lundi 1 août 2011

Médias sociaux : quand notre attrait pour la nouveauté, nous fait perdre notre latin

La nouveauté attire et il paraîtrait même que notre cerveau mémorise bien mieux un événement qui rompt l'habitude. Chez certaines personnes n'appréciant pas le changement, elle est source d'inquiétudes. Mais généralement, elle fascine et interroge, tout en nous faisant bien trop souvent oublier de garder un peu de recul pour l'analyser et la mettre en perspective.

Ces miraculeux médias sociaux

Ainsi, un des sujets du moment qui souffre sans doute de cet empressement est celui des réseaux sociaux dont l'apparente révolution permanente fascine. Rendez-vous compte, Facebook a mis 850 jours pour atteindre les 10 millions d'utilisateurs, Twitter 750 jours et Google+ moins de 20 jours! Exceptionnel!

N'oublions pas, il paraîtrait même que ces médias sociaux renversent "des dictatures". Hélas, il semblerait qu'ils ne puisent y arriver hors de toutes volontés. En effet, en Egypte, ce n'était un changement apparent que pour 3 semaines... Et en Libye, le soft Twitter + le hard des JDAM (des munitions guidées) ne font pas les miracles que les impatients attendaient.

Au secours les Taliban sont sur Facebook

Le 28 juillet, la nouvelle se répand comme une trainée de poudre via ces médias sociaux : les Taliban ont ouvert un compte Facebook. L'information provient d'un journaliste indépendant présent à Kaboul, vite "confirmée" par un journaliste du respectable Foreign Policy et reprise alors par différents abonnés réputés ou non, crédibles ou non.

Mais bien sûr, les Taliban investissent ces outils afin de répercuter "massivement" leurs messages, de pouvoir réagir aux contre-discours, voir de recruter de jeunes volontaires généralement bien présents sur ces médias sociaux. Après, une arrivée fracassante sur Twitter, Facebook est touché, à quand Google+?

Tout d'abord, quitte à décevoir certains, des comptes se revendiquant de l'Emirat Islamique d'Afghanistan existent sur Facebook depuis plusieurs mois (au moins depuis Janvier). Face à différentes attaques de déni de service, le réseau de ces comptes est, à leur décharge, mouvant et donc difficile à suivre pour un observateur extérieur.

Est-ce si simple que cela?

Ensuite, les Taliban sont sur Facebook, Twitter et la lune : et alors? N'étant que des outils, ces médias sociaux doivent être analysés comme tels sans tomber dans une dérive techniciste qui nous fait trop souvent penser aux voies et aux moyens avant de penser aux fins. Après tout, c'est un mal bien d'actualité.

Bien souvent, ces médias sociaux ne font que reprendre des informations généralement tellement exagérées qu'elles perdent en crédibilité auprès d'une large majorité de l'audience-cible. En plus, ces outils sont des canaux de diffusion qui reprennent, en les déformant, des événements bien réels ayant déjà eux aussi leurs propres conséquences sur d'autres audiences.

Lorsqu'il y a une rumeur, par exemple la mort du mollah Omar (ce qui arrive une fois toutes les trois semaines), le brouillard informationnel dure quelques heures, le temps que l'information soit confirmée par d'autres sources. Si ce genre de rumeur permet sans doute de cartographier certains acteurs influents et les opinions de chacun, elle ne fait pas gagner une guerre.

Si ce n'est pas que le terrain qui commande, il compte tout de même un peu

Finalement, c'est saisir que cet univers des réseaux sociaux n'est qu'une parcelle du domaine cyber, qui est lui même relié par de multiples canaux à ce qui se passe sur d'autres champs de batailles comme celui des montagnes, des villes et des déserts afghans, celui des chancelleries et des lieux de décisions, celui de l'action sur les consciences, etc.

Il n'est pas autonome et doit être comme d'autres mis au service de l'objectif tout en se demandant s'il est d'ailleurs utile. Aujourd'hui, il est sans doute nécessaire de parler à ce sujet de Retour sur Non-Investissement (plus que de RoI). Mais il ne faudrait pas alors tomber dans un excès inverse, il est vrai actuellement plus présent dans certaines analyses que dans les faits.

PS : à ma connaissance, une vraie info sera quand des mouvements autres que celui des Taliban rejoindront ces outils... Pour le moment, rien ne tombe dans ma veille à ce sujet...

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