mercredi 19 novembre 2014

Préférer parfois détruire et souvent construire, que l'inverse...

Le gouvernement n’en a rien à faire ! Les Français s’en fichent ! Les journalistes sont tous des pourris qui n’y comprennent rien ! Nous sommes seuls ! Etc. Combien de fois n’avons-nous pas entendu de tels commentaires à propos des réactions (ou d’une supposée absence de réactions) des uns et des autres suite à la mort en opérations d’un de nos militaires ?


Les jours qui ont suivi la mort tragique de l’adjudant Dupuy au Mali n’ont pas manqué, hélas, de confirmer, cette impression de voir apparaître en nombre ce genre de commentaires de la part de personnes, souvent touchés par un tel drame du fait de liens familiaux, professionnels, associatifs, etc.

Pourtant, il pourrait presque s'agir d’idées reçues, en partie fausses (le célèbre prisme du verre à moitié vide ou du verre à moitié plein), ou de biais potentiellement dangereux (du moins néfastes).

Non, les journalistes n’en ont pas tous rien à faire. Cela serait vraiment ingrat envers ceux qui s’investissent régulièrement, parfois au-delà du réflexe professionnel mais au nom d'un engagement plus personnel : Le Mamouth, Lignes de Défense… Ce sont bien des journalistes (et ils le revendiquent légitimement). Cela serait aussi ignorer, par exemple, que l’AFP répercute la tenue des hommages quelques jours avant, et en rend compte une fois qu’ils se sont déroulés. Les dépêches sont reprises par les grands médias (même Libération, eh oui...). Cela serait oublier que les médias s’adaptent à l'audience, et que si ils jugent l’audience non-réceptive, à nous de faire changer l’audience pour qu'ils s'adaptent ! Cela serait oublier que, surtout aujourd’hui, il est possible via différents moyens d'obtenir des forces de frappe qui peuvent servir d’aiguillon via le partage de des contenus choisis voir de créations de contenus. De nombreuses initiatives le montrent quotidiennement (Web Radio Soutien, Zone Militaire, La plume & l'Epée dans son registre, Infos des Milis, Infos Soldats, Nuntius Belli, et autres pages). La preuve que la diffusion par les cercles concentriques (de proches en proches), en jouant sur les liens de proximité, est une réalité visible au quotidien (à ses amis, puis aux amis de ses amis, etc.) qui produit de l'influence, via le débat ou le dialogue.

Non, il n’y a pas forcément besoin de convoquer le ban et l’arrière-ban gouvernemental à chaque mort en opérations, fut-elle tragique. D'un certain point de vue, cela serait en partie faire le jeu de nos adversaires. Voir lui offrir la victoire en montrant notre faiblesse. En effet, ne serait-ce pas en partie mettre à mal notre résilience (notre capacité à surmonter les épreuves) en sur-interprétant l’importance d'un acte déjà en soi tragique ? Notre adversaire souhaite nous rendre vulnérable, accentuer nos faiblesses, nous immobiliser. Rien de mieux pour cela que d’en sur-faire (un président se rendant dans une zone de guerre dans un grand barnum médiatique avec mission BALADEX immobilisant les autres opérations suite à une tragique embuscade par exemple). Il s’agit pour nous de montrer que nous ne prêtons pas le flan à la défaite, que nous nous nous souvenons, que nous ne relativisons en rien l'engagement jusqu'au bout de nos militaires, et que nous continuons comme avant qu’importe les coups. Enfin, pas besoin d'une approche forcément de haut en bas. Des initiatives citoyennes (de bas en haut) peuvent obtenir gain de cause, comme le prouve le cas de ces anonymes allant voir les maires de leur commune pour mettre en berne les drapeaux sans attendre de consignes venues du sommet. Exemples à suivre...


Non, nous ne sommes pas seuls. Rappelons qu'au 1er hommage à des morts en opérations, en 2011, il n’y avait pas plus de 30 personnes à un rassemblement qui avait lieu à l’époque place de l’Etoile…Récemment, 4.000 personnes étaient sur le pont Alexandre III. Certains diront "que" 4.000. D'autres relèveront la présence  de plus en plus de civils qui ne sont pas des anciens militaires ayant juste troqué leurs tenues, qu'un chiffre aussi élevé est une quasi-première, etc.  De plus, depuis quand Paris est le France ? Vision centralisatrice bien loin de la réalité du quotidien de nombre de nos concitoyens. Il s’agit de voir aussi les initiatives à soutenir et rejoindre qui fleurissent (ou tentent de fleurir) en province (voir à l’étranger), les signes individuels de solidarité et d’hommage (les bougies allumées aux fenêtres, les drapeaux mis aux fenêtres, les mobilisations dans les garnisons et communes d’origine comme à Champagné, Vannes, etc., les recueillements décentralisés devant les monuments aux morts, etc.). Ils vont au-delà des tweets et « j’aime » (ou des marqueurs communs comme peut l'être le hastag #MPLF - Morts pour la France - aujourd'hui repris par des comptes institutionnels). Cet investissement numérique, foisonnant et souvent important, débouche (hélas) encore que trop rarement sur un investissement dans "la vraie vie" qui dépasse le geste facile.

Pourtant, les sujets de mécontentements ne manquent pas. Que dire par exemple de la légèreté avec laquelle les institutions européennes (Service européen pour l’action extérieure en tête) abordent la question des blessés ou des morts des opérations européennes (au-delà des bâtons mis dans les roues par les états-membres) ? Cette question n’en est qu’à ses prémices mais il y a déjà tout de même 3.500 militaires déployés actuellement sous drapeau européen (même si cela peut paraitre ridicule par rapport aux 2 millions de militaires environ que compte les états-membres), dont plus de 10% sont Français (en RCA et au Mali notamment). Une compagnie française (152è RI) rentre de Centrafrique avec 12% de ses effectifs blessés (oui, 12%) à des degrés divers, la traditionnelle médaille agrafe "CSDP Service" suffira… Un militaire meurt des suites de paludisme, point trop n’en faut, une brève cachée dans les tréfonds du site fera l’affaire… Gageons que la nouvelle Haute-représentante apportera ce vent nouveau espéré. Car pour le moment, la mention "Mort pour la France" est plus que justifiée, les représentants européens ne donnant pas de gages pour rendre concret et pertinent une possible mention "Mort pour l’Europe" (au-delà de longs débats possibles sur quelle Europe…).

Alors pourquoi prendre pour titre de cet article une partie de la devise de l’arme du Génie : "Parfois détruire, souvent construire, toujours servir" ?

Parce que cette devise correspond assez bien à l’idée que je me fais (pardon pour cette irruption de la 1ère personne) d’un engagement (politique d'une certaine façon, entendu comme "l’action dans l’espace de la Cité") dont la tenue de ce blog est, depuis plus de 6 ans, une des petites pierres. La devise (au passage, si certains connaissent l’origine de cette devise, qu’ils n’hésitent pas à l’indiquer…) parle bien de "parfois" détruire, et de "souvent" construire, et non l’inverse quant à la fréquence de ces actions. Au final, si nous passions tous déjà autant de temps à ressasser le passé ("Qu’aurions-nous pu faire ?") qu’à préparer l’avenir ("Que pouvons-nous faire ?"), bien des choses pourraient évoluer. Alors, stop au marasme et hauts les cœurs !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Moi qui croyais que c'était la devise des pionniers de la Légion...