jeudi 26 février 2009

Exemple, contre-exemple et la suite


De nombreux commentaires ont été faits sur les dernières péripéties de l’A400M (premières livraisons en 2014) que l’on soit européiste, eurosceptique, euro-hostile ou euro-je-sais-pas-quoi. Les retards à répétition ont posé la question du verre à moitié vide ou à moitié plein. Pour la France, le Sénat a conclu que : « les rapporteurs souhaitent ardemment, dans l’intérêt de l’Europe, que les parties s’entendent dans les meilleurs délais pour assurer la réussite du programme ». Donc par rentabilité financière et pour éviter les conséquences politiques dommageables, on continue. Les autres partenaires doivent encore se prononcer.

Pourtant, il est indéniable qu’aujourd’hui l’inclusion de l’A400M dans les discours vantant les avancées de la construction et de la défense européennes n’est plus crédible. Encore le 2 décembre 2008, Jean-Marie Bockel, secrétaire d’Etat à la Défense et aux Anciens Combattants disait que : « la projection des forces en opérations, à travers les trois composantes (terre, air, mer) est concernée par quelques programmes emblématiques de coopération communautaires. C’est notamment le cas : […] pour la flotte européenne de transport aérien (d’ici 2014) ; pour la création d’une unité multinationale d’A400M. »

Sans sous-estimer les retards et leur importance, il faut rappeler que des délais non tenus sont courants pour les programmes d’armements nationaux et multinationaux. Cela concerne aussi bien les équipements terrestres, maritimes ou aériens. Certaines versions du NH90 seront livrées avec au moins 13 mois de retard, le Tigre l’a été avec le même retard et on pourrait multiplier les exemples.

Mais l’A400M n’est pas uniquement un programme phare de la construction européenne et un possible modèle d’excellence industrielle. C’est surtout un programme structurant dont on ne peut oublier sa finalité : un emploi opérationnel au profit des armées. Les conséquences des retards dépassent les leçons à tirer d’une perte européenne de la capacité de construction d’un tel produit. En 2014, lors des premières livraisons de l’appareil, la flotte actuelle sera au pire rangée au placard de l’histoire et au mieux divisée par trois ou quatre afin de permettre à un Transall ou à un C130 de voler avec les pièces de rechange de plusieurs autres appareils. Ce n’est plus une soudure compliquée mais sans doute une rupture des capacités de projection.

Le Livre blanc avait mis en avant les capacités d’entrée sur les théâtres des groupes formées autour des bâtiments de commandement et de projection (BPC). Navires qui pourtant ne peuvent pas pallier l’absence d’une flotte de transport stratégique lourd : action limitée au littoral même avec les hélicoptères embarqués, vitesse de déplacement, etc. Ils demeurent encore plus les moyens crédibles du futur de la fonction « projection ». Encore un bon point pour la Marine. Les opérations aéroportées (car sans remonter à Kolwezi, les parachutages et les poser d’assaut sont des modes opératoires courants) seront contraintes par les capacités de déploiement. C’est donc une grande partie de la doctrine militaire et des habitudes qui sont modifiées.

Mais, rassurons-nous, nous ne sommes pas les seuls concernés. Ainsi on apprend dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung de lundi, que l’Allemagne pense à prolonger d’au moins deux ans un contrat de location d’Antonov AN-124-100. Plutôt que de se tourner vers des achats sur catalogue à l’ouest (C17 Globemaster de Boeing), elle préfère développer un partenariat (ou une sous-traitance) vers l’est. Sans en faire beaucoup de publicité, la France est aussi engagée dans cette voie, comme le montre les photos du déchargement à Kaboul des premiers VAB équipés des nouvelles tourelles téléoperées. Les Antonov et les Illiouchine sont les colonnes vertébrales du soutien des troupes en OPEX. Alors pour éviter les micro-parcs qui couteux à l’heure des réformes de la Politique d’Emploi et de Gestion des Parcs ou PEGP, ces externalisation semblent être indispensables. Même s’il ne faut pas trop le dire car l’utilisation "d’affreuses sociétés de transport", pas forcément étatiques, amènent le débat sur la privatisation de certaines fonctions militaires.

Droits: Airbus Military, A400M.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Tout de même, on peut se demander s'il n'aurait pas été plus simple d'acheter directement aux USA.

J'ai du mal à identifier la raison qui fait qu'un avion de transport militaire européen est absolument indispensable.

F. de St V. a dit…

D'aller chercher du côté "des politiques et des industriels" peut être une voie pour la réponse...

Sans diaboliser certains, les défendeurs d'une intégration maximale et "quais-immédiate" sont plutôt dans ce camp...

Après, je ne vous le fait pas dire.