jeudi 3 avril 2025

Quelques remarques (non exhaustives) de retour du salon SOFINS

Si les forces spéciales sont bien spéciales, elles servent d'éclaireurs sur un certain nombre de sujets, et un événement comme le salon SOFINS permet de voir certaines tendances (non exhaustives) finalement assez transverses...

  • L’offre industrielle française en matière de drones matures est aujourd’hui globalement là, avec un rattrapage du retard particulièrement important. Il y a une réelle profusion en termes de spécifications/performances. Évidemment, des optimisations sont encore à rechercher, des rapprochements entre acteurs de la filière sont à réaliser, mais il y a un réel espoir de parvenir à des produits utilisables.
  • Le drone, c’est bien, mais finalement ce sont à la fois les charges utiles et l’intégration dans un système qui sont les plus importantes. La modularité est encore relative chez certains, tout comme la miniaturisation de certaines charges, et le juste milieu entre la logique propriétaire et la logique ouverte n’est pas toujours trouvé pour l’intégration dans des systèmes simples de partage de données.
  • La mise à disposition de cadres réalistes et récurrents d'essais et d'expérimentations est un vrai sujet pour les utilisateurs et les industriels, pour pouvoir jouer la profondeur du champ de bataille, l'affrontement des Rouges contre les Bleus, les aspects cinétiques, etc. Cela limite grandement les réflexions sur les cas d'usages, aujourd'hui sans limites, et qui sont les vrais différenciants en termes d'expérience engrangée par les partenaires plus avancés ou les possibles adversaires.

  • A l’inverse de la partie aérienne, l’offre en robots terrestres assez matures est encore relativement restreinte (quand bien même elle se structure autour d’une trame en masse relativement claire aujourd’hui : les petits, les moyens et les plus gros), avec des caractéristiques physiques du milieu terrestre rendant plus complexes le sujet de la mobilité et de l'autonomie (quand les robots sont quasi tous pleinement téléopérés avec peu d'aides)
  • L'intérêt de plateformes (véhicules, hélicoptères, avions, drones…) pas forcément si légères et compactes est bien perçu pour porter ici certains armements collectifs, lancer tels drones ou robots, servir de nourrice logistique, etc. Avoir des extensions possibles de type système mère – systèmes filles. Le tout sans multiplier les interfaces, les systèmes C2 (qui doivent accueillir des flottes de robots/drones hétérogènes), etc. C'est encore à des phases parfois embryonnaires de réflexion, mais cela avance, et pourrait avancer (si là aussi le sujet qualification/certification accompagne le mouvement plus qu'il ne le freine).
  • La maitrise du spectre électromagnétique, sujet lié aux points précédents (et différents du cyber, avec qui il a néanmoins des zones de contact), est un vrai sujet prégnant où, pour le coup, la montée en compétences semble encore à réaliser (en plus d’une offre industrielle adéquate pleinement adoptable et sure). Il est nécessaire que cela ne reste pas qu’un sujet de super-spécialistes, mais que cela puisse être diffusable à des échelons plus bas, polyvalents et finalement mieux généralisables dans une logique défensive et offensive.
  • Sous-sujet lié, et si le sujet drones avance comme indiqué, le sujet de la lutte anti-drones « portable » est LA grosse préoccupation. Sur toute la chaine de la LAD (détection, identification, neutralisation). Avec des approches nécessairement complémentaires entre capteurs/senseurs, et une logique à atteindre où chaque combattant doit être quasi un maillon de cette chaine (et chaque combattant quasi un lutteur anti-drones). La maturité n'est pas loin mais un dernier coup de collier est à atteindre. Il y a urgence.
  • En lien, l’hybridation des communications nécessite de déboucher dès que possible, à la fois pour avoir du débit (beaucoup même), mais aussi pour permettre de travailler sur des systèmes moins signants, répondant à une vraie stratégie globale pour ses utilisateurs qui doivent opérer dans les interstices et réussir, malgré la forte transparence du théâtre, à garder des créneaux - parfois très courts et via une véritable manœuvre tactique – de discrétion. Il faut se fondre et ne pas sembler anormal.
  • Sur la gestion de l’énergie (production et stockage), des initiatives bienvenues (parfois souveraines) commencent à arriver, avec des niveaux jugés plus satisfaisants sur les batteries, la miniaturisation, etc. Ce n'est pas encore gagné, mais cela fourmille d'initiatives. Avec sujet connexe, une hybridation des modes de propulsion qui commencent doucement à arriver à une bonne maturité (l'intérêt ne faisant plus vraiment débat).
  • Globalement, la question des délais de la disponibilité des solutions (urgences opérationnelles du contexte obligeant) a pris le pas sur la qualité (il faut sur de nombreux segments des solutions intérimaires bonnes à 80/90%, qui seront ensuite améliorées/mises à jour que rien du tout comme cela est quasi le cas sur certains segments) et la quantité. Sur ce dernier point, il y a un réel effort collectif fait sur le sujet pour se préparer à d’éventuelles commandes qui pourraient venir si les financements sont disponibles...
  • Malgré des années d’attention, l’architecture contractuelle et la politique de soutien à l’innovation plus globalement ont encore du mal à délivrer (pour diverses raisons, dont parfois de la mauvaise compréhension des possibilités offertes par le cadre actuel), et à délivrer dans le tempo souhaité, notamment pour les utilisateurs particuliers que sont les forces spéciales. Accompagner le passage de la phase expérimentation à la phase industrialisation doit encore être le point d’attention (le sujet de l'ouverture au monde autre que purement militaire étant globalement atteint, et donc à maintenir). La décentralisation sur ces sujets de passage à l’échelle, en progrès, n’est encore qu’assez réduite pour avoir un réel effet démultiplicateur dans les forces
  • Enfin, comment ne pas aborder les promesses nombreuses (et bienvenues) de financements disponibles faites ces dernières semaines, allant irriguer avant tout pour le moment le tissu industriel plus que les forces. Au-delà de la vigilance sur la concrétisation réelle de ces annonces, des points de vigilance demeurent sur la bonne acculturation de ces néo-acteurs aux problématiques propres au secteur : temps d'avant-vente, cycles de vente, business models associés, équilibres pré-existants entre acteurs industriels... A suivre et à accompagner.

Crédits : Cercle de l’Arbalète.

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