Samy COHEN, professeur à l’IEP de Paris, est revenu jeudi soir sur certains aspects militaires de l’opération « Plomb durci ». Spécialiste des questions de politique israélienne et des relations entre militaires et civils, auteur d’un ouvrage à paraitre très prochainement sur Tsahal face aux conflits asymétriques, il était particulièrement compétent pour parler de ce « sujet maudit ».
Replaçant ces événements dans la longue durée de l’histoire de Tsahal, il les définit comme une opération en zone urbaine brutale mais pas si meurtrière que cela (vision partagée par Joseph Henrotin dans des interviews trouvables ici). Les pertes civiles et militaires sont sur ces théâtres d’opérations obligatoires. Cette idée-maitresse lui a valu des interpellations de colère et des départs précipités de certaines personnes choquées par de tels propos. Dans la continuité historique de la stratégie israélienne, Tsahal a été le bras armé d'un état qui a encore une fois refusé de céder à la terreur des frappes aveugles de roquettes Qassam. La réponse a été faite par la « force disproportionnée » en essayant de créer un effet dissuasif sur l’adversaire. L’accalmie dans le déroulement des opérations, entre la phase 1 de bombardements aériens et la phase 2 d’offensive terrestre, ne serait qu’un temps d’analyse de la réaction du Hamas. Les tirs de roquettes ne cessant pas, la deuxième phase a été lancée.
De retour de Gaza, Mireille DUTEIL (journaliste à l’hebdo Le Point) décrit les signes visibles de l’intervention de « deux armées ». Par cette expression, elle met en avant les résultats de deux modes opératoires : des frappes aériennes de précisions surtout à partir d’avions soufflant certaines habitations ou commissariats et des destructions massives par des bombardements ou de gigantesques bulldozers rasant des quartiers entiers.
Les généraux ce seraient enfermés dans une doctrine de riposte violente qui ne peut, au minimum, que convenir à court et long terme face à des armées conventionnelles. Et encore, la destruction du potentiel militaire n’est pas le seul préalable à une paix durable. Après « Plomb durci » et comme après de nombreuses autres opérations (au Liban comme « Paix en Galilée » en 82, « Raisins de la colère » en 96 au Liban, ou « Changement de direction » en 2006), la situation n’aura fait qu’empirer. La persévérance des militaires est quasiment une énigme pour lui. Les nouvelles tactiques plus subtiles employées lors de l’Intifada Al-Aqsa en 2000 ne sont que des parenthèses dans la doctrine israélienne. Ainsi les techniques de contournement par le percement de murs, les raids d’enlèvements quotidiens par les Sayeret (FS), les tirs de roquettes depuis les drones et les hélicoptères sur les véhicules des membres du Hamas ne sont que des épiphénomènes d’emploi de la force minimale.
Analyse personnelle
Pour ma part, la persistance de la manière forte est assez déconcertante. Les États-Unis ont remplacé la France auprès d’Israël comme partenaire militaire numéro 1. Les incessantes et nombreuses livraisons d’armes entre les deux pays se multiplient. Les échanges immatériels seraient moins nombreux. C’est ainsi que les militaires israéliens sont soit ignorants des débats contemporains ayant lieu au sein des armées américaines (US Air Force comprise) sur la contre-insurrection, soit peu convaincus. Ainsi ayant posé la question à Samy COHEN sur l’existence de voix militaires discordantes vis-à-vis de cette doctrine, il m’a répondu que les quelques publications d’officiers sur des révisions doctrinales ne recevaient pas une large approbation. La faiblesse de la riposte face à des oppositions que l’on peut croire plus faibles, n’est pas permise. D’autant plus que la solution militaire peut paraitre crédible. En effet, il n’existe pas de vision politique à long terme depuis l'échec des accords d’Oslo en 1993.
Cette sous-estimation par les militaires des menaces asymétriques va à l’encontre de l’histoire même de Tsahal. Il est vrai que les conflits contre les armées syriennes, jordaniennes et surtout égyptiennes se sont relativement bien déroulés. Pourtant les armées israéliennes d’aujourd’hui sont issues de forces armées qui sont passées, avec succès, par tous les stades de développement de la « guerre révolutionnaire » maoïste : au début, le néant puis ensuite quelques agitateurs spécialistes du harcèlement, des unités d’irréguliers puis des forces hybrides réguliers/irréguliers réfugiées dans des sanctuaires et enfin un corps de bataille complet. L’indépendance a été conquise comme cela mais les leçons ont été depuis oubliées. Hier, le David de la Haganah et de l’Irgoun se battait contre le Goliath britannique. Mais aujourd’hui le Goliath de Tsahal fait face au David palestinien à multiples facettes.
Replaçant ces événements dans la longue durée de l’histoire de Tsahal, il les définit comme une opération en zone urbaine brutale mais pas si meurtrière que cela (vision partagée par Joseph Henrotin dans des interviews trouvables ici). Les pertes civiles et militaires sont sur ces théâtres d’opérations obligatoires. Cette idée-maitresse lui a valu des interpellations de colère et des départs précipités de certaines personnes choquées par de tels propos. Dans la continuité historique de la stratégie israélienne, Tsahal a été le bras armé d'un état qui a encore une fois refusé de céder à la terreur des frappes aveugles de roquettes Qassam. La réponse a été faite par la « force disproportionnée » en essayant de créer un effet dissuasif sur l’adversaire. L’accalmie dans le déroulement des opérations, entre la phase 1 de bombardements aériens et la phase 2 d’offensive terrestre, ne serait qu’un temps d’analyse de la réaction du Hamas. Les tirs de roquettes ne cessant pas, la deuxième phase a été lancée.
De retour de Gaza, Mireille DUTEIL (journaliste à l’hebdo Le Point) décrit les signes visibles de l’intervention de « deux armées ». Par cette expression, elle met en avant les résultats de deux modes opératoires : des frappes aériennes de précisions surtout à partir d’avions soufflant certaines habitations ou commissariats et des destructions massives par des bombardements ou de gigantesques bulldozers rasant des quartiers entiers.
Les généraux ce seraient enfermés dans une doctrine de riposte violente qui ne peut, au minimum, que convenir à court et long terme face à des armées conventionnelles. Et encore, la destruction du potentiel militaire n’est pas le seul préalable à une paix durable. Après « Plomb durci » et comme après de nombreuses autres opérations (au Liban comme « Paix en Galilée » en 82, « Raisins de la colère » en 96 au Liban, ou « Changement de direction » en 2006), la situation n’aura fait qu’empirer. La persévérance des militaires est quasiment une énigme pour lui. Les nouvelles tactiques plus subtiles employées lors de l’Intifada Al-Aqsa en 2000 ne sont que des parenthèses dans la doctrine israélienne. Ainsi les techniques de contournement par le percement de murs, les raids d’enlèvements quotidiens par les Sayeret (FS), les tirs de roquettes depuis les drones et les hélicoptères sur les véhicules des membres du Hamas ne sont que des épiphénomènes d’emploi de la force minimale.
Analyse personnelle
Pour ma part, la persistance de la manière forte est assez déconcertante. Les États-Unis ont remplacé la France auprès d’Israël comme partenaire militaire numéro 1. Les incessantes et nombreuses livraisons d’armes entre les deux pays se multiplient. Les échanges immatériels seraient moins nombreux. C’est ainsi que les militaires israéliens sont soit ignorants des débats contemporains ayant lieu au sein des armées américaines (US Air Force comprise) sur la contre-insurrection, soit peu convaincus. Ainsi ayant posé la question à Samy COHEN sur l’existence de voix militaires discordantes vis-à-vis de cette doctrine, il m’a répondu que les quelques publications d’officiers sur des révisions doctrinales ne recevaient pas une large approbation. La faiblesse de la riposte face à des oppositions que l’on peut croire plus faibles, n’est pas permise. D’autant plus que la solution militaire peut paraitre crédible. En effet, il n’existe pas de vision politique à long terme depuis l'échec des accords d’Oslo en 1993.
Cette sous-estimation par les militaires des menaces asymétriques va à l’encontre de l’histoire même de Tsahal. Il est vrai que les conflits contre les armées syriennes, jordaniennes et surtout égyptiennes se sont relativement bien déroulés. Pourtant les armées israéliennes d’aujourd’hui sont issues de forces armées qui sont passées, avec succès, par tous les stades de développement de la « guerre révolutionnaire » maoïste : au début, le néant puis ensuite quelques agitateurs spécialistes du harcèlement, des unités d’irréguliers puis des forces hybrides réguliers/irréguliers réfugiées dans des sanctuaires et enfin un corps de bataille complet. L’indépendance a été conquise comme cela mais les leçons ont été depuis oubliées. Hier, le David de la Haganah et de l’Irgoun se battait contre le Goliath britannique. Mais aujourd’hui le Goliath de Tsahal fait face au David palestinien à multiples facettes.
1 commentaire:
Merci pour cette froide analyse (+ les liens URL afférents) sur ce sujet hautement inflammable...
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