vendredi 9 mai 2014

La Grande Guerre et le monde de demain, dans Politique étrangère 1/2014

Quel est l'héritage aujourd'hui et demain de la Grande Guerre en cette première année de commémoration du centenaire de la Première guerre mondiale ? 


Alors qu'il est courant d'entendre dire que le monde d'aujourd'hui est dans une grande part issu de la Seconde Guerre mondiale, c'est donc une intéressante question, à la fois rétrospective et prospective, qu'aborde la dernière livraison de la revue Politique étrangère (cf. le sommaire). Les différents articles proposés s'intéressant à un grand nombre de domaines : politique, conceptuel, militaire, régional, etc.

A noter : la conférence aux Invalides du 12 mai (lundi) de 16h00 à 19h00 suite à la sortie de ce numéro. Inscriptions obligatoires (cf. ici).
Sommes-nous en 1913 vers un nouvel affrontement ? En 1920 avec l'espoir d'une sécurité organisée collectivement ?

La première série de 4 premiers articles aborde l'héritage direct de la Grande guerre via : 
  • ses apports à la naissance de la discipline contemporaine des relations internationales pour expliquer les causes de guerre et de paix, théorie aujourd'hui en partie renouvelée par des ruptures comme la dissuasion nucléaire ou le poids des conflits internes, plus qu'entre-États;
  • les débuts et les limites de la paix contractuelle, imparfaite, qui suit la 1ère Guerre, où l'enjeu est autant de punir le(s) vaincu(s) que le(s) réintégrer, processus aidé par une autorité supérieure garante de l'application des décisions ;
  • les nouvelles relations, présentées par G-H Soutou, qui émergent entre état-nation nouveau et renforcé (garant de la mobilisation, et plus présent comme Welfare State), régionalisme inter-étatique plus large que les précédentes alliances inter-étatique et organisation internationale ;
  • les leçons de cet épisode, selon Jacques Fontanel, sur les interdépendances économiques comme facteur ou non de paix, entre exploitation ou stabilité, débat (très bien présenté ici) aujourd'hui toujours aussi ouvert (cf. la question autour des relations Ukraine-Europe-Russie).
La seconde série aborde les questions militaires, avec notamment, dans un premier article, une (trop ?) brève présentation des instruments mis en place pour faire collaborer pouvoir civil et autorités militaires, et dans un second article, la description, toujours aussi magistrale, par le colonel Goya (cf. ici pour un rapide tour d'horizon : "Les poilus et l'anti-fragilité") de l'innovation radicale sur le plan tactique que connaît l'armée française en 4 ans pour pouvoir, in fine, l'emporter après avoir bien mal commencé.



Dans la troisième partie sur l'Europe d'aujourd'hui, entre guerres et paix, nous retiendrons particulièrement l'article offrant un point de vue américain sur la démilitarisation de l'Europe, qui met en perspective le précédent article d'Etienne de Durand, qui présente l'état des lieux de cette Europe démilitarisée (cf. ici quelques intéressants tableaux : European Defence Monitoring) et quelques raisons possibles (épuisement, déresponsabilisation, délégitimation) de cet état. 
Ainsi, pour Klaus Larres, plutôt optimiste, cette démilitarisation ne veut pas dire incapacité de certains Européens à agir, tout en notant qu'un nouveau militarisme européen n'est pas forcément souhaitable, pour un certains nombres de raisons.
Enfin, l'article sur "Allemagne : un passé qui ne passe pas" présente de manière concise un intéressant point de vue sur le chemin (de croix) parcouru par l'Allemagne de la 1ère Guerre mondiale à aujourd'hui suite à un héritage difficile à porter dont elle tente de s'affranchir en espérant ne pas atrophier sa volonté et ses moyens d'agir.

La dernière partie s'intéresse à l'héritage de la 1ère Guerre mondiale dans des zones du monde, à première vue moins directement concernées. Mais à guerre mondiale, conséquences mondiales. Parmi les 4 articles, retenons particulièrement : 
  • l'approche comparative, plutôt convaincante, entre l'Europe du début du 20ème siècle et les tensions actuelles dans l'Asie du Sud-Est pour gérer des "déplacements de puissance" dans la lutte par acteurs interposés entre Chine et États-Unis ;
  • la lecture du Moyen-Orient d'aujourd'hui (ou du moins d'une partie, celle la plus à l'Ouest) à l'aune des conséquences de la 1ère Guerre pour combler des "vides de puissance" : éclatement de l'Empire ottoman, partage des zones entre la France et Grande-Bretagne, etc.
Au final, un numéro dont l'approche convainc qui permet à chacun de trouver des sujets d'intérêt via la diversité des articles, avec, dans la majorité des contributions une approche stratégique des événements, particulièrement utile pour la lecture du monde d'aujourd'hui et de demain. 

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