des avances notables dans le domaine de la télémaintenance (notamment depuis la crise de la covid pour faire appel à des experts restés en métropole) ou encore pour les travaux de nettoyage de coques pour améliorer l’état de la carène et minimiser la résistance. Globalement, cette phase d’expérimentation, avec recueil de retours d’expérience, est aujourd’hui plutôt bien menée, selon les différents acteurs.

mercredi 9 novembre 2022

Revue Nationale Stratégique - Caramba encore raté... (+MAJ)

Décevant.

Il faut saluer la grande qualité des rédacteurs des Revues Stratégiques précédentes de 2017 et 2021 qui, selon ceux de la nouvelle Revue Nationale Stratégique, ont vu tout juste, comme cela est plusieurs fois souligné dans le document récemment publié. Nécessitant finalement, selon les auteurs de la version de 2022, de ne (quasi) rien changer, à part accélérer ce qui a été déjà décidé. Jamais très bon quand nous sommes collectivement face à un mur… A se demander pourquoi lancer un nouvel exercice cette année alors que les constats sont déjà là (relativement prévisibles), ou qu'il est fait appel de manière récurrente, et comme peu jusqu'alors, à d'autres documents quasi similaires récents : Concept Stratégique de l'OTAN et Boussole Stratégique européenne. A moins que cela ne soit les solutions aux problèmes et les réponses aux constats qui ont été ni trouvées ni mises en œuvre depuis lors.

Certains paragraphes relèvent plus du ‘Bullshit Bingo’ qu’autres choses, en tentant d'additionner en un minimum de phrases le maximum de menaces ou de concepts. Leur rédaction ayant été sans doute laissée à certaines administrations concernées (ou intérêts particuliers défendus, parfois industriels), en pleine exercice d’autojustification ou descriptif de leurs missions, de leurs périmètres et de leurs évolutions en cours. Le manque d’harmonisation de l’ensemble s’en ressent d’autant plus, avec certains éléments, soit redondants à quelques lignes d'intervalles, soit attachés à certaines zones géographiques spécifiques qui pourraient sans effort (et raisonnablement) être attachés à bien d’autres zones. Ou à certains milieux ou certains champs, alors qu'ils s’avèrent plus généraux que particuliers. Avec des éléments micro-tactiques, très fouillés, pas inintéressants, côtoyant des grandes envolées, bien peu utilisables. Les délais courts y sont peut-être pour quelque chose.

Plus que ces questions de forme et aussi de fond, l’impression générale est que l'exercice mené, peu collégial, laisse en suspens bien des questions, avec surtout un scepticisme grandissant sur la capacité à poursuivre certaines courbes comme avant, qu’importent les difficultés conjoncturelles ou structurelles observées. Les alertes n’y font rien, alors que pourtant il s'agissait de tirer les conséquences d'un certain nombre d'alertes reçues en peu de temps : politique, sécuritaire, sociétale, militaire, environnementale, etc.

vendredi 14 octobre 2022

Musée de l'Armée (Invalides) - Exposition "Forces spéciales" jusqu'au 29 janvier 2023

Comment concilier la représentation de la pâte humaine qui est au cœur du sujet "forces spéciales" et le matériel qui est lui aussi omniprésent ? L'Histoire et le Temps (quasi) présent ? La discrétion inhérente au sujet et le pari de faire voir au grand public ?
 

Ce ne sont pas les moindres des défis relevés ces 2 dernières années (oui, 2 ans de préparation) par les équipes du Musée de l'Armée en lien étroit avec le Commandement des Opérations Spéciales (COS) pour proposer cette exposition sur les Forces Spéciales. Exposition qui coïncide avec les 30 ans de la création de ce commandement, tirant notamment les enseignements des opérations de la 'Guerre du Golfe'. Soit plonger dans l'histoire profondément humaine de ces hommes et femmes, notamment par la vidéo. Donner à découvrir par les yeux un peu de leurs objets, parfois très rarement vus, du quotidien.


Au-delà des chiffres (3 grandes salles, quelques 250 objets exposés, choisis après des visites dans chacune des 16 unités, plus de 6H d'entretiens présentés sur de nombreux dispositifs multimédias - qui seront disponibles à la fin de l'exposition dans le domaine public - sur les 80H d'entretiens menés, etc.), il faut retenir l'agencement des éléments dans une muséographie (très) travaillée : en horizontal comme en vertical, entre ombres et lumières, entre dépouillement - avec un touchant, très simple, In Memoriam pour les 28 membres des forces spéciales morts en opérations depuis 1992 - et reconstitution plus fouillée (d'un poste de commandement d'une Task Force, d'une salle de groupe avec des casiers d'équipements, d'un poste avancé médical, etc.).
 
Même les sièges à disposition sont de "couleur locale".
Avec des banquettes de C-160 Transall, appareils récemment retirés su service.

De 1942 à nos jours, les pièces d'intérêts, au-delà de pièces parfois beaucoup plus communes, ne manquent pas : entre les prêts des unités - plus de 70% des objets présentés, celles de collectionneurs ou industriels partenaires, et même 3 pièces en provenance de proches partenaires en opérations  - Grande-Bretagne et États-Unis, avec notamment une tenue d'un des opérateurs de la SEAL Team 6 portée lors de l'opération Neptune Spear qui conduira à la mort d'Oussama Ben Laden en mai 2011.
 

mercredi 7 septembre 2022

Armée de Terre - A propos de la prochaine sortie du bois sur le sujet robotique

Le responsable du sujet robotique au sein du bureau Plans (en charge de l’avenir à moyen-long terme, pour résumé) de l’état-major de l’armée de Terre (EMAT) est récemment revenu sur la construction et l’intégration progressives d’une capacité robotique au sein des forces terrestres françaises.

La grande étape à venir étant la formalisation et la présentation d’ici la fin de l’année des besoins de l’armée de Terre pour de tels équipements. Etape de « sortie du bois » sur le besoin opérationnel, le fondement de toute action, après une intense phase de maturation et d’exploration, en lien notamment avec le Battle Lab Terre, et d’expérimentation, notamment avec la section exploratoire robotique (SOR) Vulcain.

Un besoin opérationnel qui ne remet pas en cause fondamentalement les grandes réflexions actuelles quant à l’avenir des forces terrestres, mais permet à la fois d’apporter un plus sur certains facteurs de supériorité opérationnels (FSO), notamment l’endurance et la masse, ouvre de nouvelles perspectives à travailler, notamment en termes de coopération, et son lot de défis (notamment pour la compréhension).

Le tout en intégrant la responsabilité éthique, avec non pas des SALA (qui ne seront pas développés pour les armées françaises), mais des SALIA (systèmes d’armes létaux intégrant de l’autonomie), comme présentés notamment dans l’avis émis par le comité d’éthique de la défense en avril 2021. CE qui conduit au fait que le commandement conservera l’appréciation de situation permettant la poursuite de mission, sera responsable de l’emploi des robots, et supervisera les fonctions critiques. Des grands principes qui demandent concrètement de s’assurer, avec les industriels, que cela est réalisable techniquement, dans les situations rencontrées en opérations.

Au final, le projet Vulcain, sur les aspects de robotique, permet d’espérer intervenir sur 2 axes forts : augmenter la profondeur tactique des effets (en distance de frappe, en capacités de renseignement, etc.), et augmente les possibilités de saturation sur l’adversaire (physique, électronique, cognitive…). Encore faut-il alors passer chacune des capacités selon le double prisme du : Qu’est-ce que je veux en faire ? L’analyse fonctionnelle. Et combien cela va me coûter ? L’analyse de la valeur. Une équipe robotisée de désignation des feux dans la profondeur peut avoir un sens tactiquement, mais peut perdre tout avantage dès lors que les contraintes et les coûts s’envolent. A quels couts permets-t-elle d’entrer dans la bulle adverse, de se prendre des coups et d’y rester ? Notamment parce que, pour le moment, une capacité robotisée coute globalement, via son empreinte RH, plus chère qu’une capacité non robotisée. D’où le besoin de laisser maturer la partie automatisation jusqu’en 2030, pour espérer faire de réelles économies, en atteignant de réelles plus-value. La charge cognitive consentie doit être acceptable, soit une notion d’efficacité forte : « si je mobilise 3 personnels sur la gestion du robot, il faut que cela apporte beaucoup ». Heureusement, « il existe des systèmes à haute VA qui sont atteignables avec une autonomie réduite ».


Ainsi, selon l’armée de Terre, dans le domaine, les forces terrestres sont à un carrefour dans le choix des effets à atteindre, et les décisions qui sont en train d’être prises conditionneront l’architecture générale qui sera retenue et sur laquelle les besoins seront travaillés conjointement avec la Direction Générale de l’Armement (DGA). Notamment quant au choix de l’architecture générale entre : unités entièrement robotisées, unités mixtes, robotique comme outil de l’arrière, robotique tactique, opérative ou stratégique, etc.

C’est dans ce cadre que le projet Vulcain est lancé, projet qui a vocation à nourrir l’expression du besoin robotique de l’armée de Terre (sans être un programme d’armement en tant que tel), pour permettre de mettre en œuvre une capacité de robotique tactique à l’horizon 2040. Pour la préparation de l’avenir, il doit orienter les travaux de préparation de l’avenir et tout particulièrement les aspects robotique du projet Titan, visant la modernisation de la composante « lourde » des forces terrestres, ainsi que la cohérence et la connectivité interarmées (et non plus uniquement interarmes). Pour sa part, le programme MGCS intègrera une robotique qui lui est propre (des ailiers autonomes, et une capacité d’agression), qui est réfléchit pour la cohérence dans l’approche Vulcain, mais qui est bien pour le coup une opération d’armement en tant que tel.

mercredi 10 août 2022

Innovation - Le démonstrateur Scarabée d'Arquus

Ai eu la possibilité de faire récemment quelques tours de pistes d'essais sur le plateau de Satory dans le démonstrateur de blindé Scarabée d'Arquus, pendant une petite heure. Passant notamment après l'actuel chef d'état-major de l'armée de Terre (CEMAT) qui avait embarqué dedans quelques semaines auparavant.

Démonstrateur (et non prototype), même si les puristes des définitions pourraient en débattre, permettant de développer, tester, intégrer et faire gagner en maturité un certain nombre de technologies. Certaines jusque là plutôt issues du monde civil et parfois déjà matures pour ces cas d'usage, mais passées à cette occasion dans un environnement militaire représentatif.

Principalement (et sans être exhaustif) dans le domaine de la propulsion (avec l’hybridation, notamment via un moteur V6 de 300 ch en thermique et 100 ch en électrique, avec 3 batteries différentes), de l'architecture (avec un groupe moto propulseur d'un seul tenant placé à l'arrière notamment), de l'ergonomie (avec, par exemple, la gestion des différents modes de propulsion par le pilote), etc.

Le fruit des efforts visible aujourd'hui est le résultat d'un programme "secret" débuté discrètement avec moins d'une dizaine de personnes concernées en 2017, défrichant les grands choix architecturaux, à un blindé beaucoup plus mature à ce jour pouvant bénéficier des technologies de tout un groupe industriel (avec une équipe dédiée restreinte, et un budget évidemment non extensible). Avec quelques heures de travail et des milliers de kilomètres d'essais déjà de réalisés.

Le Scarabée est aujourd'hui autorisé par la Direction générale de l'Aviation civile (DGAC) à embarquer dans des avions civils avec les batteries installées, suite à un long et exigeant processus de certification quant au respect des normes de sécurité, ce qui constitue une première mondiale civile et militaire, et vient valider les progrès réalisés dans la sécurisation de différents ensembles (notamment face aux risques d'incendie des batteries, de résistance aux variations de pression, etc.).

Les 400ch cumulés pour environ 7 tonnes à vide se ressentent vite dans les phases de roulage dynamique réalisées (sans préparation particulière autre que de baisser les suspensions réglables pour les phases les plus dynamiques). Permettant de passer, départ arrêté, à 30km/h sur une pente à 40% d'une quarantaine de mètres, d'atteindre les 125km/h en ligne droite sans forcer (les 135km/h ayant été dépassé sur d'autres essais), d'avoir des accélérations incomparables à un départ arrêté de VBL (même en version Ultima), etc. Avec en impression de conduite, comme passager, des phases de transition de toute électrique à hybride ou thermique très naturelles, une capacité de "boost" pour une accélération forte, un silence impressionnant en mode tout électrique, etc. Le résultat d'un bon rapport poids/puissance (voir même très bon rapport), et surtout du couple disponible pour gérer les variations, et du gros travail réalisé pour hybrider et permettre d'utiliser conjointement les différents modes (les pas des différents ensembles devant se rejoindre pour basculer de l'un à l'autre et maximiser leur apport conjoint).
 

Le Plateau de Satory en concentré sur une image. Pistes d'essais (dont ses fameuses rampes de différents pourcentages), démonstrateurs de blindés (dont le Scarabée d'Arquus), hélicoptères (dont les EC145 Airbus Helicopters des Forces Aériennes de la Gendarmerie Nationale), unités (dont le GIGN - Groupe d'Intervention de la Gendarmerie Nationale des gendarmes de l'inter' étaient au bout du treuil en entrainement - non visibles car cachés dans les arbres)

Avec un important travail de réalisé récemment (en plus du passage il y a quelques mois maintenant du tout thermique ou tout électrique à hybride) sur l'ergonomie du poste de pilote (placé à l'avant, face à de larges vitres - utiles aussi pour l'équipage placé derrière qui a une impression de moindre enfermement comparé à d'autres blindés) et sur l'interface homme/machine pour gérer les transitions entre les différents modes de propulsion, le suivi des batteries, les choix d'assistance de conduite, des réserves de puissance, la facilité du pilotage (hier via joysticks pour certains modes de déplacements, à assistance sur le volant aujourd’hui), etc.

En plus de la capacité "crabe" avec des roues et des essieux avant et arrière orientables (permettant de tourner quasiment sur place et de se déplacer quasiment en latéral, une fois le mode enclenché d'un simple clic) qui offre des capacités opérationnelles en terrain compartimenté/accidenté/tout-terrain assez évidentes pour se déplacer plus finement, se sortir d'un mauvais pas, faire des demi-tours dans des rues encaissées, se déplacer lors de "coups d'œil" en phase d'observation ou d'acquisition de cibles, etc.

 Avec les portes sur des gonds visibles, les anciennes portes sur glissière étant parmi les options disponibles pour les potentiels clients intéressés. Le côté innovant du blindé n'était pas forcément là-dessus, mais mobilisait jusqu'alors les conversations (et les critiques) en passant à côté du reste...

En plus des pistes et des terrains d'essais du constructeur largement utilisés, des essais en tout-terrain ont aussi été menés ces derniers mois sur le camp de Canjuers notamment. Avant des essais par temps chaud potentiellement à venir (en plus des passages du blindé dans des chambres représentant des températures très hautes et très froides déjà menés). Et peut-être des essais avec de l'armement plus tard (même si à ce jour, la disponibilité des champs de tirs pour les réaliser est un sujet).

La Section Technique de l'armée de Terre (STAT) a pu faire quelques essais avec le véhicule pour en découvrir le potentiel, et le véhicule tourne très régulièrement pour des démonstrations pour des autorités et d'éventuels prospects. Avec d'ores et déjà des marques d'intérêts (à concrétiser) certaines de certains.

Il y a à ce jour encore des travaux de fiabilisation et de développement prévus dans les mois à venir. Notamment encore sur la partie suspension, motorisation dans certaines conditions, etc. Et une feuille de route en auto-financement (principalement) très fournie (avec aussi des apports sur la partie blindage/protection qui pourraient venir des programmes européens type FAMOUS 1 et 2), et quelques autres surprises... Des travaux sont ainsi réalisés avec des nouveaux pneus Michelin plus résistants, par exemple. 

Enfin, un travail est encore en cours sur les configurations possibles (même si cela sera surtout les possibles clients qui orienteront les choix définitifs), quant aux réserves, assez importantes, d'emport (autour d'une grosse tonne), les armements embarquables (avec un arceau central prévu pour gagner de la masse sur le toit) et déjà plusieurs configurations en interne et en externe qui sont pensées, et pour certaines déjà dévoilées (anti-char, anti-drone, anti-aérien...). Des essais ayant déjà été réalisés en roulage avec des tourelleaux réels (notamment de la gamme Hornet) ou des poids représentatifs placés en hauteur pour vérifier les conditions d'utilisation (le centrage, l'impact sur la tenue de route, etc.). La maintenance étant aussi un sujet avec évidemment déjà des premières réflexions pour faciliter les opérations (groupe moto-propulseur d'un seul bloc pour être facilement déposable, accès facilités à certains composants, etc).

Et évidemment encore à pleinement finaliser avec les futurs utilisateurs des réflexions permettant de déterminer les avantages et les contraintes sur les cadres d'emploi et les avantages tactiques permis : l'hybride pour les phases d'approche discrètes - jusqu'à 10km en tout-électrique, la capacité de servir de groupe électrogène en soutien pour recharger des batteries, le rechargement permis en phase de roulage et d'utilisation représentative, l'apport d'une éventuelle remorque, etc. Et des réflexions sur l'aspect modulaire de ce démonstrateur en l'état très complet : faudra-t-il toutes les options pour toutes les missions envisagées ? faudra-t-il toutes les capacités (déplacement en "crabe", hybridation complète, autant de chevaux, etc.) ? faudra-t-il les réserver au fer de lance de la force dans l'échelon de découverte et de frappe (en mode "hit and run") et d'autres véhicules pour les aspects "liaison" ? faudra-t-il le généraliser comme blindé léger/médian du futur ? Des points encore à trancher comme sur tout bon démonstrateur, fortement sollicité pour défricher.

Crédits des photos : FSV / MA. Il n'y avait pas de photos ou de vidéos autorisées durant les phases d'essais. Mais de quoi se rattraper avec d'autres présentations prévues dans les prochains mois... A suivre.

mardi 2 août 2022

Publication - "Pour une BITD de haute densité au service d’un modèle cohérent" (DSI Hors-Série n°85) (+MAJ)

Dans le numéro Hors-Série de DSI n°85 consacré à "Guerre de haute intensité - Quelles adaptations pour les forces armées françaises ?" actuellement en kiosque, vous pouvez retrouver un article sur les réflexions et adaptations à mener sur l'articulation forces-DGA-BITD et sur le pourquoi, le quoi et le comment atteindre un modèle cohérent.
 
En remerciant le rédacteur en chef, Joseph Henrotin, de m'avoir aimablement titillé sur le sujet dans la continuité de certains précédents articles publiés sur ce blog (notamment celui ci, qui a eu quelques échos et a suscité quelques réactions...), et d'avoir bien voulu accueillir au final, le fruit de mes réflexions personnelles (qui n'engagent que moi).

MAJ 1 : Le sommaire complet est disponible ici.

"La simultanéité de certains facteurs oblige à une vaste réflexion sur l’articulation forces armées - Direction Générale de l’Armement (DGA) - Base Industrielle et Technologique de Défense (BITD) et sur les actions entreprises. Avec une adaptation des réponses apportées au pourquoi, au quoi et au comment, faite de manière couplée, car les efforts, actuels et réels, sur l’un ou l’autre des constituants du système, ne pourraient suffire à eux seuls à faire face aux grands enjeux qui se présentent.

Nul besoin de sur-noircir l’actualité et le futur prévisible d’un certain nombre de facteurs endogènes et exogènes ayant un impact sur ceux qui orientent, développent, produisent, utilisent et soutiennent les équipements, matériels et produits utiles aux forces armées pour observer une conjonction de tendances, voir un effet domino, qui oblige à une adaptation. Si ces événements de nature très différente ne doivent pas forcément inquiéter en tant que tels, leur convergence interroge sur la pertinence de maintenir les orientations actuelles ou de choisir une simple évolution progressive, et non une évolution majeure. Envolée du coût des matières premières (non compensé pour le moment par des capacités de production hier non rentables qui aujourd’hui le redeviennent), difficultés logistiques d’approvisionnements, multiplication des zones de tensions et élévation du niveau de ces mêmes tensions, raréfaction en cours de certaines ressources, concurrence exacerbée à l’exportation avec des acteurs industriels non plus émergents mais pleinement émergés complexifiant l’atteinte du modèle économique marché domestique / marché export, difficultés et enjeux de recrutement mais aussi de fidélisation des talents, etc. Leur addition, en peu de temps, et l’incertitude qui pèse sur leurs évolutions à court ou moyens termes doivent obliger à penser autrement pour résoudre au mieux une équation complexe.

Au-delà du confort opératif mis à mal depuis quelques années pour les forces armées, avec une épée qui a pris une longueur d’avance sur la cuirasse (l’attaquant ayant tendanciellement un temps d’avance sur le défenseur) et une généralisation de certaines capacités nivellantes, le confort productif connu jusqu’alors est lui aussi en train de s’étioler. Hier, le cadencement globalement sous optimal (en qualité, en coûts, en délais) des capacités de développement et de production, sans revenir sur de multiples exemples connus de programmes en retard, trop chers, ou aux spécificités techniques non atteintes, pouvait éventuellement être une situation quasi-supportable (et encore, puisque des vies étaient en jeu). De plus, l’innovation technologique, permanente, brandie comme la garantie principale permettant de conserver un temps d’avance sur les risques, les menaces et les adversaires, pourrait être devenue aujourd’hui, par bien des aspects, plus une source de faiblesse qu’une source de force (de contraintes plus que d’opportunités). Avec des conséquences aujourd’hui non maîtrisées sur la complexification de la mise en œuvre des systèmes et donc la hausse des coûts d’entrée pour les utilisateurs et les maintenanciers (temps de formation, opérations plus complexes de maintenance…), la hausse des coûts de production, d’utilisation et de soutien, la réduction des effets de masse du fait des couts unitaires sur toute la durée de vie, etc. Enfin, l’assurance relative actuelle de la disponibilité des alliés (avec leurs capacités de production, la maitrise de certaines technologies ou la détention de certaines capacités), de leurs stocks, de l’accès aux matières premières ou transformées, des sources d’énergie disponibles, des outils productifs peu touchés à ce jour (en étant plutôt loin sur les arrières des lignes de front et peu visés par des approches indirectes : sabotage, piratage, etc.) et de la sécurité des flux (surtout perturbés, mais encore peu menacés, même si de premières alertes apparaissent) n’est en rien forcément une garantie pour demain [...]".
La suite est à lire dans le magazine. Commentaires bienvenus.

mardi 21 juin 2022

Eurosatory 2022 - Accompagner les pionniers de la DefTech française

Il y a 4 ans, l’accélérateur GENERATE de l’association professionnelle GICAT (Groupement des industries de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres) faisait ses grands débuts en public au sein de l’Eurosatory Lab, zone dédiée aux start-ups sur Eurosatory, le salon international de la Défense et de la Sécurité terrestres et aéroterrestres.

Des premières promotions de GENERATE, ils étaient encore quasiment tous là lors de l’édition 2022 qui vient de s’achever. Au milieu des quelques 100 startups, généralement duales, réunies sur ce même espace. Avec bien peu de cessations d’activités ou de pivotages vers d’autres secteurs dans l'intervalle. Le taux de pertes étant estimé à environ 2%, un taux considéré comme bas comparé à d’autres secteurs (qui sont entre 3 et 5%, ou plus).


Une DefTech de haute densité

Ces pépites de la DefTech française ont donc survécu aux différentes vagues pandémiques, aux vallées de la mort du développement de leurs produits, et à quelques autres embuches, notamment propres à des cycles de vente plutôt longs dans ce secteur si particulier. Tout en ayant assuré dans l’intervalle (notamment en 2018-2020), leurs premières levées de fonds, dites d’amorçage, avec des montants allant de 500.000€ à 1.500.000€. En attendant celles des membres des autres promotions de GENERATE, la 12ème promotion ayant été récemment intégrée, pour un total d’environ 80 startups couvées depuis 2017 (et 56 officiellement actuellement dans le programme d'accélération).

D’ores et déjà, certaines, plus rares, comme Preligens, ex-Earthcube, spécialiste dans l'analyse de données géospatiales assistée par intelligence artificielle, ont réalisé des tours de table plus conséquents, de plusieurs millions d’€. En plus de son outil Robin intégrant à ce jour 7 algorithmes de reconnaissance automatique (capables de détecter, classifier et identifier, avec des forts taux de succès validés lors d’appels d’offres auxquels ils ont participé, plus de 90 types d’appareils, certaines batteries anti-aériennes - et bientôt d’autres moins répandues, des navires – ainsi que leur état : à quai, sur docks, etc.), a lancé son outil Zebra de baptême terrain automatique, appui précieux notamment pour l’Etablissement Géographique Interarmées (EGI), pour identifier et donner un nom aux routes et bâtiments en quelques minutes, et ainsi faciliter les opérations.

Clore cette phase de levée de fonds d’amorçage ne fût généralement pas un long fleuve tranquille, avec un processus long (généralement bien plus d’une année), chronophage (des dizaines de pitchs pour évangéliser dans des univers financiers souvent non acculturés au milieu de la défense et de la sécurité), frustrant (avec plus d’un refus dans les dernières lignes droites pour des questions de compliance), etc. Conduisant à mettre parfois grandement en péril le fragile édifice d'innovation construit, qui malgré tout se révéla plutôt résilient. Tout en prenant pas forcément l'envol qui aura été possible avec quelques coups de pouce.

vendredi 6 mai 2022

Des stocks (du déstockage) et des flux, d'aujourd'hui et de demain

Une donnée d’entrée sur l’analyse des opérations en Ukraine et en Russie, et sur l’efficacité perçue ou réelle de tel modèle d'armée ou telle capacité, est la prise en compte, il est vrai pas simple à ajuster, de la question des stocks et des flux matériels (sans même parler de la question des ressources humaines).

Soit intégrer la disponibilité assurée dans le temps (court/moyen/long terme) de telle ou telle capacité avant de tirer les conclusions, faites par certains, que finalement, cela ne change pas grand-chose sur le modèle poursuivi ou les concepts d’opérations, les faiblesses capacitaires identifiées, leur priorisation, et la manière d’y remédier. Il est possible que telle ou telle capacité semble fonctionner, encore faut il, en préalable, avoir l'assurance de la détenir (à temps et en nombre).


Crédits : FSV / MA.

Sans minorer la part des Ukrainiens (dans les stocks initialement détenus, en partie recomplétés en propre par réparation et production, ou dans l’extension, plutôt horizontale, de ces derniers en allant chercher des matériels autres : drones civils, technicals, réemploi de matériels capturés…), force est de constater la part prise par les alliés. Alliés ayant des stocks relativement « conséquents » (car mis en commun), disponibles (car non utilisés ailleurs) et acheminables (via des moyens logistiques lourds, rares, eux-mêmes disponibles). Avec un effort logistique, si ce n’est pas colossal, du moins très important en lui-même (et peu à pas perturbé, pour le moment).

Or, après le précédent Irak-Syrie ayant lui aussi impacté parfois des stocks similaires, Libye de manière plus relative avant lui et après certaines "campagnes expéditionnaires" usantes et abrasives, combien de fois, dans quels délais et avec quelle ampleur des alliés seraient capables de soutenir et de réitérer un tel effort pour parvenir à soutenir tel ou tel allié (permettant d’éviter d’être ainsi en première ligne) demain ou après-demain ?