dimanche 19 juillet 2009

"Low baterry" à recharger!


Chers lecteurs,

Quand vous lirez ce message, j’aurais sans doute déjà gagné la calme verdure d’un coin de campagne française installé dans une maison non connectée à Internet et où le Wifi ne marche pas. Déjà absent durant ces dernières semaines, je le serais encore plus pendant cinq longues semaines. Un bon moyen de s’aérer l’esprit, de lire pour préparer des fiches de lecture à la rentrée, de quitter l’incessant mouvement de l’actualité, … En un mot, repos pour mieux repartir ensuite.

Bonnes vacances à ceux qui en ont. Certains camarades d’AGS contenteront les lecteurs en proposant le lot de saines réflexions. Et pour tous, rendez-vous à la rentrée vers le 24 août environ.

F. de St V.

jeudi 16 juillet 2009

Un schisme? Des chiismes?

Deuxième partie de l'analyse sur la situation actuelle au Moyen Orient suite aux récents événements. Des rapports de forces mouvants et des lignes qui bougent, cela existe aussi au sein des communautés religieuses...

Alors que le camp conservateur semble avoir repris le contrôle de la situation en Iran (bien qu’il ne puisse faire entièrement appliquer son interdiction de toute manifestation), c’est à présent le milieu clérical qui doit faire face à une profonde division. Celui-ci n’est en effet pas monolithique et ne soutient pas uniformément le camp conservateur du guide Khamenei. La prise de position publique de l’Ayatollah Hussein Ali Montaeri, suivi par la puissante association des enseignants et chercheurs de Qom, démontre qu’au-delà du fantasme qui voudrait faire des Chiites au Moyen-Orient et dans le monde un réseau aux ordres de Téhéran, cette branche de l’Islam est plus diverse qu’on ne veut bien le croire.


Les principaux acteurs

Le chiisme duodécimain n’est pas le Komintern : les Chiites suivent en effet les enseignements et recommandations de différents marja. Un marja[1] est un clerc de haut niveau, qualifié pour interpréter le texte sacré et répondre aux interrogations des fidèles sur divers aspects de la charia. Sa désignation se fait par cooptation de ses pairs et par l’approbation de ses disciples (qui doivent naturellement être suffisamment nombreux), généralement après de nombreuses années d’études théologiques. Aujourd’hui, plusieurs marji sont partie prenante à la crise iranienne, dont les conséquences dépassent les frontières de la République Islamique.

Ali Khamenei était un clerc relativement méconnu jusqu’à son adoubement par l’Ayathollah Khomeyni et le Conseil des Gardiens. Il est désigné guide suprême dès la mort de Khomeyni bien que n’ayant pas encore le statut de marja[2], qu’il acquiert finalement en 1994. Sa reconnaissance comme tel ne fait pas l’unanimité, et plusieurs clercs refusent de l’accepter, dont l’ayatollah Montazeri. Depuis son accession à la charge suprême, il s’est tenu à une stricte réserve en dehors d’occasions exceptionnelles (ses interventions publiques sont rares) et semble avoir adopté une ligne oscillant entre le « socialisme dans un seul pays » prôné par les bolchéviques après la Guerre Civile Russe et la « voie chinoise » associant développement économique et autoritarisme politique. Depuis les années 1990, Khamenei a renoncé à étendre la révolution hors de l’Iran et a mis en place plusieurs mesures visant à promouvoir le développement technologique (autorisation de la recherche sur les cellules-souches) et économique (programme de privatisations). Parallèlement, il reste marja pour les Chiites en dehors d’Iran. Commandant en chef des forces armées et de sécurité, disposant d’un veto de fait sur toute décision politique, chef spirituel transnational, il ressemble à une combinaison entre le Secrétaire Général du PCUS et le chef du Kominform. Et ceci d’autant plus qu’il semble mettre son aura religieuse au service du régime iranien, et non l’inverse.

Hossein Ali Montazeri fut l’un des artisans historiques de la Révolution Islamique de 1979. Ayant rejoint Ruollah Khomeyni dès les années 1960, il participa activement à la rédaction de la constitution de la république islamique. Successeur pressenti de Khomeyni (bien que lui non plus ne soit pas marja à la fin des années 1980), il tombe en disgrâce après avoir vivement critiqué la politique répressive du régime et la conception khomeyniste du Velayat-e-faqih (gouvernement du théologien-juriste) bien plus absolutiste que celle qu’il défend encore aujourd’hui. Placé un temps en résidence surveillée, il est aujourd’hui domicilé à Qom, l’une des grandes villes saintes du Chiisme avec Nadjaf.

Ali al-Sistani est sans conteste la grande figure du Chiisme dans le monde. Domicilié en Irak, il fut longtemps contraint au silence par le régime de Saddam Hussein, extrêmement méfiant vis-à-vis du risque de contagion révolutionnaire depuis l’Iran. L’intervention américaine de 2003 a redonné une certaine marge de manœuvre à ce clerc, qui reste toutefois discret mais très actif. Il avait notamment poussé les Américains à accepter une trêve avec l’Armée du Mahdi de Moqtada al-sadr, alors réfugié avec quelques fidèles de la mosquée de Nadjaf. Issu du prestigieux séminaire de Nadjaf, il jouit au sein des Chiites de par le monde d’une légitimité incontestée et plus importante que celle de Khamenei. Il a observé depuis le début des élections en Iran une prudente réserve, et n’a pas manqué de se distancer du candidat Ahmadinejad lorsque ce dernier a sollicité une entrevue.


Entre querelles d’individus et opposition de doctrines[3]

On trouve à la base de la rivalité plus ou moins forte entre les principaux marja de la région un antagonisme d’ordre politique. En effet, les disciples sont aussi bien un capital humain mobilisable à des fins politiques qu’une manne financière grâce aux dons et impôts religieux dont ils s’acquittent et qui financent les bonnes œuvres du marja en question. De ce point de vue, il est logique que Qom et Nadjaf, les deux hawza (séminaires coraniques) les plus influentes du chiisme duodécimain se livrent une lutte d’influence personnifiée par l’opposition entre Khamenei et Sistani. À cette dimension politique s’ajoute peut-être une composante plus affective. En effet, Hussein Montazeri a été écarté de la charge de guide suprême en 1989 au profit d’Ali Khamenei, ce qui peut expliquer une certaine volonté de revenir sur le devant de la scène à la faveur des récents évènements.

La rivalité entre les principaux marja impliqués de près ou de loin dans la crise en Iran est l’occasion de souligner de profondes divergences entre clercs quant au concept du velayat-e-faqih (gouvernement du théologien-juriste). Digne successeur de l’ayatollah Khomeyni, Ali Khamenei s’en tient à la ligne de son prédécesseur : le Guide jouit de prérogatives dans les sphères spirituelle et temporelle, il est de plus partie intégrante de l’appareil d’État. Il dispose d’un réel pouvoir d’imposition. Hossein Montazeri s’est fait l’avocat d’une conception plus souple du velayat-e-faiqh, dans laquelle le Guide détient une fonction de conseil et de supervision du gouvernement sans détenir un pouvoir absolu[4]. L’Ayatollah Sistani prône quant à lui un contrôle limité aux domaines non litigieux, principalement financiers, religieux, et ayant trait à la vie sociale des fidèles. Enfin, l’ayatollah Fadlallah (dont la sphère d’influence est limitée au Liban) estime que le théologien-juriste doit avoir des prérogatives temporelles et spirituelles, mais sans pour autant faire partie des institutions.


[1] Vient de marja e taqlil, signifiant « source d’imitation ».
[2] La constitution iranienne fut réformée à cette occasion. Jusqu’alors, seul un marja pouvait occuper la charge de guide suprême.
[3] Une étude plus approfondie a été publiée par l’IRIS et traite notamment de ces questions théologiques.
[4] Il s’est dernièrement prononcé pour que le contrôle des forces de sécurité soit transféré du Guide au Président.

mardi 7 juillet 2009

Au Levant, rien de neuf. Quoique…

Observateur attentif qu'il est du Moyen Orient, l'auteur de l'étude sur le Hezbollah nous livre la première partie de son analyse personnelle des répercussions sur les grands équilibres régionaux des événements qui ont secoué la zone.


Alors que le Liban semble s’orienter vers un gouvernement sinon de coalition, du moins consensuel, et que le camp conservateur en Iran sort victorieux de la confrontation avec la rue, l’heure est au bilan pour le principal relais d’influence de la République Islamique au Pays du cèdre, le Hezbollah.

Le bilan des élections : un échec à relativiser

L’opposition n’a pas été en mesure de remporter suffisamment de sièges pour s’assurer une majorité parlementaire. Cependant, les partis Amal et Hezbollah ont remporté d’incontestables victoires électorales dans les zones de peuplement chiite, leurs fiefs traditionnels. Le Courant Patriotique Libre du général Michel Aoun n’a lui pas été en mesure d’emporter la décision dans plusieurs districts chrétiens stratégiques, comme Zahlé ou Achrafieh. Le CPL n’a donc pas pu fournir à l’opposition le complément de voix chrétiennes nécessaire à une victoire électorale. Globalement, le Hezbollah jouit toujours d’une solide popularité au sein de la communauté chiite. Le Parti de Dieu semble accepter ce nouvel équilibre et a fait savoir qu’il était prêt à travailler avec le nouveau gouvernement pourvu que celui-ci fasse consensus et, surtout, qu’il ne remette pas sur la table la question de l’arsenal du Hezbollah. À l’heure actuelle, seule la question du veto sur les décisions gouvernementales dont jouissait de fait le Hezbollah lors de la législature précédente divise encore majorité et opposition. Le Hezbollah se retrouve somme toute dans une situation qui lui convient tout à fait, à savoir celle d’un acteur politique protestataire néanmoins incontournable. N’étant pas dans le gouvernement, il peut maintenir une ligne très critique du gouvernement sans avoir à assumer des choix difficiles potentiellement impopulaires. Cependant, il reste assez puissant pour briser toute velléité gouvernementale de s’en prendre à ses intérêts fondamentaux.

La dimension régionale : statut quo

Le Hezbollah tire sa puissance du soutien que lui apportent les Chiites libanais (et les Libanais dans leur ensemble, jusqu’à un certain point) et de l’appui de la Syrie (qui laisse transiter par son territoire les armes, matériels et « conseillers » destinées au Parti de Dieu) et de l’Iran (qui fournit une aide matérielle, technique et financière non négligeable). En 2008, la normalisation des relations syro-libanaises et les pourparlers entre la Syrie et Israël par Turcs interposés pouvaient laisser entrevoir un changement d’attitude de Damas vis-à-vis du Hezbollah en échange de la restitution du plateau du Golan[1]. Peu importe que de telles négociations aient été ou non vouées à l’échec[2], l’opération « Plomb Durci » a de toute manière interrompu tout contact entre les deux parties. Du côté de l’Iran, la réélection de Mahmoud Ahmadinejad ne laisse pas beaucoup d’espoir à ceux qui tablaient sur une révision à la baisse du soutien iranien au Hezbollah, fort improbable même dans le cas d’un changement de président[3].

La dimension religieuse

La situation est moins évidente quant à la dimension religieuse. Le référent en dernier ressort du Hezbollah est Ali Khamenei, non en tant que Guide Suprême iranien mais comme Marja, haute autorité spirituelle du chiisme duodécimain. Sa prise de position très affirmée en faveur de Mahmoud Ahmadinejad lors des troubles qui ont agité l’Iran ces derniers jours tranche avec la neutralité que doit observer le Marja. On a pu constater en cette occasion le silence, voir la réprobation d’autres autorités majeures du Chiisme duodécimain, comme l’Ayatollah Ali al-Sistani de Nadjaf (qui aurait selon le Wall Street Journal refusé de rencontrer Mahmoud Ahmadinejad lors de sa venue en Irak) ou encore l’Ayatollah Hossein Ali Montazeri (lui-même marja qui a vivement critiqué le Guide par le passé et successeur présumé de Khomeiny avant l’ascension de Khamenei). Au Liban même, le Hezbollah a bien repris la version officielle iranienne de désordres orchestrés par des puissances étrangères, tout en soulignant qu’il s’agissait d’une affaire interne à l’Iran, manière de se démarquer quelque peu du faqih. Cependant, les Chiites libanais, s’ils soutiennent dans l’ensemble le Hezbollah, n’adhèrent pas intégralement pour autant à sa conception du velayat e faqih (gouvernement du théologien juriste). Des figures libanaises importantes de cette confession, comme Ali el Amine ou Hussein Fadlallah entretiennent des relations complexes ou ambigües avec le Parti de Dieu. Bien que ce dernier tire sa popularité de facteurs autres que sa doctrine politico-religieuse, son alignement sur la doctrine khomeyniste du velayat e faqih pourrait revenir sur le devant de la scène à l’occasion des manifestations de Téhéran, et entacher quelque peu sa popularité dans un pays où le pluralisme religieux est partie intégrante de l’identité nationale.

[1] Malgré le retrait opéré en 2000, le Liban considère qu’Israël occupe toujours une partie de son territoire (les fermes de Chebaa, que l’ONU et Israël considèrent comme syriennes). La normalisation des relations syro-libanaises ouvrait la voie à leur restitution officielle par la Syrie et éventuellement à un retrait israélien.
[2] Le Hezbollah, considérant visiblement que ces pourparlers avaient une chance d’aboutir, avait alors tenté de se fabriquer une cause alternative sous la formes de villages chiites libanais annexés en 1949 par Israël.
[3] Les organismes d’État iraniens soutenant le Hezbollah sont tous liés aux Pasdarans et au ministère du Renseignement, eux-mêmes placés sous l’autorité du Guide Suprême Khamenei.

dimanche 5 juillet 2009

Un an après


Il y a plus un an et quelques jours, l’aventure « Mars attaque » démarrait sur un coup de tête parce qu’il fallait occuper intelligemment le temps libre laissé par des études universitaires peu prenantes. Mais aussi pour l’envie de se confronter à de vrais spécialistes, d’éclairer le débat sous un angle différent, de se forcer à mettre en forme plus ou moins convenablement sa pensée, etc.

C’était une petite pierre apportée à l’édifice de la naissante « blogosphère stratégique francophone » dominée alors par quelques « poids lourds » qui bien inconsciemment m’ont motivé et guidé : En Verité, EGEA, Théâtre des opérations, Athéna et moi ou Secret Défense pour n’en citer que certains. Merci à eux comme aux fidèles lecteurs. (la grosse centaine quotidienne quand je publie régulièrement...). Cela serait mentir que de dire que je ne regarde pas parfois avec envie la fréquentation du blog en espérant faire de bons chiffres. Dans une activité très vite chronophage, c’est une motivation bienvenue pour poursuivre.

Avec des premiers mois très denses au niveau du rythme de publication et quelques 145 billets en un an, j’ai du drastiquement réduire le nombre de billets mensuels. Je ne suis plus l’étudiant ayant du temps à occuper (et non à perdre…). Donc le soir, les heures manquent du fait de l’activité professionnelle et de quelques complications quant à l’avenir.

Cahin-caha, je continuerais à publier au gré des idées et de la disponibilité. Ce blog m’apporte et m’a déjà trop apporté, pour que l’on ne poursuive pas l’aventure. Encore plus quant elle est couplée avec celle de « l’Alliance géostratégique ». Dans un an, j’espère pouvoir entamer le billet anniversaire des « deux ans » par cette phrase : « Ayant repris depuis plusieurs mois, un rythme bi ou même tri-hebdomadaire, le défi est relevé ! ».