Réflexions personnelles et compte rendu de la conférence du 22 avril à l’IFRI : « Afghanistan-Pakistan : zones de tous les dangers ? », en particulier l’intervention d’Olivier Louis, responsable du programme de recherches Inde et Asie du Sud.
Dans la nouvelle stratégie Obama concernant l’Afghanistan et le Pakistan, l’une des recommendations est le développement d’une approche régionale par le renforcement des relations bilatérales A-Stan/Pak et même trilatérales USA/A-Stan/Pak. Ce serait une des clefs pour parvenir à l’objectif (toujours n°1) qui est de neutraliser (et non plus détruire : nuance de taille) les réseaux terroristes de la zone. Sous l’égide de la Commission des Affaires étrangères du Sénat, dirigée par le John Kerry, épaulé par l’envoyé spécial Richard Holbrooke, ce volet est en cours d’élaboration, plus qu’en cours de réalisation dans les faits. En effet, les obstacles sont nombreux et les ramifications des interactions entre les acteurs mènent loin.
Le Pakistan qui penche vers un "état failli" est au cœur de l’actualité. Depuis un dernier état des lieux, les mouvements extrémistes pachtouns élargissent leur emprise territoriale et populaire : les barbiers et les disquaires ferment sous la terreur de plus en plus prêt de la capitale; le président Zardari négocie en position de faiblesse dans la vallée de Swat (mollah Fazlullah), dans le district de Buner ou dans les FATA du Nord-est; les milices armées tribales du Cachemire, « les Laskars » sur lesquelles Islamabad s’appuie, sont instables et incontrôlables (comparables aux Sons of Irak?), etc.
Il faut parler de l’armée et de l’Inter-Services Intelligence (ISI) qui, après avoir joués de concert un double jeu de lutte contre et de soutien avec ces mouvements (et même un triple jeu en affaiblissant le pouvoir civil), ne savent plus très bien où aller. Le général Kayani, le CEMA à la tête d’une armée de 800.000 hommes (« à forte imprégnation islamique » selon l'intervenant) et d’une centaine d’ogives, peut faire la pluie et le beau temps : il impose le montant du budget de la Défense, un coup de téléphone de sa part suffit à faire oublier la proposition du Premier Ministre Gilani de placer l’ISI sous le contrôle du Ministère de l’Intérieur, etc. Et aujourd'hui, le futur repose en partie sur les choix, les décisions et les actions de ces militaires.
Les taliban en font à leur guise, forts de leurs capacités, ne souhaitant pas forcément renverser un gouvernement dont ils ne souhaitent pas avoir la charge (et les contraintes). Les cellules cancéreuses (un peu comme le Hezbollah ou même certains groupes palestiniens) sont présentes dans l’organisme pakistanais mais seraient bien embêter si toute façade d’un gouvernement central venait à disparaitre. Cela d’ailleurs met à mal l’idée, que j’avais avancé, d’une translation entre l’Afghanistan et le Pakistan comme « rogue state ».
Toute diplomatie avec le Pakistan doit se plonger dans les relations indo-pakistanaises cristallisées autour du cas du Cachemire. Washington souhaiterait apaiser les relations entre les deux ennemis héréditaires (au moins trois guerres dans le passé). Par effet de vase communicant, si la tension se relâche à la frontière Est, Islamabad pourrait envoyer plus de troupes à l’Ouest face aux insurgés.
Or, certains signaux ne sont pas au vert : les mouvements terroristes cachemiris ont tissé des liens avec les mouvements pachtouns; Islamabad doit faire face à une hostilité généralisée et virulente de son opinion vis-à-vis de l’Inde; les déclarations fracassantes au lendemain des attentats de Bombay ont mis à mal le processus de "dialogue global" de janvier 2004; les propos de dirigeants indiens actuellement en temps d’élections durcissant leurs positions (dans la lutte électorale, il ne faut pas paraitre faible et même en rajouter), etc.
Le Pakistan voit d’un mauvais œil le presque milliard de dollars dépensé par New Delhi dans la reconstruction (surtout les routes) de l’Afghanistan. Le rapprochement de l’Inde et l'Afghanistan semble acquis aujourd’hui : visite du président afghan à New Delhi, « union sacrée » après la tuerie du 7 juillet 2008 frappant l’ambassade indienne en Afghanistan, etc.
Le Pakistan sera contraint de faire des concessions car l’aide américaine (les prêts du FMI et ceux votés par le Sénat) devient conditionnelle en fonction des actes : « le bâton et la carotte ». La diplomatie américaine se devra d’équilibrer la situation en faisant aussi pression sur New Delhi pour permettre des discussions entre les deux frères ennemis. Toucher à l’Inde, c’est aussi rentrer, dans une certaine mesure, dans un autre jeu subtil dans les rapports Inde/Chine/USA : effet d’entrainement oblige. Les USA, « responsables de tous les maux du Pakistan » selon les Pakistanais (en particulier de la recrudescence du terrorisme) devront être discret mais pressant : conciliable?
Quelques signes optimistes existent. Le 06 janvier 2009, le Lieutenant General Pasha, chef de l’ISI, déclarait dans une interview : « We know full well that terror is our enemy, not India ». En plein cœur des enquêtes policières et des allégations de complicité de l'ISI avec les auteurs des attentats de Bombay, cela semble rassurant venant de l’ancien responsable des opérations dans les régions tribales frontalières de l’Afghanistan. Concernant la situation interne du Pakistan, il faut remarquer que la crise de février 2009 et la possible "longue marche" des avocats pour soutenir le président destitué (Chaudhry) de la Cour Sûpreme semble être oubliée. Les grands partis pakistanais (entre autres le Parti du Peuple Pakistanais de Zardari et la Ligue Musulmane du Pakistan) se sont entendus pour lutter contre la pénétration du militaire dans les affaires civiles. Enfin, la possible voie de coopération (la "politique des petits pas") entre l’Inde et le Pakistan pourrait se faire autour de l’intérêt commun des deux états face aux trafics de drogue : l’Afghanistan en bénéficierait aussi.
Dans la nouvelle stratégie Obama concernant l’Afghanistan et le Pakistan, l’une des recommendations est le développement d’une approche régionale par le renforcement des relations bilatérales A-Stan/Pak et même trilatérales USA/A-Stan/Pak. Ce serait une des clefs pour parvenir à l’objectif (toujours n°1) qui est de neutraliser (et non plus détruire : nuance de taille) les réseaux terroristes de la zone. Sous l’égide de la Commission des Affaires étrangères du Sénat, dirigée par le John Kerry, épaulé par l’envoyé spécial Richard Holbrooke, ce volet est en cours d’élaboration, plus qu’en cours de réalisation dans les faits. En effet, les obstacles sont nombreux et les ramifications des interactions entre les acteurs mènent loin.
Le Pakistan qui penche vers un "état failli" est au cœur de l’actualité. Depuis un dernier état des lieux, les mouvements extrémistes pachtouns élargissent leur emprise territoriale et populaire : les barbiers et les disquaires ferment sous la terreur de plus en plus prêt de la capitale; le président Zardari négocie en position de faiblesse dans la vallée de Swat (mollah Fazlullah), dans le district de Buner ou dans les FATA du Nord-est; les milices armées tribales du Cachemire, « les Laskars » sur lesquelles Islamabad s’appuie, sont instables et incontrôlables (comparables aux Sons of Irak?), etc.
Il faut parler de l’armée et de l’Inter-Services Intelligence (ISI) qui, après avoir joués de concert un double jeu de lutte contre et de soutien avec ces mouvements (et même un triple jeu en affaiblissant le pouvoir civil), ne savent plus très bien où aller. Le général Kayani, le CEMA à la tête d’une armée de 800.000 hommes (« à forte imprégnation islamique » selon l'intervenant) et d’une centaine d’ogives, peut faire la pluie et le beau temps : il impose le montant du budget de la Défense, un coup de téléphone de sa part suffit à faire oublier la proposition du Premier Ministre Gilani de placer l’ISI sous le contrôle du Ministère de l’Intérieur, etc. Et aujourd'hui, le futur repose en partie sur les choix, les décisions et les actions de ces militaires.
Les taliban en font à leur guise, forts de leurs capacités, ne souhaitant pas forcément renverser un gouvernement dont ils ne souhaitent pas avoir la charge (et les contraintes). Les cellules cancéreuses (un peu comme le Hezbollah ou même certains groupes palestiniens) sont présentes dans l’organisme pakistanais mais seraient bien embêter si toute façade d’un gouvernement central venait à disparaitre. Cela d’ailleurs met à mal l’idée, que j’avais avancé, d’une translation entre l’Afghanistan et le Pakistan comme « rogue state ».
Toute diplomatie avec le Pakistan doit se plonger dans les relations indo-pakistanaises cristallisées autour du cas du Cachemire. Washington souhaiterait apaiser les relations entre les deux ennemis héréditaires (au moins trois guerres dans le passé). Par effet de vase communicant, si la tension se relâche à la frontière Est, Islamabad pourrait envoyer plus de troupes à l’Ouest face aux insurgés.
Or, certains signaux ne sont pas au vert : les mouvements terroristes cachemiris ont tissé des liens avec les mouvements pachtouns; Islamabad doit faire face à une hostilité généralisée et virulente de son opinion vis-à-vis de l’Inde; les déclarations fracassantes au lendemain des attentats de Bombay ont mis à mal le processus de "dialogue global" de janvier 2004; les propos de dirigeants indiens actuellement en temps d’élections durcissant leurs positions (dans la lutte électorale, il ne faut pas paraitre faible et même en rajouter), etc.
Le Pakistan voit d’un mauvais œil le presque milliard de dollars dépensé par New Delhi dans la reconstruction (surtout les routes) de l’Afghanistan. Le rapprochement de l’Inde et l'Afghanistan semble acquis aujourd’hui : visite du président afghan à New Delhi, « union sacrée » après la tuerie du 7 juillet 2008 frappant l’ambassade indienne en Afghanistan, etc.
Le Pakistan sera contraint de faire des concessions car l’aide américaine (les prêts du FMI et ceux votés par le Sénat) devient conditionnelle en fonction des actes : « le bâton et la carotte ». La diplomatie américaine se devra d’équilibrer la situation en faisant aussi pression sur New Delhi pour permettre des discussions entre les deux frères ennemis. Toucher à l’Inde, c’est aussi rentrer, dans une certaine mesure, dans un autre jeu subtil dans les rapports Inde/Chine/USA : effet d’entrainement oblige. Les USA, « responsables de tous les maux du Pakistan » selon les Pakistanais (en particulier de la recrudescence du terrorisme) devront être discret mais pressant : conciliable?
Quelques signes optimistes existent. Le 06 janvier 2009, le Lieutenant General Pasha, chef de l’ISI, déclarait dans une interview : « We know full well that terror is our enemy, not India ». En plein cœur des enquêtes policières et des allégations de complicité de l'ISI avec les auteurs des attentats de Bombay, cela semble rassurant venant de l’ancien responsable des opérations dans les régions tribales frontalières de l’Afghanistan. Concernant la situation interne du Pakistan, il faut remarquer que la crise de février 2009 et la possible "longue marche" des avocats pour soutenir le président destitué (Chaudhry) de la Cour Sûpreme semble être oubliée. Les grands partis pakistanais (entre autres le Parti du Peuple Pakistanais de Zardari et la Ligue Musulmane du Pakistan) se sont entendus pour lutter contre la pénétration du militaire dans les affaires civiles. Enfin, la possible voie de coopération (la "politique des petits pas") entre l’Inde et le Pakistan pourrait se faire autour de l’intérêt commun des deux états face aux trafics de drogue : l’Afghanistan en bénéficierait aussi.
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