mercredi 3 juin 2009

Pendant ce temps là en Afghanistan


La journée d’étude de l’IHEDN sur « Contre-rébellion : stabilisation et nouvelles guerres » méritait une attention particulière à plusieurs égards. Il fallait juste de la patience pour trier le banal du nouveau au milieu des propos de vulgarisation à destination du public. Quelques remarques et notions qui méritent sans doute de plus amples réflexions :

1. Le « tropisme afghan » était partout. Sauf la traditionnelle intervention du Lcl Goya sur l’Irak. On pourra parler alors de « tropisme de COIN ». Gagner aujourd’hui et perdre demain ou perdre aujourd’hui pour gagner demain : un vrai dilemme ?

2. La raison d’être d’une ONG est le refus du monopole des états sur les affaires par l’appropriation de certains fonctions historiquement étatiques (mais non forcément régaliennes). Comment faire coopérer ONG et acteurs étatiques dans la même voie en ayant des motivations fondamentalement différentes ? Le but commun se fait souvent a minima et perd beaucoup de sa substance.

3. Je ne savais pas personnellement. La notion de « golden hour » (ou « heure dorée » qui suit la phase d’intervention militaire et où tout est possible) provient du milieu médical. Elle est définit dans les années 1960 par le Professeur américain Cowley. Elle consiste en trois points pour que la mortalité diminue :
- la réanimation d’un poly-traumatisé est optimale dans la première heure;
- les protocoles médicaux sont standardisés, les fonctions vitales sont temporairement stabilisées et les lésions sont localisées;
- il faut rendre « réflexe tout ce qui peut l’être ».
Pour le volet militaire, cela peut donner : remettre en marche les services fournissant les besoins vitaux de la population, dresser le tableau de la situation, ne pas perdre de temps en engageant la stabilisation, etc.

4. Si en Algérie et en Indochine, les insurgés étaient révolutionnaires en voulant renverser le monde ancien (celui des colonisateurs), aujourd’hui ce sont les interventions occidentales qui sont plutôt révolutionnaires au sein de sociétés conservatrices qui ne demandent pas à bouger.

5. Actuellement, l’OTAN est fixée stratégiquement en Afghanistan et ne bénéficie pas de réserves de forces pour un autre engagement. Pour détruire un adversaire : exercer une pression suffisante pour lui interdire tout mouvement (la définition de fixer) n’est ce pas une phase du déroulé tactique aborder - fixer - déborder - réduire (attribuée à Leclerc de mémoire) ? On voit mal qui voudrait détruire l’OTAN sans rentrer dans la théorie du complot, mais…

6. En parlant de « surge civil » qui connait quelques difficultés aux USA avec des recrutements de fonctionnaires sous la contrainte des affectations ou en faisant miroiter des soldes avenantes, on ne peut s’empêcher de penser à la phrase de Lyautey lorsqu’il rend compte à Gallieni dans une lettre de la situation à Madagascar : "Donnez-moi quatre médecins et je vous renvoie deux bataillons".

Je reviendrais particulièrement sur l’intervention du député Pierre Lellouche, représentant spécial de la France pour l’Afghanistan et le Pakistan. Du bon et du moins bon...

P.S : je vais dorénavant être plus régulier (3 à 5 parutions par semaine) mais donc avec des billets moins longs. On va essayer de tout faire coïncider : le travail, la détente, etc.

4 commentaires:

clarisse a dit…

J'aime beaucoup le point 5.

F. de St V. a dit…

Il est vrai que la tactique (du niveau du quatuor aborder...) est inscrite sur le terrain, plus que la stratégie (le fait que l'OTAN est immobilisé en A-Stan. Déborder voudrait dire que l'OTAN est inscrite géographiquement quelle part. C'est bien là que la remarque mérite un peu plus de profondeur de réflexion...

ZI a dit…

"aujourd’hui ce sont les interventions occidentales qui sont plutôt révolutionnaires au sein de sociétés conservatrices qui ne demandent pas à bouger."

Cela me paraît problématique, la stratégie en Afghanistan consiste souvent à obtenir le soutien des pouvoirs traditionnels contre des taliban qui s'affranchissent de ces cadres.

F. de St V. a dit…

Il faut décider du point d'origine de l'échelle temps.

En 2001, la Coalition souhaite mettre fin au régime des taliban qui est alors considéré comme le régime traditionnel. Soutenu par les Américains, Karzaï arrive avec une certaine American way of life différente des cadres sociaux de l'Afghanistan. Donc, là cela marche.

Si on commence plus tard. Le régime de Karzaï représente le pouvoir en place que les taliban souhaitent renverser. Et là, il est vrai que cela cloche.

Sans oublier que certaines franges des insurgés ont un profond respect des cadres anciens car ils y sont nés et en dépendent. Ce sont souvent les combattants étrangers qui ne respectent pas ces traditions souvent multi-séculaires.